L’argent des Africains : Thierno, directeur de PME en Guinée – 1935 euros par mois
Cette semaine nous nous rendons en Guinée, à la rencontre de Thierno. À 34 ans, il a créé son entreprise de bâtiment et travaux publics à Conakry. Comment dépense-t-il ses 19 000 000 de francs guinéens mensuels ? Il nous dit tout.
« Lorsque j’ai lancé mon entreprise, j’avais tout dans ma voiture », s’amuse Thierno. Aujourd’hui, T.DI Construction et services, sa PME en génie civil, emploie quatre salariés et une trentaine de contractuels.
Le jeune Guinéen issu d’une famille nombreuse – trois grands frères et huit petits frères – a de quoi être fier. Avec ses 19 000 000 de francs guinéens par mois (1 935 euros), il gagne aujourd’hui dix fois plus que le salaire moyen dans le domaine de la construction en Guinée et 43 fois plus que le salaire minimum (440 000 francs guinéens). Thierno est aujourd’hui un pilier de sa famille, son père, ex-infirmier, étant à la retraite.
Spécialisation dans le génie civil
Après son bac, il décide de se spécialiser dans le génie civil et obtient un master en bâtiment à l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry en 2009. Puis le jeune homme se met à travailler pour plusieurs entreprises et se fait remarquer par des clients et collègues qui lui accordent leur confiance.
« En semaine je travaillais pour mon entreprise, et les week-ends je conduisais mes propres chantiers que les gens, par le bouche à oreille, me confiaient », se souvient Thierno. « À cette époque-là, mon salaire était d’environ 305 euros. J’avais une moto. Avec toutes les charges de la maison, ce n’était pas possible de tenir. »
Quatre ans plus tard, en 2013, Thierno quitte son emploi pour s’installer à son compte. Il lance T.DI construction et services dans le domaine du bâtiment, avec des activités comme l’architecture, la réalisation, le contrôle et le conseil.
« Je me suis donné à fond »
Mais il est très vite rattrapé par les difficultés financières. « Les banques demandaient des garanties que je n’avais pas et pour obtenir certains marchés, il fallait avancer une partie des fonds », confie-t-il. Un véritable casse-tête qui durera plusieurs mois.
« Puis un jour, un de mes anciens collègues m’a présenté son cousin qui voulait construire sa maison. Je me suis donné à fond. Après ce bâtiment, mon numéro a commencé à circuler. C’est là que les affaires ont commencé. »
La petite entreprise de Thierno vient d’acquérir des locaux et a six chantiers en cours. Ses 30 contractuels sont choisis en fonction des besoins sur les chantiers : menuisiers, maçons, peintres, plombiers…
« J’ai trois véhicules dont un que mon assistant utilise pour faire la tournée des chantiers, un autre qu’on utilise pour transporter le matériel et un pour mon usage personnel. »
En plus de son entreprise, Thierno est aussi consultant pour le projet américain HC3 dans le cadre de la réhabilitation rapide des centres de santé. « Depuis l’épidémie d’Ebola, les gens ont peur de revenir à l’hôpital. Nous refaisons la peinture, changeons les lampes… pour redonner une bonne image aux centres de santé. »
Son travail consiste à sélectionner la meilleure des propositions faites en réponse aux appels d’offres du projet et à contrôler l’évolution des chantiers. Ce projet lui permet de disposer d’un revenu supplémentaire, même s’il n’est pas régulier.
Un train de vie élevé
« Je mène un train de vie élevé par rapport à la moyenne », reconnaît-il. Les dépenses de sa petite famille (sa femme et ses quatre enfants) s’élèvent à 509 euros par mois, couvrant les frais de transport des enfants, la facture d’électricité et les courses pour la nourriture. Le loyer lui revient à 92 euros. Il envoie aussi 203 euros à ses parents pour soutenir son père, sa mère, ses cousines et ses nièces. Thierno consacre aussi 15 euros pour les événements sociaux impliquant une contribution, comme les mariages et les baptêmes.
Tous les deux jours, sa voiture consomme 10 euros de carburant. Et pour son travail, il consacre 158 euros par mois pour couvrir les frais de communication. « Une bonne partie de mon travail passe par le téléphone. Mes ouvriers peuvent avoir besoin que je les rappelle à tout moment et je suis toujours connecté à internet. »
« Je travaille beaucoup en semaine. Le week-end, c’est très important pour moi de me distraire », explique Thierno, qui va au restaurant avec sa femme ou ses amis dès qu’il en a l’occasion. Pour ses sorties, il dépense 20 euros.
Thierno rêve de construire sa propre maison. Il a acquis une parcelle et dès qu’il lui reste un peu d’argent après ses dépenses mensuelles, il l’investit dans sa maison.
Le jeune homme est confronté cependant à une difficulté liée à la nature de son travail : « Il y a des mois où j’ai beaucoup d’argent et puis pendant plusieurs autres mois je me retrouve sans marché, donc sans argent. Pour être entrepreneur, il faut se battre tous les jours. »
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