Gabon : Pierre Péan, le scandale de trop

Filiation douteuse, diplômes truqués, malversations, instigation d’assassinats… Dans son dernier livre, Pierre péan fait d’Ali Bongo Ondimba le diable en personne. Mais l’outrance est parfois mauvaise conseillère.

Pierre Péan fait l’objet d’une plainte de Ali Bongo Ondimba. © Miguel Medina/AFP

Pierre Péan fait l’objet d’une plainte de Ali Bongo Ondimba. © Miguel Medina/AFP

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Publié le 25 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Quelle mouche a donc piqué Pierre Péan ? L’écrivain-journaliste français, 76 ans, trente-trois ouvrages, souvent à succès, au compteur, crée encore la polémique avec Nouvelles Affaires africaines. Mensonges et Pillages au Gabon, sorti chez Fayard le 29 octobre. Deux cent cinquante pages au vitriol, quasi exclusivement consacrées à Ali Bongo Ondimba (ABO), fils de feu Omar – qui inspirait à Péan une fascination certaine.

À en croire l’auteur, l’actuel chef de l’État est le diable en personne… Il ne serait pas gabonais et n’aimerait guère ses concitoyens, lui, le Biafrais adopté par Omar parce que l’épouse de celui-ci, Joséphine Kama – alias Patience Dabany -, aurait été stérile (Péan ne dit mot de sa soeur disparue, Amissa, dont on se demande alors comment elle a pu naître « normalement »).

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Il ne serait pas titulaire d’un doctorat en droit public de l’université Panthéon-Sorbonne, n’aurait pas été élu en 2009 (Péan a pourtant affirmé l’inverse, en 2011, à la télévision gabonaise : « [Son] élection est remarquable car il n’y a pas eu bourrage des urnes ou triches, ce qui est assez exceptionnel dans la région »), serait un voleur entouré d’une « légion étrangère » mafieuse, et même un assassin.

Pour couronner le tout, le chef de l’État serait un adepte du vaudou et un homme aux moeurs douteuses.

Ses victimes supposées : Georges Rawiri, l’ancien président du Sénat, empoisonné, et Jean-Pierre Lemboumba, cible d’une tentative de meurtre mais aujourd’hui conseiller d’ABO (une « victime », donc, frappée d’amnésie ou vraiment pas rancunière). Pour couronner le tout, le chef de l’État serait un adepte du vaudou et un homme aux moeurs douteuses.

La dérive du journaliste devenu pamphlétaire

Ce livre, mal édité (trop vite en tout cas) et mal écrit (Péan n’a jamais brillé en la matière), illustre la dérive d’un journaliste qui s’est mué en pamphlétaire sans jamais le reconnaître. Voilà près de dix ans que Péan n’est plus Péan. Depuis Noires Fureurs, blancs menteurs (2005), consacré au Rwanda de 1990-1994, puis avec Le Monde selon K. (2009), sur Bernard Kouchner, ou Carnages. Les Guerres secrètes des grandes puissances en Afrique (2010), il s’attaque ad nauseam à tous ceux qui, selon lui, tels Kagamé ou ABO, s’en prennent à la France, à ses intérêts ou à son armée. Avec des relents de nationalisme cocardier, d’antiaméricanisme primaire et la conviction que la CIA trame avec le Mossad un vaste complot mondial.

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Outre le fait que son récit est truffé d’inexactitudes, voire d’erreurs historiques (notamment quand il explique qu’il ne se passait rien à Brazzaville en 1959, alors que Laris et Mbochis s’affrontaient violemment sous les ordres de Fulbert Youlou et de Jacques Opangault), le vrai problème concerne son « enquête », celle d’un procureur qui ne se rend même plus sur les lieux évoqués.

Ses « sources » ? La rumeur, le fameux kongossa gabonais, qu’il transforme sans sourciller en vérité, les journaux d’opposition cités à l’envi, une pléthore d’anonymes, et les ennemis d’ABO. Jamais il n’a tenté de vérifier ses « informations » auprès des intéressés. Pis, il fait parler des morts – Omar Bongo, Jacques Foccart, Maurice Delaunay – qui ne le contrediront évidemment jamais.

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Plainte en diffamation

Dernière ombre au tableau : le contrat envoyé par le sulfureux homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine au Palais du bord de mer proposant, moyennant plus de 10 millions d’euros, de surseoir à la parution dudit ouvrage. Si Péan nie être à l’origine de la manoeuvre, il s’est montré pour le moins imprudent en demandant à plusieurs reprises, entre janvier et mars 2014, à Alain-Claude Bilie-By-Nze, porte-parole d’ABO, de recruter l’un de ses amis, Jean-Louis Gros.

Bizarre, compte tenu de l’idée qu’il se fait du Gabon d’Ali. Et troublant, quand on sait que l’article 4 du contrat proposé par Takieddine comporte une clause visant à « procéder au règlement immédiat du contentieux en suspens portant sur des engagements existant entre [la présidence] et la personne qui lui a été désignée par M. Pierre Péan ». Serait-il ici question de Jean-Louis Gros et de son recrutement ?

Pour l’ensemble de cette « oeuvre », Péan a rendez-vous avec la justice : une plainte en diffamation a été déposée le 7 novembre, pour le compte d’ABO, devant le tribunal de grande instance de Paris.

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