Syrie : l’éternelle menace du « niet » au Conseil de sécurité de l’ONU
Une nouvelle résolution rédigée par la France est soumise au vote du Conseil de sécurité de l’ONU ce lundi après-midi. Elle prévoit l’envoi d’observateurs neutres pour superviser l’évacuation des civils d’Alep. Qu’en dira la Russie ?
D’abord opposé à cette résolution qu’il juge « impraticable » du fait de la présence même des observateurs, Vitali Tchourkine, l’ambassadeur de la Russie à l’ONU a finalement assuré à l’AFP ce lundi 19 décembre qu’un compromis avait été trouvé.
Une fois de plus, la clé de l’adoption ou du rejet du texte se trouve entre les mains des diplomates russes dont l’usage compulsif du droit de veto paralyse la crise syrienne depuis ses débuts. Retour sur les six « niet » (« non » en russe) qui ont jalonné la crise syrienne.
4 octobre 2011
Six mois après le début de la crise en Syrie, une résolution proposée par les occidentaux (France, Allemagne et Royaume-Uni surtout) veut sanctionner les violations des droits de l’Homme commises par le régime de Damas. Elle exige également la libération des prisonniers syriens et la suspension des ventes d’armes au pouvoir syrien, dont le premier marchand de canons n’est autre que l’allié russe.
La menace ne prend pas, la Russie et la Chine, tous les deux membres permanents du Conseil de sécurité, opposent leur veto et enterrent ainsi la résolution. Le bilan de la répression des manifestants par l’armée syrienne avoisine déjà les 3000 morts pour quelques 15 000 arrestations.
4 février 2012
Au lendemain du plus grand massacre depuis le début de la révolte, à Homs ou près de 260 personnes ont perdu la vie suite aux bombardements du régime, le Conseil de sécurité de l’ONU organise une réunion dans l’urgence.
Alain Juppé, alors à la tête de la diplomatie française, parle déjà de « crime contre l’humanité » pour qualifier l’action du régime contre les civils de cette ville industrielle de l’ouest syrien. Barack Obama exige de son côté le départ de Bachar Al-Assad.
Quatre mois après le premier veto posé par la Russie, Sergueï Lavrov, ministre de Affaires étrangères et « Monsieur niet » du Kremlin oppose un deuxième refus, jugeant inadmissible toute résolution qui inclurait un départ du président syrien.
Le régime russe s’affirme alors davantage comme le principal soutien de Bachar Al-Assad, au côté de l’allié chiite du gouvernement de Damas, l’Iran, pour qui le maintien du régime actuel en Syrie permet de conserver un équilibre relatif dans la région face au rival sunnite saoudien.
19 juillet 2012
Vladimir Poutine reprend en mai 2012 la présidence de la Russie après l’intermède Medvedev ; la diplomatie russe entend alors clairement renforcer son soutien au régime de Bachar Al-Assad. La discussion de Genève en juin pour aboutir à une sortie de crise a échoué. Un troisième vote du Conseil de sécurité en moins d’un an intervient alors que les combats entre le régime et les rebelles s’intensifient à Damas. Le bilan atteint les 17 000 morts.
La veille du vote, deux membres de l’état major du président syrien ainsi que son ministre de la Défense meurent dans un attentat perpétré au cœur d’un bâtiment de sécurité. Pour la première fois depuis le début de l’insurrection, Bachar Al-Assad semble vaciller.
Proposée par les États-Unis et les Européens, la résolution menace de sanctionner le régime de Damas s’il ne renonce pas à l’utilisation d’armes lourdes contre l’opposition. Il s’agit aussi de renouveler, pour un mois et demi, la mission des 300 observateurs de l’ONU en Syrie. Pour Moscou, cette résolution vise à soutenir l’opposition, décrite comme « terroriste » par Damas, et doit ouvrir la voie à une intervention militaire contre Bachar Al-Assad.
En restant ferme à l’ONU, Poutine souhaite éviter un remake de mars 2011 lorsque l’intervention en Libye, validée par le Conseil de sécurité pour protéger les civils, a débouché sur une offensive pour renverser Mouammar Kadhafi.
22 mai 2014
Les menaces occidentales à l’égard du gouvernement syrien franchissent un palier. Le quatrième projet de résolution, impulsé cette fois par la France, prévoyait de saisir la Cour pénale internationale (CPI) afin de juger les crimes perpétrés en Syrie, « quels qu’en soient les auteurs ». Une précision qui devait adoucir la fermeté russe.
Mais pour Vitali Tchourkine, ambassadeur de la Russie à l’ONU, ce n’est autre qu’un coup de pub : quatrième veto du Kremlin. Les Russes ont gagné en assurance dans leur gestion de la crise syrienne depuis la volte-face de Barack Obama en septembre 2013. Le président américain avait fixé une ligne rouge, l’utilisation d’armes chimiques contre l’opposition syrienne. Si celle-ci était franchie, il était prévu qu’elle engendre l’engagement militaire américain en Syrie.
Le massacre de la Ghouta, à périphérie de Damas aux mains de l’Armée syrienne libre, au gaz sarin le 21 août 2013 marque ce pas de trop. Plus de 1500 personnes périssent ce jour-là.
François Hollande se dit prêt à frapper le régime syrien dans la nuit du 31 août au 1er septembre, mais Barack Obama peu soutenu par l’opinion sur le dossier syrien décide à la dernière minute de consulter le Congrès dont l’approbation était très improbable. Très vite, le calendrier américain s’éternise, la probabilité de frappes contre le régime syrien s’éloigne et la diplomatie russe ressort de facto grandie de cet imbroglio.
Deux semaines après ce nouveau veto de mai 2014, Bachar Al-Assad est réélu à 88% pour un troisième mandat, à la suite d’un simulacre de scrutin dans le pays en guerre. Simultanément, l’armée syrienne reprend progressivement Homs et l’ouest d’Alep où les combats se sont progressivement concentrés.
8 octobre 2016
La rébellion syrienne tient encore quelques quartiers à l’est d’Alep. Mais ceux-ci sont pilonnés depuis deux semaines par les bombardements du régime syrien. Le régime est soutenu par l’aviation russe, engagée depuis le 30 septembre 2015 à la demande de Bachar Al-Assad.
Deux textes rivaux s’affrontent alors au Conseil de sécurité. Le premier, soutenu par la France appelle à un cessez-le-feu à Alep et à un arrêt des raids aériens contre les quartiers est de la deuxième ville du pays. Le second, à l’initiative de la Russie, réclame un arrêt des hostilités, sans mentionner les bombardements auxquels elle participe. Les diplomates russes posent leur cinquième veto, sur le premier texte.
5 décembre 2016
L’agonie de la rébellion à Alep touche à sa fin et l’opposition n’occupe plus que d’infimes partie de la moitié est d’Alep. Un sixième projet de résolution à l’initiative des occidentaux vise à instaurer une trêve des combats en Syrie pour sept jours, et à subvenir aux besoins humanitaires urgents.
Un texte « provocateur » pour les diplomates russes, conscients que la victoire décisive dans la seconde ville du pays n’est plus qu’une question de jours. Une semaine plus tard, Alep tombe. Le bilan de la guerre en Syrie dépasse aujourd’hui les 310 000 morts.
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