Sénégal – Khalifa Sall : « Les collectivités locales sont l’alpha et l’oméga du développement »
Maire de Dakar depuis cinq ans, plébiscité lors des dernières municipales, l’édile est convaincu que l’essor harmonieux de la métropole passe par une mutualisation des moyens entre communes d’arrondissements.
Dakar, dans tous ses états
Vingt-cinq ans après le premier sommet africain de l’OIF, la planète francophone va retrouver la métropole sénégalaise, les 29 et 30 novembre 2014. Avec ses 3 millions d’habitants, la ville la plus à l’ouest du continent a bien changé. Côté politique, côté business, comme côté loisirs.
Peu présent dans les médias, peu disert sur ses ambitions, Khalifa Ababacar Sall, 58 ans, entretient le mystère. Pourquoi n’a-t-il pas brigué, en mai, la succession d’Ousmane Tanor Dieng à la tête du Parti socialiste ? Est-il un allié ou un rival politique de Macky Sall ? Envisage-t-il de se présenter à la prochaine élection présidentielle ? Il n’en dit mot.
Mais lorsqu’il parle de Dakar, dont il est maire depuis 2009, ou de la gouvernance locale, le secrétaire général de l’Association internationale des maires francophones (AIMF) se montre intarissable. Réélu à la tête de la capitale après une large victoire de sa coalition, Taxawu Dakar, aux municipales de juin, Khalifa Sall évoque les défis que la ville et son agglomération doivent relever.
Jeune Afrique : Le Centre international de conférence de Diamniadio, où se tiendra le sommet de la Francophonie, est la pierre angulaire d’un projet très ambitieux visant à désengorger Dakar. Qu’attendez-vous de ce pôle de développement promu par Macky Sall ?
Khalifa Sall : J’y adhère complètement, d’autant plus qu’il consacre le rêve de Léopold Sédar Senghor, dont Abdou Diouf avait fait par la suite un projet très concret. En matière de développement urbain, il est aujourd’hui nécessaire de créer une vaste conurbation entre Dakar, Thiès et Mbour. C’est en raisonnant à cette échelle que nous aboutirons à un projet viable tant au niveau économique qu’en matière d’infrastructures et d’investissements, qu’il s’agisse du projet de tramway, de la gestion des ordures ou de la construction d’équipements socio-économiques.
Après avoir été plusieurs fois ministre sous Abdou Diouf, vous semblez aujourd’hui vous concentrer sur la gouvernance locale. L’action politique vous semble-t-elle plus efficace à cet échelon ?
Du fait des responsabilités internationales que j’exerce dans différentes organisations qui fédèrent les collectivités territoriales, j’ai la chance de partager ma conviction avec les grandes institutions que sont la Banque mondiale, l’ONU, l’Union africaine ou l’Union européenne, à savoir que le véritable développement, dans nos pays émergents, se fera au niveau local.
Si les partenaires internationaux veulent contribuer de manière durable au développement de nos sociétés, ils doivent privilégier ces collectivités et les impliquer dans la formulation, la mise en oeuvre, le suivi et l’évaluation des politiques. L’Union africaine vient d’adopter une charte de la gouvernance locale et de mettre en place un Haut Conseil des collectivités locales. Notre plaidoyer porte donc doucement ses fruits.
Vous avez émis des réserves sur l’Acte III de la décentralisation adopté juste avant les municipales. Que reprochez-vous à cette loi qui accorde plus de prérogatives aux communes d’arrondissement ?
Je ne suis pas hostile au fait d’évaluer et de remanier le code des collectivités locales de 1996. Lorsque j’ai assisté à la première réunion sur le sujet, présidée par Macky Sall, j’ai d’ailleurs exprimé mon adhésion à cette volonté affichée d’approfondir la décentralisation. Ce qui m’a gêné, c’est que ce processus se soit poursuivi sans qu’une concertation élargie permette d’aboutir à un consensus.
Mais est-ce que cela veut dire que vous êtes défavorable au renforcement des compétences des communes d’arrondissement ?
Ce que je reproche à cette loi, c’est qu’elle implique un morcellement des communes, alors que la tendance mondiale est à la métropolisation, c’est-à-dire au rassemblement et à la mutualisation des moyens. Une autonomisation devrait avoir comme corollaire la viabilité des collectivités locales concernées. Or je ne pense pas que ce soit le cas à Dakar.
Parmi les 19 communes, 6 ou 7 seront à l’aise, 4 ou 5 arriveront à s’en sortir, et les autres devront être soutenues. L’Acte III aboutit à briser la cohérence et la continuité territoriales qui doivent caractériser toute action locale, ainsi que la solidarité entre les territoires. Nous sommes donc en train de réfléchir, au niveau du conseil communal, aux conditions d’une mutualisation intercommunale.
Comment voyez-vous Dakar dans dix ans ?
Notre principal défi pour les années à venir consistera, en synergie avec l’État, à réorganiser Dakar en profondeur sur le plan de l’urbanisme, de l’occupation spatiale et de la construction, avec l’aménagement d’artères larges, propres et boisées, afin de canaliser l’urbanisation anarchique. Par ailleurs, le curseur devra être mis sur la vocation de porte d’entrée et de "hub" de la capitale, qui est tout à la fois une ville pour le tourisme, un centre d’affaires et un carrefour culturel.
Par sa situation géographique, elle ne peut pas être une ville industrielle. Quand on voit que la corniche de Hann, la plus belle de la capitale, est occupée par des usines, c’est une aberration. Si, de là où il se trouve, Senghor voit ce qu’elle est devenue, il doit se retourner dans sa tombe.
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Propos recueillis à Dakar par Mehdi Ba
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Dakar, dans tous ses états
Vingt-cinq ans après le premier sommet africain de l’OIF, la planète francophone va retrouver la métropole sénégalaise, les 29 et 30 novembre 2014. Avec ses 3 millions d’habitants, la ville la plus à l’ouest du continent a bien changé. Côté politique, côté business, comme côté loisirs.
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