Israël : les fous du Temple

À l’origine des tensions actuelles à Jérusalem, le courant messianique juif ne cesse de gagner du terrain. Et menace d’enterrer toute perspective de paix avec le monde arabe.

Le rabbin extrémiste Yehuda Glick. © Miri Tsachi/AFP

Le rabbin extrémiste Yehuda Glick. © Miri Tsachi/AFP

perez

Publié le 19 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Le 29 octobre, à Jérusalem, un Palestinien tire à bout portant sur Yehuda Glick et le blesse très grièvement au ventre et à la poitrine. D’origine américaine, ce rabbin de 49 ans est un activiste notoire. Installé dans la colonie d’Otniel, en Cisjordanie, il passe le plus clair de son temps sur l’esplanade des Mosquées. Muni d’un permis de guide touristique en guise de laissez-passer, il prodigue la bonne parole à des fidèles juifs qui visitent le site, troisième lieu saint de l’islam, mais aussi le plus sacré du judaïsme. À maintes reprises, ce prosélyte fut arrêté par la police pour avoir enfreint le statu quo en vigueur en priant à haute voix.

Glick, que les Palestiniens ont toujours considéré comme un dangereux provocateur, est l’un des fondateurs de l’Institut du Temple, une association affiliée à l’extrême droite israélienne qui milite pour la reconstruction du sanctuaire du roi Hérode, détruit en l’an 70 par l’empereur Titus. Pour ses adeptes, le renouveau d’Israël passe par la restitution de ce symbole, source de puissance spirituelle qui permettrait au peuple juif de retrouver sa grandeur d’antan et accélérerait la venue du Messie. Ils entendent ainsi réaliser la prophétie d’Ézéchiel.

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>> Lire aussi : Israël – Palestine : tensions sur l’esplanade des Mosquées

Pour la destruction pure et simple du dôme du Rocher et de la mosquée Al-Aqsa

Ce courant messianique se compose d’une nébuleuse d’organisations dont la plus radicale, les Fidèles du mont du Temple, va jusqu’à prôner la destruction pure et simple du dôme du Rocher et de la mosquée Al-Aqsa. En 1984, un complot visant à dynamiter les deux édifices avait été déjoué in extremis par les services de sécurité du Shin Bet : 13 kg d’explosifs, 21 grenades et des échelles sont retrouvées près de la porte d’Or. Aujourd’hui, le discours est plus feutré : "Faire sauter le dôme du Rocher ne fera pas avancer la rédemption, concède Arnon Segal, de l’Institut du Temple. Les plans d’architecte sont prêts, mais il revient au gouvernement de les exécuter. Ce jour viendra."

L’essor de cette mouvance remonte à la victoire militaire israélienne de 1967, que certains rabbins ont perçus comme un "miracle". L’État hébreu, dont la superficie a triplé, contrôle alors Hébron, Jéricho, Naplouse et les collines alentour dont les noms figurent dans l’Ancien Testament. Des groupes religieux, à l’instar du Goush Emounim (Bloc de la foi), saisissent l’occasion pour assouvir leur rêve du Grand Israël. Au nom de la Bible, les premières colonies jaillissent de terre et, avec l’arrivée du Likoud au pouvoir en 1977, la Judée-Samarie devient l’appellation officielle de la Cisjordanie.

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L’armée infiltrée elle aussi

En quarante ans, ce messianisme militant va habilement profiter de la bienveillance des gouvernements israéliens, de gauche comme de droite, parfois de leurs atermoiements et surtout de la moindre action de violence palestinienne pour justifier la conquête de la terre. À travers les partis sionistes religieux, cette mouvance va même se doter d’un cheval de Troie politique. Elle défend farouchement la colonisation et s’oppose à tout règlement pacifique avec les Palestiniens, en particulier après les accords d’Oslo. Ce courant va aussi s’infiltrer dans toutes les institutions, y compris l’armée, dont près de 40 % des officiers d’infanterie habitent des implantations de Cisjordanie.

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"La ferveur messianique est le secret de notre existence. Sans cela, le feu s’éteindrait. Cependant, la raison doit la contrôler", déclarait Zerach Warhaftig, ministre israélien des Religions en 1967, au moment de remettre l’esplanade des Mosquées au Waqf jordanien, gardien des lieux saints musulmans de Jérusalem. Quarante ans plus tard, le courant messianique a non seulement eu raison de l’État palestinien, mais il menace la paix religieuse dans la ville sainte et au-delà. Dans leur vision de la fin des temps, ses zélotes prédisent d’ailleurs que la guerre de Gog et Magog entraînera toute l’humanité dans une terrible bataille jusqu’aux portes de Jérusalem.

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