Centrafrique : François Toussaint, un mercenaire belge sans foi ni loi
Son nom ne vous dira rien. Né au Congo, François Toussaint est un mercenaire belge qui a fini par refaire surface à Bangui. Un parcours improbable qui lui a valu d’être épinglé par l’ONU.
C’est le genre d’histoire qui fait de la Centrafrique un pays un peu à part, où gravitent aventuriers et personnages fantasques. Celle d’un mercenaire belge condamné pour meurtre dans son pays et qui a offert ses services de conseiller militaire à un groupe rebelle dont le chef est aujourd’hui ministre.
François Toussaint (aussi connu sous les noms de David Ngoy et de Kalonda Omanyama), né à Lodja, dans la province du Kasaï-Oriental (centre de la RD Congo) en 1965, est un parfait inconnu de la barbouzerie. Selon le rapport final des experts de l’ONU sur la Centrafrique, publié le 1er novembre, cela ne l’a pas empêché d’être, entre novembre 2013 et février 2014, conseiller militaire de Révolution et Justice, un éphémère mouvement armé fondé en octobre 2013 par un capitaine des Forces armées centrafricaines (Faca), Armel Sayo.
>> Voir aussi : Carte des groupes rebelles en Centrafrique
Difficile de retracer avec précision le parcours de François Toussaint. On sait qu’il est né de père belge (membre des services de renseignement belges) et de mère congolaise. Qu’il est décrit comme rusé, manipulateur, charismatique et mythomane. Qu’il raconte avoir été formé à la sécurité par une agence américaine de renseignements. Et qu’il a eu plus d’un démêlé avec la justice belge. Le dernier épisode date de janvier dernier : reconnu coupable d’un meurtre commis en 2005, il a été condamné par contumace à la prison à perpétuité – il est depuis visé par une notice rouge d’Interpol.
C’est justement peu après les faits qui lui sont reprochés que Toussaint prend la poudre d’escampette. Il séjourne dans plusieurs pays d’Afrique (Gabon, Burundi et RD Congo). À chaque fois, il s’y rend en tant que travailleur humanitaire. Une couverture. Au Congo, il dit travailler avec une association de lutte contre les viols dans l’Est, mais Kinshasa l’accuse d’avoir entraîné des Maï-Maï dans le Sud-Kivu. Toussaint est arrêté en janvier 2009 avant d’être libéré grâce à la mobilisation d’organisations de défense des droits de l’homme…
Il disparaît ensuite des radars. Dans une vidéo de propagande de Révolution et Justice publiée en décembre 2013, on découvre un homme légèrement bedonnant tout de noir vêtu, talkie-walkie à la main. Toussaint y écoute religieusement le discours prononcé par Armel Sayo devant plusieurs centaines de recrues.
Armel Sayo, le chef de Révolution et Justice. © Youtube
Sayo, autant gourou que chef de guerre
Sa première rencontre avec le militaire centrafricain a lieu au Gabon, en marge de la signature de l’accord de Libreville. Nous sommes en janvier 2013, les rebelles de la Séléka viennent de forcer François Bozizé à s’asseoir à la table des négociations après une offensive éclair. Ils prendront le pouvoir deux mois plus tard.
Toussaint rejoint alors Sayo au Cameroun avant de pénétrer en territoire centrafricain en novembre de la même année et de mettre en place un camp d’entraînement dans la région de Paoua (Nord-Ouest). Les deux hommes partagent la même conviction : la Centrafrique est désormais sous la coupe de jihadistes. S’ils n’interviennent pas, le pays sera bientôt menacé par Boko Haram. Leurs ennemis : les Peuls et la Séléka.
Le discours fait mouche, Révolution et Justice parvenant à recruter plus d’un millier d’hommes, principalement des jeunes du coin. Sous la houlette du charismatique Sayo, autant gourou que chef de guerre, et grâce à la tactique militaire de Toussaint, le groupe prend possession de quelques localités du Nord-Ouest. Mais cela ne suffit pas. Sans source de revenu ni moyen de financement, le groupe se divise et bat en retraite en janvier 2014. La collaboration entre les deux hommes s’arrêtera un peu plus tard, après un énième désaccord. Entre-temps, la force africaine Misca procède à l’arrestation de Toussaint, le 7 juillet, à Bouar.
L’homme est depuis détenu dans la très perméable prison de Ngaragba, à Bangui, et devrait bientôt être extradé vers la Belgique. Signataire de l’accord de Brazzaville, Sayo a, lui, été nommé ministre de la Jeunesse et des Sports le 22 août.
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