Lionel Zinsou : « Personne ne croit plus à l’arriération de l’Afrique »

Décembre 2013 Paris – Janvier 2017 Bamako. Jamais, depuis les indépendances, la relation franco-africaine n’aura évolué aussi vite et profondément que pendant ces mille jours entre les deux sommets Afrique-France.

Lionel Zinsou (Bénin – France), ancien associé-gérant de Rothschild & Cie, ancien Premier Ministre et candidat malheureux à la présidence de la République du Bénin, il reste à la tête du fonds d’investisement PAI Oartners. Au siège de PAI Partners, à Paris, le 12.09.2016. © Vincent Fournier/JA

Lionel Zinsou (Bénin – France), ancien associé-gérant de Rothschild & Cie, ancien Premier Ministre et candidat malheureux à la présidence de la République du Bénin, il reste à la tête du fonds d’investisement PAI Oartners. Au siège de PAI Partners, à Paris, le 12.09.2016. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 13 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement sont présents à Bamako pour le 27e sommet Afrique-France, les 13 et 14 janvier. © Sommet Afrique France
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Afrique – France : quel avenir ?

Le sommet – le dernier de François Hollande – qui se tenait à Bamako les 13 et 14 janvier est l’occasion d’établir l’état des lieux des relations entre Paris et le continent. Mais aussi d’envisager leur évolution.

Sommaire

La puissance des symboles est très forte : 2013, c’est l’année de l’opération Serval et de l’incroyable pari des élections démocratiques et pacifiques au Mali ; 2017, celle où cinquante délégations peuvent se réunir dans la capitale d’un pays reconstruit, qui a échappé à un destin d’État terroriste.

En matière de paix et de sécurité, la France, encore décrite il y a quelques années comme « le gendarme » de l’Afrique, est désormais regardée comme l’alliée du continent. Son engagement a été indissociable et complémentaire de l’action de la Cedeao de l’Union africaine et des Nations unies.

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Les institutions régionales et continentales, comme les coopérations avec des forces de sécurité africaines nationales, en grands progrès sur le plan opérationnel, ont abouti à coproduire la paix. Un attribut de souveraineté essentiel revient en Afrique : celui d’assurer la protection des biens, des personnes, des valeurs et du droit.

Mais la métamorphose de ces mille jours n’est pas que diplomatique et militaire, elle est aussi – grâce au soutien de l’Organisation internationale de la francophonie – culturelle, numérique et sociale. Ce qui, avant toute chose, a changé le plus, c’est l’esprit public en matière économique. Et, depuis, les prémices du raisonnement sur le développement sont complètement renouvelées. Plus personne ne nie la croissance africaine. On ne conteste plus son caractère soutenable et son niveau élevé.

Même lorsque les prix des matières premières s’effondrent, comme depuis 2012. Même quand les prix des hydrocarbures chutent en 2015, plus encore qu’en 2008. Même lorsque le manque de liquidité menace des économies africaines qui semblaient très robustes. On admet désormais qu’il s’agit d’un choc conjoncturel et exogène.

La force motrice du développement est faite du dynamisme combiné des entrepreneurs et des élus

En 2017, cette croissance reconnue est questionnée dans son contenu. Est-elle assez inclusive ? Crée-t-elle assez d’emplois pour les jeunes ? Fait-elle reculer la pauvreté ? La réponse est non. La croissance du PIB est une machine à créer des classes moyennes et des consommateurs. C’est aussi une machine à creuser les inégalités, surtout si l’on délaisse les classes populaires, en négligeant l’agriculture ou le logement social.

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Mais, en 2017, les limites et les insuffisances de la croissance ne sont plus pensées comme des fatalités. Elles sont diagnostiquées et traitées par des politiques publiques. Les indicateurs du chômage des jeunes qualifiés et de l’extrême pauvreté sont maintenant partout la mesure de performance des économies africaines.

Toutes les institutions de développement ont reconnu que notre agriculture n’était financée qu’au quart de ses besoins, mais tout le monde voit l’ampleur des gains de productivité réalisés dès lors qu’on la finance. Une révolution verte s’annonce, que le changement climatique rend encore plus urgente. Et tous en sont aujourd’hui conscients.

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Personne ne croit plus à « l’arriération » de l’Afrique. Plus personne ne vient proposer des technologies d’avant-hier. C’est l’inverse : la révolution des télécommunications a installé l’idée que le continent était désormais pionnier dans leurs nouveaux usages sociaux. Les paiements par mobile aujourd’hui, la télémédecine, l’e-commerce, le cloud au service du secteur informel…

Au-delà, l’avance en énergies renouvelables et en réseaux off-grid intelligents, les fintech contre la sous-bancarisation… L’Afrique en tête en matière technologique, voilà une idée nouvelle. Mais, il y a mille jours, elle nous était encore interdite.

Enfin, le secteur privé français a pris conscience des enjeux et du potentiel en Afrique, dans un environnement très concurrentiel. On assiste à la montée extraordinaire des entreprises sur le front du développement. Elles ne font pas qu’exporter, elles investissent, elles inventent des partenariats.

Face à elles, les entreprises africaines, souvent neuves et novatrices, sont plus compétitives et mieux gouvernées. Encore une idée nouvelle : la force motrice du développement est faite du dynamisme combiné des entrepreneurs et des élus. Les États se comporteront désormais en facilitateurs, plus qu’en opérateurs.

En décembre 2013, la plus grande réunion jamais organisée d’entreprises africaines venues dialoguer avec leurs homologues françaises, avait accueilli 600 participants. En septembre 2016, et pour préparer Bamako, le Quai d’Orsay, les organisations patronales et AfricaFrance en attendaient à nouveau 600. Il en est venu trois fois plus. Et il ne s’est passé que mille jours.

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