Tunisie : ce que l’on sait sur l’assassinat de Mohamed Zouari

L’assassinat dans des conditions mystérieuses jeudi 15 décembre d’un ingénieur tunisien en lien avec le Hamas agite la Tunisie. Une affaire digne d’un film noir.

Des membres du Hamas palestinien rendent hommage à Mohamed Zouari le 18 décembre 2016 à Gaza. © Adel Hana/AP/SIPA

Des membres du Hamas palestinien rendent hommage à Mohamed Zouari le 18 décembre 2016 à Gaza. © Adel Hana/AP/SIPA

Publié le 20 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

L’assassinat de l’ingénieur tunisien Mohamed Zouari, jeudi 15 décembre, par six balles tirées par des inconnus à quelques mètres de son domicile à El Aïn (Sfax), a suscité une vive polémique en Tunisie. Une mort mystérieuse qui rappelle d’autres assassinats politiques perpétrés depuis 2013 en Tunisie mais qui « n’est pas en lien avec la sphère politique locale », assurent les autorités tunisiennes dans une conférence de presse organisée le lundi 19 décembre.

Digne d’un film d’espionnage, cette affaire préoccupe les structures sécuritaires de l’État.

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Qui est Mohamed Zouari  ?

Ingénieur en génie mécanique, Mohamed Zouari, 49 ans, a été formé à l’École nationale d’ingénieurs de Sfax (ENIS), mais il a obtenu son diplôme à Damas, en Syrie, où il s’est réfugié pour fuir la répression des islamistes par Ben Ali en 1991 après être passé par la Libye et le Soudan. Marié à une Syrienne, il a vécu en Turquie avant de revenir en Tunisie en 2011 à la faveur de l’amnistie générale prononcée après la chute de Ben Ali.

Depuis, il a mené en apparence une vie de bon père de famille qui voyageait souvent pour ses affaires dans le domaine de l’aéronautique et du génie mécanique. Il venait de rentrer d’Istanbul lorsqu’il a été exécuté ce jeudi 15 décembre. Cet homme tranquille sans activité politique connue aurait été une figure du Hamas. Du moins, c’est ce qu’affirme l’organisation islamiste palestinienne qui lui a rendu un vibrant hommage funèbre le samedi 17 décembre.

Quelle est la version tunisienne ?

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La thèse du crime terroriste a été écartée par l’enquête des autorités tunisiennes, qui confirme par ailleurs l’implication de parties étrangères sur la base des premières arrestations effectuées. Dix personnes en lien direct ou indirect avec cette affaire sont actuellement en garde à vue. Officiellement, l’assassinat de Zouari aurait été prémédité et organisé depuis Vienne, en Autriche, où deux individus, dont un d’origine arabe, auraient recruté, en juin 2016, via internet, trois Tunisiens – une femme et deux hommes – sous couvert de production de documentaires pour une chaîne de télévision malaisienne.

Ils leur auraient servi à monter deux plans en parallèle pour approcher et abattre Zouari. Le plan B étant éventé, ils auraient eu recours au plan A, dans le cadre duquel la jeune femme, croyant préparer un tournage, aurait mis en place toute la logistique nécessaire, dont la location de deux voitures. À la date de l’assassinat, les commanditaires lui auraient demandé d’aller à Vienne et de laisser les voitures à Sfax à des emplacements définis au préalable. Une autre équipe composée de deux hommes, en apparence des étrangers, aurait ensuite exécuté Zouari.

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Quel rôle pour le Hamas et le Mossad ? 

Quelques jours après cet assassinat, le journaliste tunisien Borhane Bsaïes met le feu aux poudres en l’attribuant au Mossad. Il a fait de Zouari, désigné par le Hamas comme l’un de ses dirigeants, un martyr. Tandis que la chaîne de télévision israélienne, la 10, a rejeté toute implication du Mossad. Rien ne prouve l’implication des renseignements israéliens dans les faits. Mais certaines versions, non officielles, indiquent que Mohamed Zouari aurait été le pivot d’un commerce d’armes et aurait fait de l’ombre à des concurrents. La version de la responsabilité du Mossad dans son assassinat n’aurait été élaborée que pour camoufler l’implication de personnalités connues dans un réseau de trafic d’armes.

Le samedi 17 décembre, un étrange journaliste a fait son apparition dans cette affaire. Sous l’identité de Meav Vardi et porteur d’un passeport allemand le présentant comme écrivain, un homme, en provenance de Rome, a passé 24 heures en Tunisie où il a tourné une vidéo sur le crime diffusée par la chaîne israélienne, la 10. Son intervention intrigue autant que son rôle.

Quelles ont été les réactions à cet assassinat ?

En Tunisie, où la question palestinienne a toujours bénéficié d’une large sympathie, les réactions politiques ne se sont pas faites attendre. Dans un communiqué diffusé vendredi 16 décembre, le parti islamiste Ennahda a estimé que ce meurtre « touche à la stabilité du pays ». L’opinion publique est très émue par cette affaire qui lui rappelle l’assassinat du dirigeant palestinien Abou Jihad en 1988 à Sidi Bou Saïd par des agents infiltrés du Mossad. Le statut de martyr attribué par certains à Zouari a néanmoins provoqué des polémiques dans la mesure où le Hamas est en lien avec des activités terroristes. « Si le Mossad a monté ce stratagème sophistiqué, c’est que Zouari était un personnage important. Mais il reste à savoir pourquoi  », fait remarquer un avocat qui préfère garder l’anonymat.

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