Italie : deux passeurs condamnés pour la mort de plus de 800 migrants dans un naufrage

Le tribunal de Catane (Sicile) a condamné ce mardi à 18 ans de prison Mohammed Ali Malek, le capitaine tunisien à la barre du chalutier dont le naufrage avait provoqué la mort de plus de 800 migrants en avril 2015.

Des migrants subsahariens lors d’une opération de secours en Méditerranée, le 21 juillet 2016. © Santi Palacios/AP/SIPA

Des migrants subsahariens lors d’une opération de secours en Méditerranée, le 21 juillet 2016. © Santi Palacios/AP/SIPA

Publié le 13 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Mahmoud Bikhit, un Syrien de 26 ans considéré comme son second à bord, a été condamné à cinq ans de prison mardi 13 décembre pour ce naufrage, le plus meurtrier de ces dernières décennies en Méditerranée.

Les accusés affirment être de simples migrants

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Pendant leur procès, les deux hommes ont cependant affirmé n’avoir été que des migrants parmi les autres. Il y a « passeur et passeur. La plupart du temps ce sont des migrants désignés sur le moment. On leur donne un téléphone satellitaire, une boussole et on leur interdit sous peine de mort de faire demi-tour », a expliqué à l’AFP l’avocat de Mohammed Ali Malek, Me Massimo Ferrante.

Selon les autres survivants, le Tunisien de 28 ans était à la barre lorsque le bateau bleu de moins de 30 mètres, parti de Libye le 18 avril 2015 au matin, avait chaviré et coulé dans la nuit suivante, sous les yeux horrifiés de l’équipage du « King Jacob », un cargo portugais envoyé à son secours.

Selon le parquet, les manœuvres erratiques de Mohammed Ali Malek ont fortement contribué au chavirage du bateau, qui a semble-t-il percuté le « King Jacob » à plusieurs reprises. Son avocat a plusieurs fois réclamé que les manœuvres du cargo portugais soient également examinées, mais le parquet de Catane a rapidement exonéré son équipage de toute responsabilité.

Entre 800 et 900 morts

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À la suite d’une promesse faite par l’ex-Premier ministre italien, Matteo Renzi, la marine italienne a renfloué fin juin l’épave, qui gisait à environ 370 mètres de profondeur, afin d’offrir une sépulture digne aux victimes. Cette opération a aussi permis un macabre décompte.

Outre 24 victimes inhumées à Malte, la marine italienne a récupéré 219 corps dans et autour de l’épave. Les pompiers chargés d’extraire les corps du chalutier ont rempli 458 sacs mortuaires avec les restes retrouvés dans la cale, la salle des machines et même le puits de la chaîne d’ancre à l’avant. Compte tenu de la taille du bateau qui, selon les pompiers, ne pouvait pas contenir plus de 250 personnes, cela signifie que les migrants étaient au moins cinq par mètre carré.

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Et les équipes de médecins-légistes, qui ont examiné pendant plus de trois mois le contenu de ces sacs, sont formelles : beaucoup comprenaient les restes de plusieurs personnes. Le total atteint désormais 800 à 900 morts, mais pour avoir un décompte précis, l’analyse des échantillons prendra encore un an.

En annonçant ces chiffres au mois d’octobre, Vittorio Piscitelli, commissaire extraordinaire pour les personnes disparues, s’était indigné : « Comment a-t-il été possible de mettre jusqu’à 900 personnes là-dedans ! Ils ne pouvaient pas arriver vivants. »

Retrouver les familles

Les corps sont désormais enterrés dans des cimetières de Sicile, après un relevé minutieux de tous les éléments pouvant aider à leur identification : échantillons ADN, documents, vêtements, tatouages, cicatrices… Les autorités italiennes cherchent désormais à retrouver les familles.

Des contacts sont pris avec la Croix Rouge internationale et avec les ambassades d’Italie dans les pays d’origine et les pays européens où pourraient se trouver des proches.

Des documents retrouvés dans les poches des morts montrent qu’ils venaient du Soudan, de Somalie, du Mali, de Gambie, d’Éthiopie, du Sénégal, de Côte d’Ivoire, d’Érythrée, de Guinée-Bissau et du Bangladesh. Signe du déchirement que représentent ces migrations, l’un d’entre eux avait avec lui un petit sachet contenant de la terre de son pays.

À l’époque du drame, les témoignages glaçants des survivants avaient provoqué une vague d’indignation et poussé l’Union européenne à renforcer de manière significative sa présence au large de la Libye. Ce naufrage n’a cependant pas dissuadé les passeurs en Libye, qui ont continué à envoyer des bateaux similaires chargés de centaines de personnes, parfois plus d’un millier.

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