Carole et Glwadys Tawema, la vogue ethnique de Karethic
Grâce au beurre de karité, ces deux Béninoises installées en France entendent surfer sur la mode des produits bio pour appuyer le développement du nord de leur pays.
C’est l’effervescence dans les soixante-dix mètres carrés de l’appartement chic parisien situé à deux pas de la place de la Concorde. Une vingtaine de start-up de la mode et du bien-être sont venues présenter leurs produits à la presse féminine, qui, pour l’occasion, n’a pas lésiné sur le nombre d’envoyées spéciales. Pendant que les unes parlent chiffons, sac en toile de jute équitable sur l’épaule, les autres se bousculent gentiment autour du buffet bio pour attraper un cookie "gluten free" aux graines de pavot ou reprendre un latte macchiato. À l’écart de ce brouhaha, presque planquées dans la dernière salle, les deux soeurs Tawema n’en finissent pas d’enduire de crème les mains des journalistes, sans oublier de distribuer leurs petits dépliants dont les ocres "rappellent tant l’Afrique", comme s’émeut une consoeur.
Depuis qu’elles se sont lancées dans l’aventure Karethic, en 2005, les frangines ont l’habitude de ce genre de rendez-vous. "Même si je ne suis pas du tout commerciale de formation", tempère Carole, la créatrice de cette gamme de produits de beauté à base de beurre de karité non raffiné. "Le vrai ! Celui que les femmes du village produisent sur place et qu’il est impossible de trouver en France", insiste la Béninoise, soulagée de quitter un moment son stand pour répondre aux sollicitations de la presse.
>> Lire aussi : Karethik défend la qualité karité
À main gauche, Glwadys, 35 ans, un mari et deux enfants qui l’attendent à Cotonou. À main droite, Carole, 32 ans, célibataire installée à Lyon et sans enfant. "Ah si ! Karethic, bien sûr !" se reprend-elle immédiatement, les yeux au ciel, devant son aînée hilare. Comment pourrait-elle oublier le projet d’une vie, la sienne ? Et celui de Glwadys, aussi, depuis 2008 et sa décision de plaquer le Royaume-Uni pour venir aider soeurette. Pourtant, à première vue, tout les sépare. Carole est aussi grande et athlétique que Glwadys semble fluette derrière ses fines lunettes rectangulaires. Et si la cadette paraît compter ses mots pour aller à l’essentiel, l’aînée préfère enrubanner son discours, au point d’user parfois la patience de sa petite soeur.
"Nous sommes quand même très complémentaires, au final", reconnaît néanmoins cette dernière, chargée de traquer le client ou le distributeur en Europe pendant que Glwadys organise au pays les coopératives de productrices. C’est d’ailleurs elle, la "businesswoman" revendiquée de la famille. "Enfant, je fabriquais déjà des caramels que je revendais ensuite au collège", se souvient-elle tout sourire, face à sa soeur qui ne la quitte pas du regard.
Aussi versatile que volubile, Glwadys a un peu travaillé dans la finance, après un bac littéraire et des études commerciales dans la région parisienne, avant de devenir traductrice puis de rejoindre Carole, qui suivait un parcours plus académique à l’université Euromed de Marseille. Élevée au Bénin, avant de débarquer en France à l’âge de 10 ans, Carole garde un souvenir vivace de sa grand-mère et des femmes de son village, situé dans le nord du pays. Du beurre de karité si onctueux, si parfumé qu’elles produisaient. Une question l’a longtemps taraudée : comment faire pour que cette noix magique contribue au développement de la région ? Elle en a fait son sujet de thèse…
Diplôme en poche, elle s’égare un temps dans l’informatique, mais prend soin de monter en parallèle une première structure de production locale. Elle pousse dans le même temps les portes des grands laboratoires de cosmétiques pour comprendre leurs besoins et présenter "son" karité. Un premier client lui achète une tonne de beurre brut. "Soit toute notre production", s’étonne encore Carole.
Aujourd’hui, Karethic produit huit fois plus et emploie près de 700 femmes dans une douzaine de coopératives. Au point de bouleverser les équilibres socio-économiques dans le nord du Bénin. "Le rôle des femmes est valorisé puisqu’elles rapportent de l’argent, et les petites filles peuvent aller à l’école au lieu de travailler", explique fièrement Carole, qui revendique une certaine filiation avec les réformes sociales entreprises par son père lorsqu’il était ministre du président Kérékou.
En pariant sur la qualité, Karethic arrive à valoriser son karité, "quatre fois plus cher qu’un beurre classique". Après avoir développé une ligne de produits, dont un savon récompensé par l’Observatoire des cosmétiques, la PME franco-béninoise s’intéresse désormais aux produits alimentaires et compte lancer un miel de fleur de karité dès 2015. "L’apiculture garantit une activité tout au long de l’année au paysan", précise encore Mlle la directrice, dont l’esprit fourmille de mille autres projets. "Il faut bien rêver un peu", lâche dans un nouvel éclat de rire Glwadys, tandis que les deux soeurs prennent la pose devant l’objectif. Les chroniqueuses peuvent bien attendre.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Affaire Baltasar en Guinée équatoriale : règlements de comptes chez les Obiang
- Afrique, Europe, États-Unis… Khalida Azbane, l’héritière marocaine qui diffuse sa ...
- Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga limogé après ses propos critiques contr...
- Franc-maçonnerie : l’ombre d’Ali Bongo Ondimba sur la Grande Loge du Gabon
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour 435 millions de d...