Cinéma : « Qui vive », fatale banlieue
Ambigu, tendu et juste, le premier long-métrage de Marianne Tardieu, « Qui vive », louvoie entre les écueils du genre.
Le "film de banlieue" est devenu un genre à lui seul dans le cinéma français. Avec des films qui, à de très rares exceptions près, évoquent la difficulté de vivre dans les cités et la quasi-impossibilité d’échapper, sauf en réalisant un parcours d’exception, à un destin peu engageant – sur le versant de la délinquance ou sur celui de la résignation à une existence étriquée. Le plus souvent, ces longs-métrages multiplient les clichés sur la condition des femmes, la drogue, la violence, le chômage, le rap, l’islam et ses dérives fondamentalistes.
Qui vive a le mérite de raconter une histoire qui, tout en se passant en banlieue, ne se contente pas de dresser un énième constat des problèmes qu’affrontent les populations d’origine immigrée qui y vivent. Le film est en effet avant tout le portrait d’un homme, Chérif, un trentenaire séduisant mais sombre et introverti. Pour gagner sa vie, il exerce le métier de vigile dans un centre commercial en attendant de devenir infirmier, quand il aura enfin réussi le concours qui ouvre les portes de cette profession.
Amoureux de la jeune et belle Jenny, il ne supporte plus d’être harcelé par une bande de petits voyous du quartier. Pour s’en débarrasser, il accepte de renseigner un ami d’enfance devenu caïd sur une livraison de marchandises de valeur facilement négociables. Sombre erreur : l’affaire va prendre une mauvaise tournure et le long-métrage tourner au film noir.
Servi par une interprétation hors pair de Reda Kateb – omniprésent sur le grand écran ces temps-ci, et c’est tant mieux – et d’Adèle Exarchopoulos, le récit n’est jamais démonstratif ni moralisant. Ambigu, tendu, juste, il gagne en intensité tout au long de son déroulement, jusqu’à la terrible et superbe scène finale. Une franche réussite pour le premier film d’une jeune réalisatrice jusque-là inconnue.
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