Accord Maroc-UE : quelles sont les conséquences du verdict de la Cour européenne de justice ?

La justice européenne a débouté le Polisario de sa demande d’annulation de l’accord agricole entre le Maroc et l’Union européenne (UE). Mais elle a ouvert en même temps un débat épineux sur la place du Sahara dans les futurs accords.

Salaheddine Mezouar, ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, et Federica Mogherini, haute représentante de l’UE, à Bruxelles le 14 décembre 2015. © Council of the European Union

Salaheddine Mezouar, ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, et Federica Mogherini, haute représentante de l’UE, à Bruxelles le 14 décembre 2015. © Council of the European Union

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  • Nadia Lamlili

    Nadia Lamlili est responsable de la zone Maghreb/Moyen-Orient sur le site de Jeune Afrique. Elle est en particulier spécialiste du Maroc.

Publié le 22 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Le verdict rendu, le mercredi 21 décembre, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) au sujet de l’accord de libéralisation agricole entre le Maroc et l’UE, ouvre une nouvelle page dans les relations entre les deux partenaires. Elle a invalidé la décision du Tribunal européen, rendue le 15 décembre 2015, qui avait demandé l’annulation partielle de l’accord agricole entre le Maroc et l’UE, après que le Polisario avait contesté l’inclusion du Sahara occidental dans cet accord, région dont il se considère le représentant légitime.

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Côté pile, le jugement de la CJUE constitue une victoire évidente pour le Maroc puisqu’il annule le recours introduit par une entité qu’il ne reconnaît pas. À ce niveau, non seulement le Polisario a perdu la partie mais, en plus, il devra payer les frais de la procédure et ceux engagés par le Conseil de l’UE.

Côté face, le Polisario a été débouté par la Cour pour une question de principe. La CJUE estime que le Sahara ne doit pas être un champ d’application des accords de libéralisation entre le Maroc et l’UE vu que son statut n’a pas été arrêté par la communauté internationale. Sur la base de ce principe, l’entité, dirigée par Brahim Ghali, n’est pas concernée par de tels accords et n’a donc aucun droit de s’y opposer.

Affaire close. Le Maroc est de toutes les façons gagnant. Il n’y a plus aucune menace sur l’accord qui le lie à l’UE depuis 2012 et qui continuera donc à s’appliquer sur tout son territoire. 

Statut du Sahara, là où la question se complique

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Ceci dit, et c’est là que le sujet se complique, la CJUE reproche au Conseil européen, au moment de la conclusion des accords agricoles en 2012, de n’avoir pas respecté le principe du « Sahara à part ». Pour elle, tant que son statut n’est pas défini, le Sahara ne doit pas être considéré comme faisant partie du territoire marocain.

Ce faisant, la Cour se maintient dans une position de droit international, tout en ne fermant pas la porte aux prochains accords. Dans son arrêté, elle explique que ces derniers peuvent être conclus à condition que le territoire « en sus » soit ajouté d’une façon distincte et que le peuple de ce territoire accepte que cet accord lui soit appliqué. 

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Ce qui ne laisse pas présager de négociations faciles à l’avenir. Comment les prochains accords entre le Maroc et l’UE peuvent-ils être conclus à l’aune de cette position tranchée de la Cour sur le Sahara occidental ? Les ministres européens vont-ils carrément supprimer le Sahara des prochains accords, au risque de mettre en danger leurs relations avec un de leurs premiers partenaires commerciaux en Afrique ? Ou vont-ils choisir d’inclure ce territoire mais en soulignant son caractère « distinct » comme le préconise la Cour, ce qui risque de ne pas plaire non plus au Maroc ? 

La balle est dans le camp des politiques

Car on sait très bien que le royaume n’acceptera jamais d’être mutilé de son Sahara, ou de le mettre dans un case à part. Le Sahara est une partie intégrante de sa souveraineté. Les ministres de l’UE se trouvent devant un choix politique difficile pour à la fois rester en accord avec la décision de leur justice et préserver leurs relations avec le précieux partenaire marocain. 

Et s’ils optent pour la rigidité (exclure le Sahara des accords, ndlr), le Maroc ne manquera pas de mettre dans la balance des arguments solides : les services sécuritaires qu’il rend à l’Europe dans cette région à hauts risques, les projets de développement colossaux qu’il y a initiés afin d’améliorer le niveau de vie de la population et l’empêcher de sombrer dans l’extrémisme. Il pourra aussi jouer la carte de la stabilité politique, du leadership religieux…

Pour résumer, la négociation des futurs accords sera éminemment politique. Et cela, le Maroc et l’UE l’ont parfaitement compris. Suite au verdict de la CJUE, ils ont déclaré conjointement « qu’ils examineront toutes les implications possibles du jugement de la Cour et travailleront de concert sur toute question ayant trait à son application, dans l’esprit du partenariat privilégié UE-Maroc et des mécanismes prévus à cet égard ». 

Le ballet diplomatique promet d’être intense. « Peut-être qu’il faudra s’entendre sur un mécanisme de consultation de la population sahraouie même si elle est déjà représentée au Parlement marocain, mais il est hors de question de négocier un futur accord sans cette partie de notre territoire », confie une source marocaine. Pour sauvegarder leurs acquis politiques, le Maroc et l’UE savent qu’il faudra désormais verrouiller le volet juridique. 

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