Jean Regnard Gohibi : « La cote des partis traditionnels baisse en Côte d’Ivoire »
Il était l’un des plus jeunes candidats aux législatives ivoiriennes du 18 décembre dernier. À 25 ans, Jean Regnard Gohibi se présentait dans la circonscription électorale de Bediala-Gadouan-Gonate (Ouest), sa région d’origine, avec une liste au nom un brin provocateur…
Lequel ? « La jeunesse au pouvoir », une liste indépendante. Résultat des courses, un score assez faible, 3 %, qu’il faut tout de même relativiser au vu du nombre de listes candidates dans ladite circonscription : huit, dont cinq indépendantes. Pas de quoi décourager cet ancien cadre du ministère des Sports, aujourd’hui entrepreneur, qui réfléchit désormais à se présenter aux prochaines élections municipales. Pour Jeune Afrique, il revient sur son expérience de jeune candidat.
Jeune Afrique : pourquoi vous êtes-vous présenté aux législatives ?
Jean Regnard Gohibi : C’est un projet politique que je nourrissais depuis longtemps. Je souhaiterais porter plusieurs projets de loi en faveur de l’autonomisation de la jeunesse comme celui d’une application véritable de « la Charte africaine de la jeunesse ». Cette dernière permettrait, par exemple, d’institutionnaliser la participation des jeunes aux débats politiques à travers une plateforme publique que nous pourrions appeler les « Journées du dialogue national », où le président de la République ou celui de l’Assemblée nationale pourrait recevoir les leaders de jeunesse afin de les entendre.
L’état travaille pour nous mais nous devons pouvoir lui exprimer ce dont nous avons réellement besoin. Il existe un trop grand écart entre les décisions et les besoins des populations et cela se constate d’autant plus lorsque l’on se retrouve à l’intérieur du pays.
Les jeunes représentent aujourd’hui 70 % de la population de ce pays
Pourquoi concourir en candidat « indépendant » ?
Cela peut paraître un peu audacieux, voir prétentieux, mais je n’ai pas de « modèle » que je veux suivre dans les partis politiques actuels. J’ai donc préféré y aller en indépendant, quitte à me priver de certaines aides ou moyens, car je ne voulais pas être tenu en laisse…
D’autre part, je suis plutôt progressiste-libéral, un mélange de plusieurs courants politique qui n’est pas encore réellement présent en Côte d’Ivoire mais qui influencera forcément la politique ivoirienne lorsqu’elle aura fait sa mue.
Cela a d’ailleurs commencé puisque, lors de cette élection, beaucoup se sont présentés en indépendants et ont gagné. Et même si beaucoup d’entre eux ont ensuite rejoint leur famille politique originelle, je trouve qu’il y a là un bon signal. Cela prouve que la cote des partis traditionnels baisse et que nous aurons de plus en plus de nouveaux visages sur la scène politique.
Résultat, votre liste est arrivée 5e…
Dans notre circonscription, la plupart des candidats, bien qu’indépendants, étaient liés aux grands partis politique, et avaient plus de moyens. Et pourtant, nous ne nous sommes pas laissés influencer.
Les jeunes représentent aujourd’hui 70 % de la population de ce pays, nous voulions leur montrer qu’il ne fallait pas avoir peur de transgresser, de briser cette barrière qui existe entre les anciens, à qui la politique serait réservée, et nous.
Quel bilan faites-vous de cette élection ?
Qu’elle fut très enrichissante en termes d’expérience mais très onéreuse…. Une élection, cela demande beaucoup d’argent, un bon entourage, une certaine expérience des scrutins locaux, une équipe qui partage la même vision que vous, une population qui est prête à accueillir vos idées et… une Commission électorale vraiment indépendante.
Globalement, ce sont les mêmes anciens candidats qui ont été reconduits, ceux avec plus de fonds, qui n’ont montré aucune performance par le passé
Je ne vais pas le cacher, je n’y suis pas allé à avec énormément de moyens financiers et beaucoup de situations nous ont ainsi échappé. Nous avons perdu une bataille mais le plus importants pour nous en terme de retour, c’est d’avoir ouvert un chemin que beaucoup de jeunes emprunteront dorénavant et peu à peu, nous rajeunirons l’environnement politique de notre pays.
Est-ce à dire que politique rime surtout avec argent aujourd’hui en Côte d’Ivoire ?
Tout à fait, mais il faut surtout organiser ses dépenses afin qu’elles aient de l’impact. Lorsqu’on rencontre un chef coutumier par exemple, il faut lui faire un présent composé de bouteilles d’alcool et d’une somme d’argent symbolique. Cela accompagne vos salutations. Dans ma circonscription il y a huit grands cantons, une quarantaine de chefs de villages, sans compter les quelques cent soixante campements… Il faut tous les rencontrer, et faire le même présent, etc. Donc le « budget salutations », appelons-le ainsi, est déjà assez élevé [sourire, NDLR]. Sans compter la logistique, la prise en charge de l’équipe de campagne au quotidien et les dons avant et pendant les campagnes.
Sur le terrain, nos concurrents disaient aux populations que nous étions des jeunes sortis de nulle part, sans bannière politique et que nous ne pourrions – autrement dit financièrement surtout – rien pour eux. C’est dire leur conception du rôle de député et de la politique en général… Globalement, ce sont donc les mêmes anciens candidats qui ont été reconduits, ceux avec plus de fonds donc, mais également ceux qui n’ont montré aucune performance par le passé, mené aucune action palpable, qui n’ont parfois même pas pu expliquer les projets de l’État ou les textes fondamentaux aux populations – comme lors du récent référendum constitutionnel.
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