Mali : ce que l’on sait de l’enlèvement de Sophie Pétronin à Gao

D’après un témoin qui a assisté à la scène samedi 24 décembre, la Française Sophie Pétronin aurait été enlevée par deux hommes devant le local de l’association qu’elle dirige à Gao. Les recherches se poursuivent pour retrouver cette travailleuse humanitaire de 66 ans.

Des soldats français à Gao, dans le nord du Mali, le 12 avril 2016. © Jerome Delay/AP/SIPA

Des soldats français à Gao, dans le nord du Mali, le 12 avril 2016. © Jerome Delay/AP/SIPA

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Publié le 26 décembre 2016 Lecture : 4 minutes.

Que s’est-il passé ?

« Elle venait juste de sortir de son centre. Il était 17h passées. Elle a ouvert la portière de sa voiture et a tout juste eu le temps d’y déposer son sac quand un pickup s’est garé près d’elle. Un homme, teint clair et enturbanné, descend et la saisit par le bras pour la conduire dans le pickup », affirme Amadou Maïga, un jeune de 28 ans qui a assisté à toute la scène depuis sa moto. Sophie Pétronin, 66 ans, tente de se débattre, mais s’exécute finalement sous la menace d’une kalachnikov.

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Le propriétaire de la boutique situé en face de l’Association d’aide à Gao (AAG) dirigée par Sophie Pétronin a tenté d’intervenir ou d’alerter le voisinage, mais d’un geste du doigt, l’un des ravisseurs lui a intimé « de la fermer », raconte-t-il. L’homme fait monter Sophie dans la cabine, un autre est assis à l’arrière du pickup. Ils se dirigent vers Aljannabandja, un quartier situé à la périphérie de la ville, puis empruntent une ruelle donnant accès au vaste désert du Sahel.

Qui est Sophie Pétronin ?

Lundi 26 décembre, la porte du centre de Sophie Pétronin était fermée. Mais à Gao, l’infirmière est très bien connue pour son « humanisme ». Bien intégrée dans la région, elle y a même construit sa maison, dans le quartier Château, et parle couramment le sonhraï et le tamasheq. Elle y est venue pour la première fois en 1995 et s’en était retournée « profondément touchée par la situation humanitaire ».

C’est en 2004 que la nutritionniste y retourne définitivement pour implanter son association d’aide aux orphelins et lutter contre la malnutrition. « C’est une femme battante, très souriante et qui a la confiance de plusieurs personnes. Elle a énormément fait pour les enfants de cette ville », témoigne Mohamed Lamine Dicko, un travailleur humanitaire qui a croisé son chemin lors d’un projet de documentation civile pour plusieurs enfants.

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Une intégration dont elle va mesurer le degré en 2012. Une famille dont elle a pris en charge un enfant va organiser sa sortie de la ville avec l’aide de rebelles touareg pour échapper à une tentative d’enlèvement. Mais elle va de nouveau revenir à Gao, où elle menait ses activités jusqu’à son enlèvement.

Où en est l’enquête ?

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Pour l’instant, les tentatives pour la retrouver sont restées vaines. « Ça nécessite une gestion sécuritaire », affirme une source sécuritaire locale. Lundi, une patrouille de la force Barkhane a interpellé trois hommes à bord d’un pick-up à deux rues du lieu de l’enlèvement. Il ne s’agit pas des ravisseurs, mais plusieurs restent convaincus qu’elle n’a pas pu aller bien loin.

« Jusque là, il n’y a pas de résultat », confiait dimanche à l’AFP une source sécuritaire malienne. « Nous poursuivons les recherches pour retrouver Sophie [Pétronin]. Nous avons des hommes sur le terrain pour la retrouver », a-t-elle toutefois assuré.

L’armée française, forte de 4000 hommes dans la région du Sahel, est également présente sur le terrain et dispose d’une base importante à Gao où l’humanitaire a été enlevée. Ainsi, des soldats français « participent activement aux recherches aux côtés des Maliens », indique-t-on du côté de l’état-major de l’opération Barkhane.

Qui est chargé de l’enquête ?

Dimanche 25 décembre, les autorités françaises, en collaboration étroites avec celles du Mali, ont annoncé avoir entamé des recherches pour retrouver « le plus vite possible » Sophie Pétronin.

À Paris, le parquet aurait ouvert une enquête pour enlèvement et séquestration en bande organisée, selon une source judiciaire.

« L’enquête a été confiée aux services de renseignement, à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et au commandement de gendarmerie prévôtale, la police judiciaire militaire auprès des Forces armées françaises à l’étranger », a précisé cette source.

Piste jihadiste ou rapt crapuleux ?

Qui détient Sophie Pétroni ? « Est-ce une bande de voyous qui veut de l’argent pour acheter des armes ou un rapt du groupe islamiste ? On n’en sait rien. » Jean-Pierre Pétronin, l’époux de l’humanitaire kidnappée, s’est confié ce lundi à l’AFP.

« C’est quand même dingue d’en arriver là, après tout ce qu’elle a fait ces dernières années à Gao pour les enfants de 0 à 4 ans », s’est-il insurgé, soulignant que son épouse se pensait « très bien entourée par les autorités maliennes » depuis son installation dans les années 2000. « Elle disait que ce n’était pas simple sur place, mais que ça allait. Je me disais que la ville était peut-être un peu plus sécurisée désormais, du fait de la présence des forces françaises. La preuve est que c’est toujours difficile », constate-t-il.

Si elle n’est pas libérée rapidement, et l’expérience a prouvé qu’en la matière, les premières heures après le rapt sont cruciales, Sophie Pétronin risque de devenir une nouvelle otage française au Sahel. La dernière otage française en date était la franco-tunisienne Nourane Houas, enlevée au Yémen en décembre 2015 et libérée en octobre 2016, grâce à une médiation du sultanat d’Oman.

Mais pour l’instant, aucun groupe terroriste n’a renvendiqué ce rapt. Ce qui rend crédible l’hypothèse d’une piste crapuleuse. D’autant qu’entre 2010 et 2013, treize Français ont été enlevés ou tués dans la région du Sahel, par des groupes jihadistes plus ou moins liés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ou par des malfaiteurs désireux de revendre leurs prises à Aqmi.

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