Mauritanie : le front du refus se dégarnit
Les principaux adversaires du régime ont boycotté le dernier scrutin présidentiel. Atteints par la limite d’âge, ils ne pourront se présenter en 2019. Et, pour le moment, aucun dauphin ne pointe son nez.
Mauritanie, cinq ans pour tout changer
Réélu en juin 2014 pour un dernier mandat, Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en mains pour atteindre ses objectifs. Même si plusieurs inconnues subsistent, à commencer par la menace terroriste ou la mise en place du dialogue avec l’opposition.
Entre Mohamed Ould Abdelaziz et les ténors de l’opposition, le fossé semble à nouveau infranchissable. Depuis la présidentielle du 21 juin, le premier et les seconds se regardent en chiens de faïence et ne montrent pas le moindre désir de se rabibocher. Les choses semblaient pourtant bien parties, au mois d’avril, quand tous s’étaient assis à la table des négociations pour débattre des conditions de l’organisation du scrutin. Hélas, le dialogue a encore une fois tourné court. Le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU, ex-Coordination de l’opposition démocratique, ou COD) et la Convention pour une alternance pacifique (CAP) ont annoncé que, pour la présidentielle, ce serait sans eux. Et ils ont tenu parole, appelant même les Mauritaniens à ne pas voter. Leur objectif : contester la légitimité de la réélection du chef de l’État, qu’ils estimaient courue d’avance.
De fait, "Aziz" a été confortablement élu, avec 81,89 % des suffrages. Quant au taux de participation, il s’est officiellement élevé à 56,55 %. Il n’empêche : pour l’opposition, le boycott a été parfaitement suivi. "Nous considérons qu’il n’y a pas eu d’élection, déclare Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, président du FNDU. Le pouvoir a refusé que la présidentielle soit transparente et, donc, que l’on s’y présente. Nous contestons toujours sa réélection."
Le pari était risqué
En novembre 2013 déjà, 10 des 11 partis que comptait la COD (hormis les islamistes "modérés" de Tawassoul) avaient choisi de boycotter les élections législatives et municipales. Pour Ahmed Ould Daddah, chef de file du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) – l’un des 17 partis qui forment le FNDU, lequel compte aussi des syndicats, des organisations de la société civile et des personnalités indépendantes -, le pari était risqué.
En effet, il a non seulement perdu son statut de chef de file de l’opposition, au profit d’El Hacen Ould Mohamed, de Tawassoul, mais il a aussi vu son parti perdre sa place à l’Assemblée nationale. En outre, à 72 ans, il peut désormais tirer un trait sur la magistrature suprême, l’âge limite pour être candidat à la présidentielle étant fixé à 75 ans par la Constitution. Même constat pour Messaoud Ould Boulkheir, 71 ans, le leader de l’Alliance populaire progressiste (APP, l’un des trois partis de la CAP) et ex-président de l’Assemblée nationale.
Tous les regards se tournent vers une autre figure de l’opposition, Mohamed Ould Maouloud.
Mais tout comme Ahmed Ould Daddah, le président du Conseil économique et social ne veut pas entendre parler de retraite. Et, de fait, aucun dauphin n’émerge aujourd’hui, ni au RFD, ni à l’APP.
Créer une alternative au pouvoir actuel
Tous les regards se tournent donc vers une autre figure de l’opposition, Mohamed Ould Maouloud, 61 ans, leader de l’Union des forces de progrès (UFP). Ce dernier pourrait être désigné par le FNDU lors de la présidentielle de 2019 si l’idée d’une candidature unique était retenue. "Tout dépendra des circonstances et des alliances, répond l’intéressé à l’évocation de cette lointaine échéance. Aujourd’hui, notre participation reste théorique. La priorité du FNDU est avant tout de trouver une façon de résoudre la crise politique, de créer une alternative au pouvoir actuel et à sa gestion autocratique."
Depuis l’investiture d’Aziz, le 2 août, le FNDU n’a pas chômé. En plus de son "pôle politique", le Front a mis en place des commissions thématiques, chargées d’élaborer des propositions concrètes afin d’améliorer le système de santé, de réparer les violations des droits de l’homme (les exactions subies par les Négro-Mauritaniens à la fin des années 1980 et au début des années 1990), de travailler sur l’État de droit, l’éducation ou les langues (arabe, peul, wolof…).
L’étape suivante consistera à sensibiliser la population à ces questions, à Nouakchott comme à l’intérieur du pays, et à fédérer d’autres mouvements. Notamment la CAP, à laquelle le FNDU continue de tendre la main. "Nous aurions pu nous afficher davantage ensemble", regrette Ould Babamine.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Mauritanie, cinq ans pour tout changer
Réélu en juin 2014 pour un dernier mandat, Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en mains pour atteindre ses objectifs. Même si plusieurs inconnues subsistent, à commencer par la menace terroriste ou la mise en place du dialogue avec l’opposition.
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...