Sénégal : « Mon Dakar à moi »

Publié le 8 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Ndèye Fatou Kane est romancière et blogueuse.

J’ai grandi au Plateau, qui était à l’époque un véritable vivier de culture. Initiée à la littérature par un père féru de belles-lettres, je me partageais entre la librairie Maxilivres de l’avenue William-Ponty, la bibliothèque de l’Institut français et, tous les deux ans, la Foire du livre (Fildak), un événement majeur où j’approfondissais encore mes connaissances littéraires. La kermesse du collège de la Cathédrale était un autre de ces moments incontournables pour l’adolescente que j’étais.

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Pour celles qui avaient la permission, la soirée se prolongeait à l’Aldo Club, une discothèque en vogue du centre-ville. J’y ai connu mes premières expériences du Dakar by night. Le week-end, nous allions déguster une glace chez LCM [Le Glacier moderne] ou un chawarma au mythique fast-food Ali Baba. Et pour une shopping party, ma mère et moi aimions chiner au village artisanal, autrefois situé à Soumbédioune, près du quartier de la Médina.

Lorsque je reviens à Dakar, je cours en tous sens pour rattraper le temps perdu. J’y ai mon rituel : une fois les bagages posés, je mets le cap vers la Cité BCEAO, sur la route de l’aéroport, pour me régaler de morceaux de viande rôtie au feu de bois dans une dibiterie haoussa. Maxilivres, la librairie de mon enfance, n’existe plus, mais j’ai découvert la librairie Athéna, au Plateau, devenue aujourd’hui un carrefour non seulement de la littérature mais de la culture en général. Elle a récemment célébré l’anniversaire de la disparition de l’historien Cheikh Anta Diop.

En fin de semaine, je file aux "vendredis slam" organisés par un collectif de slameurs et qui ont lieu alternativement au Just4U ou à la galerie d’art de la plasticienne Anta Germaine Gaye. J’aime me laisser porter par ces magiciens du verbe. Le samedi, cap sur la Villa Krystal, aux Almadies, où joue habituellement Yoro Ndiaye, dont le style enchanteur mélange le mbalax au folk.

En quelques années, ma ville a beaucoup changé. Elle a connu bien des mutations. Une génération d’artistes talentueux a émergé. On trouve des photographes comme Omar Victor Diop, Sidy Mohamed Kandji ou Willy Ndaw, chasseur d’images que j’ai eu la chance de suivre dans ses périples. Il y a aussi des blogueurs, autour des deux figures emblématiques de la blogoshère "Garsen", Cheikh Fall et Demba Guèye, qui ont lancé le Ndadje Tweetup, une rencontre périodique sur le blogging. Après avoir créé mon propre blog – Ma petite bulle -, en 2008, j’ai assisté à l’une de ces rencontres sur l’île de Gorée, où nous avons discuté de l’influence grandissante des blogueurs, comme la campagne présidentielle de 2012 l’a démontré. Plus récemment, la campagne SenStopEbola a contribué à endiguer la propagation du virus au Sénégal.

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Lorsque je repense à mon enfance, je prends la mesure des métamorphoses qu’a subies Dakar. À l’époque, chaque quartier avait son jardin public. J’adorais y passer des soirées avec mes copines, à jouer aux cartes ou aux devinettes. Ces espaces se sont raréfiés, colonisés par l’urbanisation galopante. Aujourd’hui, Dakar n’a quasiment plus d’espaces verts, si ce n’est le parc de Hann, avec son aire de pique-nique et son lac où j’aime tant me poser avec un livre.

À quoi ressemblera Dakar dans les années qui viennent ? L’air y est surchargé, tout est congestionné, les salles de cinéma ont disparu, les ordures et déchets en plastique jonchent les artères. Mais j’ai l’espoir que le projet de ville nouvelle qui voit le jour à Diamniado offrira un palliatif à l’encombrement de ma ville aujourd’hui saturée, asphyxiée. Pour qu’un autre Dakar soit possible.

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