Chine : Rurik Jutting, Hong Kong psycho
Accro au sexe et à la drogue, Rurik Jutting, un jeune et brillant banquier britannique, a fini par basculer pour de bon : il est accusé d’avoir torturé, mutilé et assassiné deux jeunes prostituées philippines. Et la police s’interroge : a-t-il fait d’autres victimes ?
Au bar du China Hand Pub, débit de boisson hong-kongais où il a ses habitudes, Rurik Jutting sirote tranquillement une pinte de Tatley’s, sa bière préférée. Au barman, il explique qu’il se sent un peu fatigué, stressé. Rien d’étonnant à ça : quelques minutes auparavant, ce banquier flambeur dont le revenu mensuel avoisine 40 000 euros a sauvagement assassiné deux jeunes Indonésiennes. Il a découpé la première en morceaux, qu’il a soigneusement rangés dans une valise entreposée sur son balcon. À la seconde, il s’est contenté de trancher la gorge et les fesses.
À 3 h 42 du matin dans la nuit de Halloween, Jutting finit par appeler la police. Dans son luxueux appartement au 31e étage d’une tour du quartier de Wanchai, les flics tombent sur une scène d’horreur : du sol au plafond, tout est maculé de sang. On se croirait dans American Psycho, célèbre polar de Bret Easton Ellis qui raconte l’histoire d’un psychopathe bien sous tous rapports : il est beau, riche, intelligent… mais c’est un terrifiant serial killer. Sauf que là, il ne s’agit hélas pas d’une fiction.
Les enquêteurs tentent aujourd’hui de cerner la personnalité démoniaque du jeune Britannique de 29 ans, fils d’une (très) bonne famille du sud de l’Angleterre et diplômé de Cambridge. Cocaïnomane notoire et amateur de marijuana, Jutting gagnait des sommes folles dans les salles de marché d’une grande banque américaine de Hong Kong, troisième place financière d’Asie. Comme au casino. Mais il ne s’est jamais signalé par des dépenses extravagantes dans les hôtels cinq étoiles ou les restaurants de luxe qui pullulent dans l’ex-colonie britannique.
Son truc à lui, c’étaient les femmes. De préférence très jeunes et s’adonnant à la prostitution.
Non, son truc à lui, c’étaient les femmes. De préférence très jeunes et s’adonnant à la prostitution. Il les payait jusqu’à 1 300 euros la soirée et organisait chez lui de véritables orgies. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait choisi de vivre dans le quartier chaud de Wanchai, ce paradis des clubs de strip-tease et des bars à tapins où travaillent des milliers de jeunes femmes venues pour la plupart d’Asie du Sud-Est – Thaïlande, Philippines ou Indonésie. Comme ses deux victimes.
Jutting est un grand schizophrène, une personnalité double. Il était capable de passer un week-end dans les bordels de Manille ou de Bangkok, puis, sans transition, de se muer le lundi matin en brillant et discret négociant en valeurs mobilières. Pas franchement affable, il ne comptait guère d’amis dans la gent masculine. Son procès s’est ouvert le 24 novembre et a aussitôt été reporté au 6 juillet 2015.
Quelques heures avant la tragédie, Jutting avait posté sur sa page Facebook deux articles de tonalité très optimiste. Dans le premier, il se demande si "29 ans [son âge] est l’âge parfait". Dans le second, il publie une photo d’une de ses victimes assortie de ce commentaire d’une rare platitude : "L’argent ne fait pas le bonheur." Mais une semaine auparavant, il avait écrit bien autre chose : "J’embarque pour un nouveau voyage, je me retire, le fardeau s’allège. J’ai peur, je suis inquiet, mais aussi enthousiaste. Le premier pas est toujours le plus dur."
Deux mille photos de femmes assassinées
Les enquêteurs se perdent en conjectures et tentent d’identifier d’autres victimes éventuelles. Ils ont retrouvé dans le téléphone portable du banquier fou, laissé bien en évidence sur la scène du crime, près de deux mille photos de femmes plus ou moins sauvagement assassinées. L’affaire a en tout cas fait l’effet d’un électrochoc dans cette ville tout entière vouée au culte de l’argent : les inégalités y sont vertigineuses entre une population locale souvent parquée dans les tours miteuses des faubourgs et les centaines de milliers d’expatriés aux salaires mirobolants. Mais le taux de criminalité y a toujours été très faible. Puisse Rurik Jutting rester une exception !
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