Affaire Gafirita – J. Busingye : « Le gouvernement rwandais fait confiance aux magistrats français »

Kigali nie être impliqué dans l’enlèvement d’Émile Gafirita, témoin de la dernière heure dans l’attentat contre l’avion de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, en 1994. Interview de Johnston Busingye, ministre rwandais de la Justice.

Johnston Busingye est le ministre rwandais de la Justice. © DR

Johnston Busingye est le ministre rwandais de la Justice. © DR

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 8 décembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Où se trouve Émile Gafirita ?

Johnston Busingye : Je l’ignore, et je ne suis même pas sûr de savoir de qui il s’agit. Deux noms ont été publiés : celui d’Émile Gafirita et celui d’Emmanuel Mugisha. Mais s’il vivait sous une identité d’emprunt, depuis quand le faisait-il et pourquoi ? Tout cela est problématique.

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Confirmez-vous qu’un certain Émile Gafirita était membre de l’Armée patriotique rwandaise ?

Un ancien sergent de l’armée porte ce nom-là, oui. Il a été démobilisé, probablement en 2005.

>> À lire L’étrange affaire Gafirita

Faisait-il partie des hommes stationnés à Kigali en avril 1994 ?

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Non, il ne figurait pas parmi ces soldats. Ce n’est pas difficile à vérifier puisque les Nations unies ont dû garder la trace des 600 noms.

Patrick Karegeya a été tué, Faustin Kayumba Nyamwasa a été victime d’une tentative d’assassinat. Tous deux étaient prêts à témoigner de l’implication de Paul Kagamé dans l’attentat de 1994. C’est une coïncidence troublante…

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Je ne vois aucun lien entre ce qui est arrivé à ces gens et l’enquête. Ce que je sais, c’est que beaucoup de gens ont menti dans la procédure. Ruyenzi, Ruzibiza, Micombero, Rudasingwa, Musoni, Marara… Les juges ont prouvé que leurs déclarations étaient absolument fausses. De nouvelles manipulations ne me surprendraient pas.

Mais Paul Kagamé a publiquement déclaré que son gouvernement était prêt à tuer ceux qui déstabiliseraient le pays…

Il faut voir le contexte dans lequel le président a fait ces déclarations : il était dans une région qui a subi des attaques meurtrières en lien avec les FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda]. Il faut comprendre ce qu’il a dit de cette manière : si vous venez nous tirer dessus, nous riposterons.

Il a aussi dit, en janvier dernier, juste après l’assassinat de l’opposant Patrick Karegeya, que personne ne pouvait "trahir le Rwanda et s’en sortir". Pourquoi ne pas laisser une justice indépendante faire son travail ?

Mais c’est le cas. Le président n’a pas dit que l’État de droit cessait de s’appliquer. Plus de quarante procès ont eu lieu dans ces affaires. Nous continuons à traduire ces gens en justice.

Les dirigeants rwandais mis en examen dans l’enquête sur l’attentat de 1994 espéraient bénéficier d’un non-lieu. Comment interprétez-vous la poursuite de l’enquête ?

Pour tout magistrat instructeur sur le point de clôturer un dossier, il est toujours prudent d’entendre un nouveau témoignage. De toute façon, rien ne changera la vérité. Tous ceux qui ont suivi cette affaire ont confiance dans ces juges.

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Propos recueillis par Pierre Boisselet

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