Mauritanie : Nouakchott croule sous les déchets

Depuis le mois de mai, le ramassage des ordures laisse à désirer à Nouakchott, devenu une véritable décharge à ciel ouvert. Face à ce désastre, des habitants se mobilisent.

Enfant en quête de fer à revendre. © Yéro Djigo pour J.A.

Enfant en quête de fer à revendre. © Yéro Djigo pour J.A.

Publié le 1 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en main pour atteindre ses objectifs. © Michał Huniewicz/flickr
Issu du dossier

Mauritanie, cinq ans pour tout changer

Réélu en juin 2014 pour un dernier mandat, Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en mains pour atteindre ses objectifs. Même si plusieurs inconnues subsistent, à commencer par la menace terroriste ou la mise en place du dialogue avec l’opposition.

Sommaire

La belle carte postale qu’offrait la ville du désert est désormais bien écornée. Depuis plusieurs mois, des tonnes d’ordures pestilentielles s’accumulent sur le bord des routes de la capitale mauritanienne. Les chèvres, futurs repas de leurs propriétaires, s’y ravitaillent. Les enfants escaladent les détritus en quête d’un peu de fer à revendre aux forgerons. Et des familles entières vivent à côté de ces tas d’immondices. "Chacun amène sa poubelle et la jette dans la rue, déplore Aïcha, qui habite Mendes, en périphérie de Nouakchott. En plus, on craint les maladies… On vit dans un quartier pauvre, mais on veut qu’il soit propre."

Depuis 2007, le ramassage des ordures était assuré par Dragui Transport Mauritanie, une filiale du groupe français Pizzorno. Jusqu’à ce que la société cesse provisoirement ses activités, le 23 mai, lasse, depuis décembre 2013, d’accuser un retard de paiement de près de 5 milliards d’ouguiyas (13,3 millions d’euros) et de réclamer en vain la révision des prix prévue dans le cadre du contrat décennal signé avec les pouvoirs publics.

la suite après cette publicité

Le 1er juin, la société tente pourtant de reprendre le travail, mais ses véhicules sont immobilisés. Son matériel ainsi que ses comptes sont saisis par la justice, et son contrat avec l’État est rompu. Aujourd’hui, l’entreprise ne peut plus ni travailler ni payer ce qu’elle doit à ses salariés. "Nous cherchons une solution à l’amiable, confie-t-on chez Pizzorno. Nous demandons le règlement des arriérés afin de régulariser nos paiements aux fournisseurs et les salaires de nos 1 243 employés."

>> Lire aussi : Mauritanie : sus aux sacs plastique !

Ensevelie sous la sable

En attendant, la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN) a pris le relais. Mais ses employés, qui manquent à la fois de formation et de matériel (caisses de collecte et camions), ont bien du mal à assurer le ramassage des 700 à 800 tonnes d’ordures produites quotidiennement par la capitale. Sans compter que, alors que Pizzorno déchargeait les poubelles dans le Centre d’enfouissement technique situé à 25 km du centre-ville (où elles étaient strictement contrôlées à leur arrivée, puis ensevelies, sous le sable et sur des alvéoles, dans le respect de l’environnement), les employés de la CUN, eux, ne vont pas jusqu’au "PK 25".

la suite après cette publicité

Ils nettoient le coeur de la ville, puis stockent les ordures dans les quartiers périphériques. Celles-ci sont alors la plupart du temps incinérées sur place, à côté des habitations, ou enterrées un peu plus loin, dans les dunes. C’est le cas dans le secteur de la prison de Dar Naïm, à l’est de la ville, qui a pris des allures d’immense décharge à ciel ouvert.

Dans les quartiers, on essaie de s’organiser. Au Sebkha, à l’ouest de la capitale, Bouboucar Demba Bilal, 34 ans, a créé l’association Houb El Watan ("J’aime mon pays"). Bien qu’encore non officielle, elle compte déjà 116 membres. "Notre pays nous appartient, à nous, jeunes Mauritaniens. Si le problème n’est pas réglé, on marchera sur les ordures, prévient ce père de quatre enfants. Alors on a décidé de les ramasser tous les vendredis, et on attend que la CUN vienne récupérer les sacs."

la suite après cette publicité

Boubacar et ses compagnons s’équipent grâce aux dons des habitants et, à défaut de camions, louent des brouettes à la journée. Leur souhait : mettre en place une "journée Nouakchott propre" : "Chacun aiderait à balayer les ordures, moyennant 20 ouguiyas par kilo ramassé et un sac de riz par tonne de déchets."

Ils envisagent aussi de se rendre à l’intérieur du pays, d’ici à l’année prochaine, afin de sensibiliser les populations. En effet, ces dernières années, beaucoup sont venus du désert pour s’installer à Nouakchott, mais sans intégrer les codes de propreté qu’impose la ville, jetant les ordures ici et là, sans se soucier des voisins. Sauf qu’à ce rythme-là la capitale ne pourra bientôt plus éviter une catastrophe écologique et sanitaire.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Dans le même dossier

En juin 2014, dans les rues de Nouakchott quelques jours avant la présidentielle. © Joe Penney/reuters

Mauritanie : Mohamed Ould Abdelaziz droit dans ses bottes