L’argent des Africains : Émile, consultant en informatique et réseaux en RDC – 192 euros par mois

Émile a 24 ans. Il travaille comme consultant dans une entreprise de réseaux informatiques. Pour ce nouveau numéro de notre série l’argent des Africains, il a accepté de nous ouvrir son portefeuille.

« Avec l’informatique et internet, il faut toujours actualiser ses compétences et se mettre au niveau », s’enthousiasme Émile. © DR

« Avec l’informatique et internet, il faut toujours actualiser ses compétences et se mettre au niveau », s’enthousiasme Émile. © DR

Publié le 25 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

La voix assurée, Émile détaille son parcours sans se faire prier. Issu d’une famille modeste de la région du Sud-Kivu, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, il a travaillé dur pour concrétiser ses ambitions. Aujourd’hui, son métier de consultant en réseaux informatiques lui rapporte chaque mois 222 000 francs congolais, soit 192 euros.

Un travail qu’il affectionne tout particulièrement : « Je suis souvent amené à faire du terrain, à rencontrer des entrepreneurs ou des particuliers. C’est passionnant. Et puis, avec l’informatique et internet, il faut toujours actualiser ses compétences et se mettre au niveau. On a en permanence quelque chose à apprendre. »

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Studieux et bon élève

Ce goût pour l’informatique, Émile le développe très jeune lorsqu’il comprend « son pouvoir pour communiquer et changer le monde ». « Nous avions des cours théoriques, où il n’y avait pas d’ordinateur à disposition, se rappelle-t-il. Mais je voulais à tout prix découvrir cette science. »

Après son baccalauréat, il quitte le nid familial de Kadjucu, dans le Sud-Kivu, et se rend à Goma pour obtenir un diplôme en informatique de gestion. Studieux et bon élève, il décroche coup sur coup deux bourses en 2014 et 2015, qui lui permettent de poursuivre jusqu’en cinquième année. « Sans cela, je n’aurais jamais pu, explique-t-il. Mon père est enseignant dans le secondaire et ma mère cultive les champs. Ils m’avaient assuré trois ans d’université mais ne pouvaient pas aller au-delà. »

On s’habitue à tout, même au pire

Pendant cinq ans, Émile mène ses études tambour battant. Pour arrondir ses fins de mois et soulager sa famille, il n’hésite pas à travailler en parallèle pour des entreprises, en développant des systèmes informatiques. Seul ombre au tableau : la terrible guerre du Kivu, qui s’est invitée à l’intérieur de Goma, lorsque les rebelles du M23 ont assiégé et occupé la ville en 2012. « On s’habitue à tout, même au pire, se rappelle-t-il. Mais, pendant des semaines, nous devions abandonner les bancs de l’école et cela entamait notre moral. »

Quelques loisirs et de l’argent pour la famille

Émile se fait repérer par l’un de ses professeurs, Vicky Sangara, qui le recommande à une entreprise qui deviendra par la suite son employeur. Avec une dizaine d’employés et quelques bureaux à Kinshasa et Bukavu, MiCT Solutions connaît une belle réussite. D’abord stagiaire, il se fait embaucher comme consultant au bout de dix mois.

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Ambitieux et travailleur, Émile ne s’interdit pas pour autant de prendre du bon temps. Chaque mois, il dépense environ 19 euros pour aller s’amuser avec ses amis le weekend. « J’aime aussi regarder le football, les émissions des chaînes Novelas et A+ centre, et les actualités sur TV5 Monde et France 24. » Des petits loisirs qui ne l’empêchent pas de reverser 48 euros à sa famille, notamment pour aider son petit frère à financer sa scolarité. « Je suis l’aîné, c’est normal », affirme-t-il. En échange, il s’approvisionne régulièrement en nourriture chez ses parents, qui cultivent des légumes et élèvent quelques bêtes.

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Épargner pour étudier 

Après avoir payé 29 euros de loyer et son forfait téléphonique et internet de 19 euros, Émile peut se permettre d’épargner chaque mois environ 77 euros. D’ici deux ans, sa petite cagnotte lui servira à poursuivre ses études en troisième cycle. « C’est nécessaire pour se protéger de l’instabilité économique, de la crise et du chômage dans mon pays, surtout chez les jeunes, explique-t-il. J’ai essayé d’obtenir d’autres bourses, mais c’était impossible. Elles sont toutes prises par les fils et filles d’hommes politiques. Je suis obligé d’économiser. »

Mon rêve n’est pas de travailler éternellement pour autrui

Quant à l’avenir, Emile l’envisage avec confiance, même s’il confie avoir « quelques craintes » sur la situation politique en RDC. D’ici dix ans, « si possible », le jeune homme espère pouvoir fonder sa petite société privée de services informatiques et de formations professionnelles. « Mon rêve n’est pas de travailler éternellement pour autrui », assure-t-il.

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