Les États de la Cemac vont entrer dans une zone de turbulences

Estimant la situation macro économique et financière de la Communauté économique et monétaire des États d’Afrique centrale (Cemac) suffisamment préoccupante, le président camerounais Paul Biya a organisé, le 23 décembre, une conférence extraordinaire de cette organisation sous-régionale appartenant à la zone franc.

Siège de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), à Bangui (République Centrafricaine – RCA) © Vincent Fournier pour JA

Siège de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC), à Bangui (République Centrafricaine – RCA) © Vincent Fournier pour JA

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  • Didier Niewiadowski

    Didier Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.

Publié le 28 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Les six chefs d’État de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) ont été rejoints par la directrice générale du  FMI, Christine Lagarde, et le ministre français de l’Économie et des Finances, Michel Sapin, soulignant ainsi le caractère exceptionnel de cette réunion.

Les indicateurs économiques et financiers publiés début décembre par la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC) sont assez alarmants. Contrairement à toutes les prévisions, peu réalistes, la croissance a connu une forte et rapide « décélération » pour s’établir à moins de 1 %.  Le taux d’inflation est supérieur à la limite communautaire de 3 %. Les demandes d’avances statutaires des États auprès de la BEAC ont été peu raisonnables, gonflant ainsi les dettes publiques et faisant fondre dangereusement les réserves de change. Les déficits budgétaires connaissent des niveaux jusqu’alors inconnus pour s’établir à 9 % du PIB total de la zone.

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Devant cette détérioration accélérée, la question du franc CFA ne pouvait plus être évacuée, d’autant que les adversaires de cette monnaie rattachée à l’euro se font de plus en plus nombreux. Le président Idriss Déby Itno n’avait-il pas émis certaines réserves sur cette appartenance à la zone franc ? Curieusement, le président tchadien n’a pas attendu la publication du communiqué final de la réunion de Yaoundé pour regagner N’Djamena.

Le pétrole, catalyseur de la crise  

À l’exception de la Centrafrique, qui s’enfonce dans une crise durable et contagieuse, les cinq autres États de la Cemac sont des pays pétroliers. Évidemment, la chute du prix du baril conjuguée à un ralentissement de la demande globale affecte, à des degrés divers, ces États.

Si le pétrole représente près de 70 % des exportations de la Cemac, le poids du pétrole dans le PIB est plus ou moins important selon les pays. En 2015, il représentait 85 % du PIB en Guinée équatoriale, 50 % au Congo, 45 % au Gabon, 18 % au Tchad et 9 % au Cameroun.

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La chute des recettes pétrolières survient alors que les États de la Cemac, à l’exception du Cameroun, ont à peine engagé des stratégies de diversification de l’économie à travers des plans pluriannuels. Avant le Sommet de Yaoundé, le gel de grands projets d’infrastructures et d’investissements publics étaient déjà à l’ordre du jour en Guinée équatoriale, au Congo et au Gabon.

Si la baisse des recettes pétrolières est loin d’être négligeable, il ne faudrait pas oublier que ces États sont constamment cités pour leur mauvaise gouvernance financière et que la corruption y est endémique. Certes, les dépenses liées à l’insécurité grandissante et à la lutte contre Boko Haram, pour le Tchad et le Cameroun, deviennent incompressibles et peuvent en partie expliquer la progression des déficits budgétaires. Il faut aussi rappeler qu’en 2016, des élections présidentielles ont été organisées dans cinq États de la Cemac, avec des dépenses peu compatibles avec les disponibilités budgétaires, accroissant ainsi l’encours de la dette publique.

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Le retour des plans d’ajustements structurels du FMI

La question de la dévaluation du franc CFA fut rapidement écartée lors du Sommet de Yaoundé. Il est vrai que la dévaluation traumatisante de 1994 n’a pas eu les effets escomptés, notamment en matière de lutte contre la pauvreté. Il va de soi que Michel Sapin, appartenant à un gouvernement expédiant les affaires courantes, n’allait pas engager la France dans une telle opération, concernant la seule zone Cemac.

En dépit des discours convenus destinés à prévenir les levers de boucliers, il ne restait plus qu’à reprendre les vieilles recettes du FMI appliquées invariablement en Europe ou en Afrique. Le FMI a certes changé depuis les années 1980, mais sa politique d’austérité en zone Cemac restera fondée sur les ajustements budgétaires, le gel des plafonds des avances statutaires de la BEAC, la limitation du déficit budgétaire à 3 % sur 5 ans, le recours aux prêts concessionnels, la limitation des dépenses d’investissement, la réforme du système fiscal et la réduction des effectifs de la fonction publique.

L’ajustement structurel ne sera pas sous-régional mais concernera chacun des six États qui auront à ouvrir et conclure rapidement des négociations bilatérales avec le FMI, comme c’est déjà le cas pour la Centrafrique et le Tchad.

Étant donné le peu de légitimité dont jouissent les chefs d’État de la Cemac et la montée en puissance des contestations d’une société civile de moins en moins isolée grâce aux réseaux sociaux, les nouvelles mesures d’austérité annoncées risquent d’ajouter une crise politique à la crise économico-financière et, paradoxalement, de compromettre l’intégration régionale. Le Cameroun ne s’est-il pas déjà désolidarisé de la Cemac en négociant, seul,  un Accord de partenariat économique avec l’Union européenne ?

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