L’Allemagne veut (toujours) accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile tunisiens

En mars 2016, le ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière avait annoncé la mise en place d’un « projet pilote visant à accélérer l’expulsion des demandeurs d’asile tunisiens déboutés ». Depuis l’attentat de Berlin, le sujet est de retour dans le débat. Où en est-on ? JA fait le point.

La chancelière Angela Merkel aux côtés du ministre allemand de l’Intérieur et du ministre de la Défense le 22 décembre 2016. © Michael Kappeler/AP/SIPA

La chancelière Angela Merkel aux côtés du ministre allemand de l’Intérieur et du ministre de la Défense le 22 décembre 2016. © Michael Kappeler/AP/SIPA

Publié le 10 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

C’est à l’issue d’une tournée au Maghreb du 28 février au 1er mars que Thomas de Maizière avait présenté les grandes lignes d’une nouvelle stratégie allemande relative au retour des migrants provenant du Maroc, d’Algérie et de Tunisie. Objectif : tester un système de « reconduite efficace » et surtout plus rapide.

Le sujet est relancé depuis le 19 décembre, date de l’attentat au camion-bélier qui s’est produit sur un marché de Noël de Berlin. Après la mort de l’auteur présumé quelques jours plus tard, − Anis Amri, un Tunisien qui avait vu sa demande d’asile en Allemagne rejetée −, la chancelière allemande avait annoncé s’être entretenue au téléphone avec le président tunisien Béji Caïd Essebsi.

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« Nous avons […] fait des progrès cette année sur la question très importante de l’expulsion des citoyens tunisiens qui n’ont pas le droit de rester en Allemagne », avait-elle déclaré en conférence de presse. « J’ai annoncé au président tunisien que nous allions accélérer la procédure et que nous devions augmenter le nombre de personnes renvoyées [dans leur pays d’origine]. »

84 expulsions en 2016

Contactée le vendredi 6 janvier par Jeune Afrique, l’ambassade de la République fédérale d’Allemagne à Tunis a expliqué que du côté tunisien, la coopération « comprend la facilitation des conditions générales et la collaboration dans l’identification des personnes concernées ».

Indiquant que 84 personnes avaient été rapatriées en Tunisie au cours de l’année 2016, l’ambassade a également tenu à préciser que les Tunisiens sur le point d’être expulsés d’Allemagne seraient moins nombreux que les Marocains, les Libyens et les Algériens.

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« On sait très bien que les Tunisiens […] et que le gouvernement tunisien ne sont pas responsables pour chaque attentat perpétré par un Tunisien », a souligné le 4 janvier Petra Dachtler, chargée d’affaires à l’ambassade d’Allemagne à Tunis, sur les ondes de la radio tunisienne Express Fm. Il est de fait important de distinguer le débat sur le retour des jihadistes tunisiens de l’expulsion de personnes séjournant sur un territoire de façon illégale, une règle internationale.

Les expulsions doivent aller « plus vite »

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Les expulsions des demandeurs d’asile déboutés doivent « aller plus vite », a néanmoins répété encore récemment le ministre Thomas de Maizière dans le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. Car la patience de l’Allemagne a des limites. Le dimanche 8 janvier, le gouvernement, par la voix du vice-chancelier allemand Sigmar Gabriel, a même menacé de supprimer l’aide au développement versée par l’Allemagne aux pays « qui ne coopèrent pas suffisamment ».

Jusqu’à présent, lorsque les demandeurs d’asile originaires par exemple du Maroc, d’Algérie ou de Tunisie étaient déboutés de leur demande et devaient être expulsés, leur pays refusait souvent de les rapatrier en l’absence de pièces nationales d’identité. Plusieurs migrants se débarrassaient ainsi de leurs papiers avant d’arriver en Europe et tentaient de se faire passer pour des réfugiés syriens afin d’augmenter leurs chances de rester sur le vieux continent.

En ce qui concerne Anis Amri, sa demande d’asile avait été refusée par l’Office fédéral pour la migration et les réfugiés en juin 2016, mais il « n’a pas pu être expulsé car il n’avait pas de document d’identité en règle », a expliqué Ralf Jäger, ministre de l’Intérieur de Rhénanie du Nord-Westphalie. Berlin avait ensuite reproché aux autorités tunisiennes d’avoir refusé pendant des mois de reconnaître la nationalité de l’homme, empêchant ainsi son rapatriement.

Angela Merkel veut d’autres mesures

Suite aux failles mises à jour par l’attentat de Berlin (échec du renseignement intérieur, blocages bureaucratiques…), la coalition gouvernementale d’Angela Merkel envisage par ailleurs la mise en place d’autres mesures.

« Je vais faire des propositions très concrètes afin d’élargir la possibilité de placement en rétention des personnes classées dangereuses en vue de leur expulsion », a annoncé le dimanche 8 janvier le ministre de la Justice, Heiko Maas, précisant que seraient désormais concernés les étrangers dont le pays d’origine refuse le rapatriement rapide. Il est aussi question d’une extension de la vidéo-surveillance, dans un pays rétif jusqu’ici dans ce domaine au nom de la protection de la sphère privée, indique l’AFP.

La chancelière Angela Merkel tente depuis des mois de classer la Tunisie, le Maroc et l’Algérie sur la liste des pays dits « sûrs » afin de faciliter le rejet des demandes d’asile de leurs ressortissants. Mais un projet de loi en ce sens a du mal à passer, une partie des élus s’y opposant au Parlement en raison notamment des discriminations à l’encontre des homosexuels, des atteintes à la liberté d’expression et des cas de tortures signalés dans ces pays.

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