Jérôme Champagne : « S’il y a eu corruption à la Fifa, il faut qu’on le sache ! »
L’attribution controversée à la Russie et au Qatar des Coupes du monde de 2018 et de 2022 n’en finit pas de susciter des remous. Seul candidat pour l’instant déclaré à la présidence de la Fifa, le Français Jérôme Champagne exige plus de transparence. Interview.
Ancien diplomate et ancien dirigeant de la Fifa (1999-2010), le Français Jérôme Champagne est pour l’instant le seul candidat déclaré à la présidence de la Fédération internationale de football – même s’il ne fait guère de doute que Joseph Blatter briguera un nouveau mandat. Il plaide pour la publication rapide et intégrale du rapport que l’Américain Michael Garcia a consacré à l’attribution controversée à la Russie et au Qatar des Coupes du monde de 2018 et de 2022.
Jeune Afrique : Pourquoi insistez-vous pour que le rapport Garcia soit publié ?
JÉRÔME CHAMPAGNE : Les Coupes du monde 2018 et 2022 ont été attribuées il y a quatre ans, le 2 décembre 2010. Depuis, beaucoup de choses ont été dites qui nuisent à l’image de cette compétition. Nous devons savoir si oui ou non il y a eu des comportements répréhensibles. Le contenu de ce rapport fait régulièrement l’objet de fuites dans la presse. Pour clarifier les choses, il faut le publier rapidement, en protégeant naturellement l’identité de ceux qu’on appelle les "donneurs d’alerte".
Joseph Blatter prétend ne pas avoir lu ce rapport puisqu’il n’en était pas destinataire. Est-ce plausible ?
Je ne peux vraiment pas répondre à cette question. Ce que je sais, c’est que, au sein même du comité exécutif, le fait que ce rapport ne soit pas intégralement publié ne plaît pas à tout le monde.
Parce que cela alimente la suspicion ?
Bien sûr. Beaucoup de choses ont été dites concernant l’attribution de la Coupe du monde au Qatar. Si les Qataris n’ont rien à se reprocher, c’est injuste pour eux et c’est dommage pour la Coupe du monde, qui n’a encore jamais eu lieu dans cette partie du monde. À l’inverse, si des malversations sont avérées, il faut en tirer les conséquences. Il faut savoir si, parmi ceux qui ont voté en 2010, certains se sont livrés à des actes illégaux. Je rappelle que le Qatar l’avait emporté sur les États-Unis par 14 voix contre 8. Il faut s’assurer de l’intégrité du vote.
Le FBI, qui a réussi à convaincre Chuck Blazer, un ancien membre du comité exécutif [et ancien secrétaire général de la Concacaf, la fédération d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale], de travailler pour lui, ne va sûrement pas s’arrêter en si bon chemin. J’ai aussi du mal à croire que le Qatari Mohamed Bin Hammam [aujourd’hui banni de la direction de la Fifa] puisse ne pas avoir été associé au dossier de candidature de son pays. Maintenant, la justice suisse a été saisie…
Les ouvriers qui travaillent à la rénovation ou à la construction des stades où se jouera la compétition le font dans des conditions indignes…
Organiser une Coupe du monde dans un pays où, grâce à la mise en place de réseaux partant des vallées népalaises ou des campagnes indiennes, on n’hésite pas à exploiter la misère du monde pour construire des stades n’est pas acceptable. On ne pourra pas aller au Qatar si cette question n’est pas réglée. Il faut que les gouvernements se mobilisent rapidement pour mettre la pression sur les autorités qataries. Ces dernières ont promis le changement. Elles doivent aujourd’hui tenir leurs promesses.
>> Lire aussi l’interview de Jérôme Champagne : "Est-il normal que l’Afrique ne compte que 4 sièges au commité exécutif de la Fifa ?"
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