Maroc : feu nourri contre le patron de l’Istiqlal, Hamid Chabat
La direction historique du parti nationaliste resserre ses rangs pour pousser le controversé secrétaire général à la démission. Mais l’intéressé ne compte pas se laisser faire aussi facilement.
Lundi 2 janvier en début de soirée, dans la villa de M’hamed Boucetta, en plein quartier Souissi à Rabat. L’ancien secrétaire général de l’Istiqlal (1974-1998) a invité une trentaine de ses collègues à dîner chez lui. Il y a ceux qui sont de sa génération comme M’hammed El Khalifa, mais aussi d’autres, plus jeunes, comme Taoufik Hejira, Karim Ghellab et Yasmina Baddou ; ceux que l’actuel patron du parti, Hamid Chabat, a traduit en conseil de discipline pour l’avoir défié. L’heure est grave. « Chabat doit partir sans délai », réclament-ils en chœur.
Samedi 31 décembre, le controversé dirigeant de l’Istiqlal a réussi à se maintenir à la tête de sa formation à l’issue d’un conseil national extraordinaire, dominé par ses partisans. Ces derniers lui ont renouvelé leur confiance malgré son impair diplomatique sur la Mauritanie qui a provoqué une crise diplomatique entre le Maroc et le pays présidé par Mohamed Ould Abdel Aziz. Il a pleuré sa mauvaise fortune devant tout le monde et leur a juré que son vœu le plus cher était de « préserver l’unité du parti ». Faisant profil bas, il a délégué les négociations gouvernementales qu’il a menées jusqu’alors avec le chef islamiste, Abdelilah Benkirane, à trois de ses collègues (et néanmoins amis) : Bouamar Taghouane, Hamdi Ould Rachid et Mohamed Soussi.
Un patron « inapte à gérer l’Istiqlal »
« Depuis notre Zaïm, Allal El Fassi, jamais un secrétaire général n’a plongé le parti dans une crise aussi grave. Chabat nous a traîné dans la boue ! », s’indigne M’hammed El Khalifa. L’homme de 77 ans a été député sous Hassan II et ministre sous Mohammed VI. Il dit connaître « la capacité de nuisance » de Chabat. À la veille de l’élection de ce dernier à la tête de l’Istiqlal en 2012 , il avait tenu une conférence de presse pour appeler ses pairs à ne pas aller à un congrès qui allait sacrer, selon lui, « un populiste » qui « va mener la maison à la dérive». « Personne ne m’a écouté », regrette-il. Plus tard, lorsque Chabat est devenu l’homme fort du parti, El Khalifa s’est fait jeter « comme un malpropre » d’une réunion interne, lui et d’autres opposants.
Dans le parti nationaliste, le groupe des putschistes formé autour de l’emblématique M’hamed Boucetta est décidé à évincer le fauteur de troubles avant la tenue du congrès national du parti, prévu en mars prochain. « En désignant d’autres personnes pour gérer les négociations gouvernementales à sa place, Chabat a démissionné implicitement. Nous lui demandons d’officialiser sa démission. Il n’est pas apte à gérer l’Istiqlal », tonnent-ils.
La cuisine istiqlalienne
Et s’il ne veut pas ? Tout le gratin istiqlalien sait que le personnage aime trop le pouvoir pour accepter de sortir par la petite porte. Et ce, même si M’hamed Boucetta, membre du comité des sages du parti, a été chargé de le lui demander. « S’il refuse, nous allons lui rappeler ses propres contradictions quand il estime, d’un côté, être victime de l’autoritarisme de l’État profond (Tahakkoum) et ne se gêne pas, de l’autre, pour remplir les congrès du parti par ses affidés afin d’assurer son élection « , glisse un de ses opposants.
Mais, dans la maison istiqlalienne, on ne déroge pas aux bonnes manières. Les seniors ne veulent pas d’une confrontation directe, ni créer une scission qui amplifierait les déchirures internes. Ce qu’ils veulent, c’est « récupérer leur parti et lui permettre de recouvrer son aura d’autrefois ». En somme, une solution à l’amiable.
Et le gouvernement ?
Lundi 2 janvier, le président de l’Alliance des économistes de l’Istiqlal et membre du comité exécutif, Adil Douiri, s’est rajouté à cette longue liste d’opposants, regrettant la défiance de Chabat à l’égard du pouvoir, qui n’est pas dans la nature de la formation historique. Au lendemain de sa bourde diplomatique, Chabat avait en effet estimé que son parti n’avait pas de leçon à recevoir de la part du ministère des Affaires étrangères qui avait désavoué ses propos sur la Mauritanie.
Dans cette crise « chabatienne », c’est la formation du prochain gouvernement qui est prise en otage. On ne sait pas si Abdelilah Benkirane compte revenir sur sa promesse faite au controversé secrétaire général de l’Istiqlal de l’associer à son gouvernement, un retournement qu’exige Aziz Akhannouch, patron du Rassemblement national des indépendants (RNI). C’est le moment des prières et des choix difficiles.
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