Théâtre : un, deux, trois Boateng !

À Berlin, une pièce de théâtre retrace les parcours croisés des trois demi-frères Boateng. L’occasion de mettre l’Allemagne face à ses idoles et à ses démons.

L’œil de Glez. © DR / Glez

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Publié le 3 janvier 2017 Lecture : 2 minutes.

Dans l’entêtante obsession de reconversion des sportifs retraités avant les premiers outrages de l’âge, la vocation de coach est suivie de près par le fantasme de la carrière artistique. Et voici Roger Milla qui pousse une chansonnette plus éphémère que celle de son compatriote Yannick Noah ; et voilà Mike Tyson mis en scène par Spike Lee dans un one-man-show qui se prolonge, en 2017, au casino MGM Grand de Las Vegas. Si le boxeur ne laisse pas quelqu’un raconter sa vie à sa place, le parcours d’autres sportifs est incarné à Berlin, depuis la fin de 2016, par des comédiens et danseurs. Et ceci bien avant la retraite desdits champions.

Fratries de footballeurs africains

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« Peng-Peng Boateng » retrace, sur scène, la trajectoire des Germano-Ghanéens de la planète football… Les exploits sur la pelouse renferment des ressorts dramaturgiques transposables sur les planches. Les fratries de « footeux », d’ailleurs, ont toujours fasciné le public, des Britanniques Gary et Phil Neville aux Italiens Filippo et Simone Inzaghi. Et l’Afrique a offert bon nombre de ces duos de frangins professionnels dans la discipline, des Ivoiriens Kolo et Yaya Touré aux Ghanéens Jordan et André Ayew, en passant par les Burkinabè Alain et Bertrand Traoré. Les Boateng offrent une dimension supplémentaire aux auteurs de théâtre : un trio de frères. Si George est moins connu que ses demi-frères Jérôme et Kevin-Prince, il a aussi tapé du ballon, avec moins de succès.

Et voilà trois profils aussi différents que complémentaires, propices au déploiement du spectacle. Actuel défenseur central et arrière latéral du Bayern de Munich, champion du monde 2014 avec la sélection allemande – où il côtoie d’autres frères, les jumeaux Lars et Sven Bender –, Jérôme a la carrière la plus prestigieuse et le caractère le plus conciliant. Davantage rebelle, titulaire d’une équipe espagnole moins prestigieuse que le Bayern, Kevin sera exclu de l’équipe nationale allemande des moins de 21 ans et prendra le chemin de la sélection ghanéenne.

Deux frères face à face aux Mondiaux 2010 et 2014

« Climax » idéal pour une pièce de théâtre : Jérôme et Kevin-Prince seront les seuls frères à s’être affrontés dans des matchs de Coupe du monde, en 2010 en Afrique du Sud et en 2014 au Brésil. Et comme le metteur en scène de « Peng-Peng Boateng » a choisi de représenter le football de manière chorégraphique, rien de tel qu’un troisième Boateng rappeur, George, le personnage le plus sombre de la pièce, notamment passé par la case prison…

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Liens du sang et métissage, banlieues et gloire, cruauté des mondes de l’art et du sport, la pièce de théâtre qui se joue à Berlin avait tout pour faire réagir un public allemand confronté à des doutes quant à sa vocation multiculturaliste. Car le succès dans le sport ne suffit pas à anesthésier la tentation du racisme. En mai dernier, Alexander Gauland, vice-président du parti populiste AfD, considérait que les gens appréciaient Jérôme Boateng comme footballeur, mais qu’ils ne voulaient pas « d’un Boateng comme voisin ». Déclaration aussitôt démentie par un sondage qui indiquait que « 94% des Allemands » aimeraient compter l’international dans le voisinage ; mais déclaration qui mérite bien une petite catharsis théâtrale.

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