Royaume-Uni : Ed Miliband, étoile montante
Ed Miliband, fils d’un historien marxiste d’origine juive, le chef du Labour deviendra-t-il l’an prochain Premier ministre de Sa Majesté ? Ce serait une première depuis Disraeli, il y a plus d’un siècle.
Si les travaillistes remportent les élections générales de mai 2015 – ce qu’on ne peut exclure -, Ed Miliband, 44 ans, sera nommé chef du gouvernement britannique. Il y a quatre ans, il avait pris la tête du Labour Party en triomphant lors d’une primaire du grand favori pour la succession de Gordon Brown : son frère David, de quatre ans son aîné, qui, sans doute vexé, finit en 2013 par se retirer de la politique.
Comme Caïn et Abel, Ed et David sont juifs, fils de Ralph, grand historien marxiste originaire de Pologne. Établie à Bruxelles en 1920, la famille Miliband fut, vingt ans plus tard, contrainte par l’invasion nazie de fuir en catastrophe. Ralph et Samuel, son père, débarquèrent donc à Londres en 1940 munis de faux papiers. Ils furent rejoints en 1947 par Marion Kozak, mère des futurs leaders travaillistes, qui, sous un nom d’emprunt, était demeurée en Belgique occupée…
La suite est classique pour un jeune intellectuel ashkénaze de ce temps-là. Brillantes études à la London School of Economics, carrière universitaire, engagement à l’extrême gauche, rejet de toute pratique religieuse, vie confortable dans le quartier pas encore branché de Camden, dans le nord de la capitale… Dans les années 1950 et 1960, Ralph fut l’un des animateurs de la New Left, mouvance idéologique qui était l’équivalent britannique de la gauche sartrienne, donc très hostile au stalinisme, à "l’impérialisme américain" et au soutien apporté à celui-ci par le Premier ministre travailliste Harold Wilson – notamment pendant la guerre du Vietnam.
La relation que j’entretiens avec ma judéité est complexe, dit Ed Miliband.
Après sa mort, en 1994, il fut enterré au cimetière londonien de Highgate, non loin de la tombe de Karl Marx… Ses fils reçurent une éducation à 100 % laïque. Nulle bar-mitsva, nul militantisme dans quelque organisation de la jeunesse juive… "Il m’arrive aujourd’hui d’en ressentir le manque, la relation que j’entretiens avec ma judéité est complexe", commente Ed Miliband. On avait compris.
Israël a offert un "sanctuaire" à sa grand-mère
En 2012, lors d’un voyage de trois jours au cours duquel il rencontra Benyamin Netanyahou et plusieurs responsables palestiniens, le leader travailliste remercia Israël d’avoir offert un "sanctuaire" à sa grand-mère, qui vécut à Tel-Aviv pendant plus d’une décennie, mais refusa de se déclarer sioniste. Au cours de l’été dernier, pendant la crise de Gaza, il critiqua la réponse "erronée et injustifiable" des autorités israéliennes aux tirs de missiles islamistes et reprocha à David Cameron son silence devant la mort de civils innocents.
Au mois d’octobre suivant, il se prononça pour la reconnaissance de l’État palestinien. Il va sans dire qu’il n’aime pas les "terroristes" du Hamas et qu’il soutient le droit d’Israël à se défendre, mais il juge l’option exclusivement militaire contre-productive du point de vue de la sécurité de ce pays et plaide pour une solution négociée du conflit.
Les organisations de la communauté juive britannique le lui pardonnent difficilement. Directeur de la rédaction du Jewish Chronicle, Stephen Pollard juge par exemple sa position "très largement négative". "Les gens, écrit-il, n’attendent pas de lui qu’il approuve, en tant que Juif, tout ce qu’Israël fait de mal, mais ils n’attendent pas non plus un point de vue impartial."
Intérêt croissant pour le Proche-Orient
Son intérêt croissant pour les affaires du Proche-Orient et pour une histoire familiale qu’il a longtemps eu tendance à occulter témoigne pourtant que, sur le plan affectif, Ed Miliband renoue peu à peu avec ses racines, ce qui, électoralement, n’est pas forcément un atout dans un pays comptant une forte communauté musulmane. S’il parvient néanmoins à l’emporter l’an prochain, il deviendra le premier Juif à diriger le pays depuis le conservateur Benjamin Disraeli, qui, avec William Gladstone, son grand rival libéral, domina la scène politique britannique pendant la seconde moitié du XIXe siècle.
Fils d’un historien (tiens !) et critique littéraire descendant de Juifs italiens, celui-ci se convertit très tôt à l’anglicanisme et fut directement confronté aux problèmes du Moyen-Orient de l’époque (tiens, tiens !), qu’il s’agisse du lent déclin de l’Empire ottoman ou de la tentative infructueuse de prise de contrôle de l’Afghanistan par les forces britanniques.
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