Anthony Pile : « Ajouter de la valeur à la source, c’est possible et ça marche ! »

Anthony Pile est le fondateur et le président de la société agro-industrielle Blue Skies, dont la première usine a ouvert au Ghana en 1997.

Anthony Pile est l’un des pionniers de l’industrie des fruits frais coupés au Royaume-Uni. © Blue Skies

Anthony Pile est l’un des pionniers de l’industrie des fruits frais coupés au Royaume-Uni. © Blue Skies

Publié le 19 janvier 2015 Lecture : 5 minutes.

Anthony Pile, fondateur de la société agro-industrielle Blue Skies, témoigne, en se basant sur son expérience de quinze ans dans cette entreprise de fruits frais coupés, sur la faisabilité et la rentabilité d’un modèle consistant à élaborer le produit fini sur place en Afrique, à partir de matières premières locales, plutôt qu’en Europe ou ailleurs.

Blue Skies a été fondé en 1997 sur l’idée que les consommateurs européens autant que les ouvriers ghanéens pourraient être gagnants si l’ananas africain était récolté, découpé et transporté vers son lieu de consommation le jour même.

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Les avantages potentiels paraissaient d’emblée immenses : la proximité des exploitations et le raccourcissement des délais de transport permettraient de récolter les fruits à pleine maturité et de livrer ainsi au consommateur un produit plus frais et plus savoureux.

Secteur privé & développement

BLOG SPD logo court FR 400X464Cet article est adapté du témoignage d’Anthony Pile, publié par Secteur Privé & développement, le blog de Proparco, filiale de l’Agence française de développement. Il est repris ici avec l’autorisation expresse de SP&D.

Retrouvez sur le site de SP&D la version complète de ce témoignage ainsi que de nombreux retours d’expériences d’opérateurs du secteur privé sur leurs solutions aux problématiques auxquelles ils sont confrontés dans les pays en développement.

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En plus, la découpe sur place de l’ananas permet de conserver les déchets dans le pays de production, réduisant par la même occasion le poids des produits transportés et, de surcroît, grâce au recyclage, les agriculteurs se voyaient proposés des engrais et de l’alimentation animale bon marché.

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Croissance

Blue Skies a construit une usine accueillant trente-cinq ouvriers formés et, en collaboration avec vingt petits exploitants, a commencé à produire diverses découpes d’ananas pour la chaîne d’hypermarchés Sainsbury, en Grande-Bretagne.

Au bout d’un an, non seulement les livraisons d’ananas à l’usine se sont avérées fiables mois après mois, mais la logistique a également été à la hauteur des attentes des uns et des autres. Ainsi, preuve était faite que l’on pouvait effectivement récolter, découper et expédier les fruits par avion, et livrer ainsi au consommateur les fruits tropicaux les plus frais qu’il ait jamais pu se procurer sur le marché.

Aujourd’hui, quinze ans plus tard, et en dépit de la crise économique mondiale, Blue Skies possède des usines en Grande-Bretagne, au Brésil, en Egypte, au Sénégal et en Afrique du Sud. La plus importante d’entre elles se situe toujours au Ghana : elle y transforme 240 tonnes d’ananas et 160 tonnes de mangues par semaine. L’ensemble compte environ 3 000 personnes travaillant au service de treize distributeurs, essentiellement européens.

Dès qu’un entrepreneur possède expérience et motivation, l’Afrique est un continent qui regorge de possibilités.

Blue Skies ProparcoRéussite et obstacles

Blue Skies s’est pourtant heurté à plusieurs difficultés liées au contexte africain. Ici, nouer les relations de confiance indispensables à l’établissement de partenariats durables nécessite du temps, alors même que les entreprises occidentales tissent souvent ces partenariats avant même de commencer leur activité.

Par ailleurs, les problèmes de titres de propriété foncière, le manque de soutien des banques et la corruption ont constitué autant d’obstacles qu’il n’était possible de surmonter qu’en s’appuyant sur une forte culture d’entreprise.

Blue Skies a épousé le modèle d’ »Entreprise d’Effort Conjoint » (Joint Effort Enterprise ou JEE), qui repose sur trois piliers : diversité sociale, culture du respect et recherche du profit, dans la mesure où cette dernière ne se fait pas au détriment des deux premiers piliers.

Tout en assumant complètement sa dimension lucrative, Blue Skies se pose comme une organisation fondée sur les valeurs de respect et d’équité. Le terme d’ »effort conjoint » évoque des hiérarchies horizontales, un authentique dialogue interne, l’absence de favoritisme (les cadres n’ont pas de voitures de fonction) et, enfin, la confiance.

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Retombées

Les retombées économiques indirectes du développement de Blue Skies sont désormais supérieures à ses propres bénéfices. Blue Skies offre une sécurité économique à ses employés – payés environ trois fois le salaire minimum – et nos agriculteurs signent des contrats portant sur une année entière, ce qui leur permet de planifier et, point crucial, d’apprendre à améliorer la qualité de leurs produits.

Notre arrivée a également créé de nouveaux marchés et alimenté l’activité économique autour de l’usine et des plantations (ateliers de couture, garages, infirmeries, alimentation pour le bétail). Aujourd’hui, la ville de Nsawam, dépourvue d’industrie lors de la mise en exploitation de Blue Skies en 1998, est une métropole commerciale dynamique et bien organisée, dotée de bâtiments neufs et de magasins rénovés.

Blue Skies a créé un véritable petit marché au Ghana, mais les producteurs locaux ne suivent pas encore. Quinze ans après sa création, l’entreprise doit encore importer le carton, les emballages plastiques, les produits chimiques, les machines, les équipements de transformation, les compétences en mécanique et même de simples conseils comptables, alors que, comme tant d’autres choses, tout pourrait provenir du Ghana.

Un modèle qui peut être étendu

Le modèle Blue Skies peut-il être étendu au-delà de ce pays ? C’est non seulement possible, mais c’est déjà une réalité : aujourd’hui, l’entreprise dispose de sites de production en Égypte, au Sénégal et en Afrique du Sud, entre autres.

Quinze ans après sa création, Blue Skies doit encore importer ses machines et même de simples conseils comptables, alors que tout pourrait provenir du Ghana.

Blue Skies a déjà montré qu’il pouvait, au-delà de l’ananas, proposer de la mangue, de la papaye, de la noix de coco et des fruits de la passion en morceaux, à des prix générant suffisamment de revenus pour permettre la croissance de l’entreprise.

Ce modèle peut-il être reproduit, ou adapté, pour s’appliquer à d’autres secteurs agro-alimentaires et industriels ? La réponse est évidemment oui.

Les matières premières sont abondantes et n’attendent que d’être transformées en produits finis répondant aux besoins du consommateur.

Les plantations d’hévéas pourraient donner des pneus ou des chaussures ; les coques de noix de coco pourraient être transformées en paillassons ; le cacao et le bétail sont nécessaires à la fabrication du chocolat au lait ; minéraux et métaux entrent dans la composition de nombreux produits finis. Il y a tant d’idées et tant de possibilités qui porter leurs fruits.

Dès lors qu’un entrepreneur, quel que soit son horizon, possède expérience et motivation, l’Afrique est un continent qui regorge de possibilités.

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