Littérature : « Tunisie, une révolution en pays d’islam », de Yadh Ben Achour
Pour son dernier opus, paru en décembre, « Tunisie, une révolution en pays d’islam », le juriste Yadh Ben Achour se fait historien et livre son analyse sur les cinq dernières années.
Donner une lecture de la révolution tunisienne est l’exercice auquel s’est livré Yadh ben Achour, éminent juriste qui avait dirigé en 2011 la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, en charge de mettre en place le cadre de la transition démocratique. Ce spécialiste de droit public et des théories politiques en islam interpelle la nature du soulèvement tunisien et ses singularités à partir de nombreuses références bibliographiques, convoquées comme témoins pour étayer ses propos.
Quelle révolution ?
Qu’est-ce, en effet, que cette révolution qui n’est ni idéologique, ni partisane, ni belligérante ? Qu’est-ce qu’une révolution qui s’obstine à traiter avec les membres de l’ancien régime dont les plus éminentes figures se précipitent à la reconnaître et à œuvrer pour sa réussite ? Qu’est-ce qu’une révolution qui pour assurer la relève rappelle les anciens ? Qu’est-ce qu’une révolution qui maintient les rênes des finances entre les mêmes mains ? Des questions récurrentes que se posent les Tunisiens depuis la chute de l’ancien régime et qui les font douter sur le fait que l’événement ait été une révolution.
Yadh Ben Achour démontre ici le contraire en reconstituant les faits qui, finalement, répondent aux « conditions politiques et éthiques qui définissent une révolution.» L’auteur souligne néanmoins que c’est «une révolution à part, ni disproportionnée ni davantage insensée, une révolution habile, ajustée, et comme sur mesure.»
Pour ce constitutionnaliste il s’est agit « de restituer l’événement, rétablir la révolution en tant que telle d’autant qu’elle est sans précédents dans l’histoire et de souligner son caractère particulier et sa singularité ainsi que la force du droit qui a prévalu. »
Plaidoyer pour la démocratie
L’ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques de Tunis fait œuvre d’historien, mais évite de dresser un bilan exhaustif qui ne serait pas parlant. Il contextualise la révolution, reproduit sa scénographie, examine les contrastes, dissèque les rapports de la révolution et de la contre-révolution ainsi que les compromis historiques qui ont maintenu la transition sur les rails dans la bataille pour la Constitution.
S’interroger sur une révolution dans son immédiateté historique pourrait conduire à des conclusions approximatives, mais Yadh Ben Achour contourne ces écueils en mettant le processus dans une sorte de rite de passage : le rêve, le cauchemar et l’espoir, son dernier chapitre.
Ce plaidoyer pour la démocratie, qui ne cache pas ses craintes quant à des vicissitudes à venir, pourrait se lire comme une enquête policière qui relève les paradoxes, source de malaises et d’inquiétudes mais conclut aussi que « les pages glorieuses qui ont été écrites au cours de son jaillissement et de son déroulement ne seront jamais tournées.»
« Tunisie, une révolution en pays d’islam », de Yadh ben Achour, Cérès Éditions, 387 p.
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