Tchad : au pays du coton, le faam et le jatropha font une entrée en fanfare
Dans la région de Moundou, les paysans, les ingénieurs et les élus explorent de nouveaux débouchés. La coque de coton se transforme en charbon écolo – le faam – et le jatropha en savon.
Non loin des usines d’égrenage de Moundou, des ingénieurs tchadiens ont entrepris de récupérer les coques de coton pour en faire un charbon écologique et plus économique que le charbon de bois habituellement utilisé par les ménages. Commercialisé depuis le mois d’octobre, ce combustible écolo appelé « faam » (« charbon » en arabe) ne produit pas de fumée, pas d’étincelles, se consume lentement… Et commence à entrer dans les foyers.
Eugénie est intarissable. Depuis qu’elle a acheté son premier sac de faam il y a quelques jours, elle ne cesse d’en parler autour d’elle. Selon elle, il n’y a pas mieux. « Ce qui est bien, c’est que l’on n’a pas besoin d’une grande quantité pour faire un repas, et il irrite moins les yeux », poursuit Bérénice, ménagère du quartier Dombao, à Moundou.
« Nous pensons faire bientôt tourner l’usine 24h/24h »
Ce charbon d’un nouveau genre est fabriqué à Kana, près de Moundou, par l’entreprise Faam, créée par un groupe d’ingénieurs travaillant dans le pétrole. Le combustible est produit à partir des coques de coton torréfiées dans des fourneaux, puis malaxées avec de l’amidon. La mixture est ensuite compressée dans des moules pour prendre la forme de petite boulettes, alors conditionnées dans des sacs de 10 kg, vendus 3 000 F CFA (4,57 euros) l’unité.
Depuis quelques semaines, les équipes de Faam écument les marchés de Moundou et N’Djamena pour promouvoir le nouveau produit. « Les retours sont bons. Le premier stock de 12 t que nous avons emmené à N’Djamena diminue assez vite, ce qui nous oblige à relancer la production. Au vu de la demande, nous pensons faire bientôt tourner l’usine 24h/24h », se réjouit Mouiba Djinguereng, l’un des promoteurs de Faam. L’unité de production, dont la construction a coûté 300 millions de F CFA (457 000 euros), a une capacité de 60 t/jour. De quoi aider à sortir de la dépendance encore très forte du charbon de bois.
Une économie de taille : 3 000 F CFA le sac de 10 kg, contre 7 000 F CFA pour la même quantité de charbon de bois
Pour ses promoteurs, au-delà du succès commercial, le faam est une alternative écologique dans une région où le gaz butane est très peu utilisé et où le charbon de bois reste une source d’éternels conflits entre paysans et agents des eaux et forêts, la coupe du bois étant interdite. C’est aussi une économie de taille par rapport au charbon de bois, vendu en moyenne 700 F CFA/kg, selon l’Agence pour l’énergie domestique et l’environnement (AEDE).
Prochain objectif des néo-entrepreneurs ? Obtenir l’adhésion et un coup de pouce des autorités, notamment en termes d’exonérations, afin de pouvoir vendre le sac de 10 kg à seulement 2 000 F CFA. Pour que le faam soit un outil de lutte contre la dégradation de l’environnement, mais aussi contre la pauvreté.
Le jatropha restaure les sols, mais pas seulement
Autre nouveauté dans la brousse du Logone Occidental aux sols lessivés par des années d’exploitation du coton : le jatropha, un arbre jusqu’alors fort peu connu dans la région et dont les premiers spécimens ont été présentés en 2007 aux paysans comme restaurateurs des sols dégradés. En grandissant, leurs fruits, leurs feuilles et leur écorce ont révélé bien d’autres vertus. D’un village à l’autre, cette essence a connu un tel succès qu’on trouve désormais de nombreuses plantations de jatrophas dans et autour des villages. Quelque 2 000 personnes le cultivent désormais dans la région du Logone Occidental.
Pour les femmes, c’est une aubaine. Grâce à de la formation dispensée par le réseau Jatropha, piloté par le maire de Moundou, Mbaiherem Laoukein Médard, elles ont appris à en faire de l’huile et du savon (en le mélangeant au beurre de karité). « L’huile de jatropha est utilisée dans les lampes tempêtes, les réchauds, et elle se vend aussi très bien », explique le maire de Moundou. À plus grande échelle, cette huile peut aussi être transformée en biocarburant. En attendant d’en arriver là, la filière s’est vu octroyer une subvention de 371 millions de F CFA (près de 566 000 euros) du Programme national de sécurité alimentaire (PNSA) pour se structurer et former ses acteurs. Mais en raison de la crise financière que traverse le pays depuis 2015, les fonds n’ont pas encore été entièrement versés.
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