Photographie : Pascal Maitre, la vie en plus
Exposé récemment à la Maison européenne de la photographie, le reporter Pascal Maitre reste fidèle à la presse, qui lui permet de montrer au mieux l’énergie vitale du continent africain.
Il vient de revenir, il est sur le point de repartir. Le Nigeria hier, Madagascar demain, c’est toute la vie du photojournaliste Pascal Maitre, inusable arpenteur du continent africain. Si bien qu’il paraît presque intimidé dans le cadre très institutionnel de la Maison européenne de la photographie (MEP, Paris) où était exposée, jusqu’au 2 novembre, une sélection de ses images sobrement baptisée "Afrique(s)". Treize pays, parmi les quarante qu’il a visités depuis ses débuts au sein de Jeune Afrique, puis pour de nombreux magazines parmi les plus prestigieux (GEO, National Geographic, Paris Match, Stern, etc.).
Nombre de ses collègues considéreraient une exposition à la MEP comme une consécration, l’aboutissement d’années d’efforts. "C’est la première fois que l’on m’invite à exposer dans une institution, dit Maitre. L’idée de présenter mon travail à un public que je ne connais pas et qui ne me connaît pas me plaît bien." Sans doute est-ce un peu exagéré : le public, sans le savoir peut-être, s’est certainement arrêté plus d’une fois sur une image de Pascal Maitre en feuilletant un magazine. À cause de la couleur, à cause de la lumière, à cause de l’énergie.
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Le baroudeur né en 1955 dans le Berry ne se voit pas comme un plasticien : il est surtout et avant tout un photoreporter. "Toutes les photos sélectionnées sont extraites d’un reportage, affirme-t-il. S’il n’y avait pas le reportage, je ne continuerais pas forcément, mais travailler pour la presse, c’est être confronté à une perpétuelle évolution qui vous embarque totalement." S’il accepte de temps en temps de vendre des tirages aux enchères – et il convient de signaler que le marché de la photo est très porteur ces dernières années -, c’est loin d’être sa préoccupation principale.
"Pour l’instant, je ne m’en suis pas trop occupé, j’ai l’impression que ces photos ne sont pas faites pour ça. Peut-être quand je serai plus vieux, mais tant que des journaux me commandent du travail…" Sans fausse modestie, il confie tout de même : "Nan Goldin m’a acheté plusieurs tirages… Elle aime beaucoup ce que je fais…" Elle-même photographe plasticienne couronnée par le prix Hasselblad, Nan Goldin est une artiste américaine dont les tirages peuvent dépasser les 20 000 dollars (16 000 euros).
Les photos ressemblent à des tableaux
Somalie, Érythrée, Soudan, Congo, Madagascar, Pascal Maitre montre l’Afrique en couleurs et en douleurs, avec le souci de légendes précises. "J’ai choisi des couleurs vives pour rester le plus possible dans un contexte de magazine, explique-t-il. Quant aux légendes, je pense qu’elles sont essentielles pour éviter que les photos soient suspendues dans le néant." Un visage d’enfant mort sous un tissu bariolé, un marché détruit de Mogadiscio : la violence est montrée avec pudeur.
"Dans l’extrême douleur, les gens ont besoin de parler, soutient Maitre. Photographier, ce n’est pas quelque chose qu’on fait contre eux. Depuis que je fais ce travail, je n’ai jamais vu d’indécence chez un collègue." Pourtant, dans le cadre aseptisé de l’exposition, malgré les superbes cibachromes, Maitre laisse filtrer un doute : "Quand je vois toutes ces photos si bien tirées, j’ai l’impression étrange que c’est assez loin de ce que je fais… J’ai l’impression que ça m’échappe, que ce n’est plus moi…" Et pourquoi pas ? Désormais, les photos appartiennent à ceux qui les regardent.
Comme le plasticien béninois Romuald Hazoumé, qui écrit avec justesse : "Quand je regarde les images de Pascal, je passe du sourire à la colère, de la honte à l’admiration. Je lui suis reconnaissant d’avoir vu tout ça et de continuer à voir. De nous aimer autant pour nous dire autant. Les photos de Pascal Maitre ressemblent à des tableaux. La vie en plus."
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