Dans une Tunisie stabilisée, le marché boursier fait des étincelles

Trois ans après la révolution, l’indice Tunindex a enregistré la plus forte croissance du monde arabe. De quoi résoudre les problèmes de liquidités de la Bourse de Tunis et enfin voir augmenter son volume d’échanges ?

En 2015, des entreprises confisquées par l’État au clan Ben Ali devraient entrer à la cote. © Ons Abid

En 2015, des entreprises confisquées par l’État au clan Ben Ali devraient entrer à la cote. © Ons Abid

Publié le 12 janvier 2015 Lecture : 4 minutes.

Tout au long de l’année 2014, qui s’est achevée avec l’élection d’un nouveau président de la République, la Bourse de Tunis a affiché une santé insolente. Avec une hausse de 16,17 %, l’indice Tunindex a enregistré la plus forte croissance des places financières arabes et rompu avec les performances négatives de 2013. Un bon résultat qui peut être considéré comme le fruit de la révolution de 2011, selon Kamel Gana, directeur général adjoint de la Bourse : « Le financement par le marché entre dans les moeurs. Les entreprises n’ont plus peur d’afficher leur réussite, au risque d’attirer les convoitises des proches de l’ex-président Ben Ali qui cherchaient à prélever leur part », explique-t-il.

Après la chute de l’ancien président et avec les incertitudes politiques qui en ont découlé, les banques, elles-mêmes en difficulté, n’accordaient plus de crédit. Une des solutions qui s’offraient aux entreprises ayant besoin de liquidités était donc de se tourner vers la Bourse. « La levée de fonds sur le marché a été nécessaire pour renforcer les fonds propres, commente Adel Grar, qui dirige le fonds d’investissement Jasmin Capital Partners et préside le syndicat des intermédiaires en Bourse. Le credit crunch [pénurie du crédit] a poussé les entreprises à venir se faire coter.

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Aussi bien les holdings attirés par des avantages fiscaux [exemptions d’impôts sur les plus-values] que les sociétés de croissance [à fort potentiel d’augmentation des bénéfices] de taille moyenne, qui ont pu se valoriser sur le marché alternatif. » Certes, le rythme des entrées en Bourse a ralenti, avec six introductions en 2014 contre douze en 2013. Mais ce score reste plus qu’honorable : avant 2010, on ne comptait que deux introductions par an.

Contrôle

Pour Kais Kriaa, analyste chez AlphaMena, plusieurs facteurs expliquent cet engouement : « Les problèmes de financement ; une volonté de partager les risques avec d’autres actionnaires tout en gardant le contrôle ; et un changement générationnel, avec des entrepreneurs qui cherchent à s’appuyer sur la Bourse plutôt que sur les banques et à être plus transparents. » Ainsi, en ouvrant 15 % de son capital, la société laitière Délice Holding a réalisé en octobre dernier la plus grosse opération de l’année sur la place tunisienne. Elle a levé 120 millions de dinars (52 millions d’euros) pour financer une partie de son programme d’investissement 2014-2018, d’un montant de 289 millions de dinars.

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L’annulation au tout dernier moment de l’introduction de Moulin d’or (la société a finalement choisi d’ouvrir son capital à un partenaire étranger) va-t-elle doucher l’enthousiasme suscité par les bonnes performances de 2014 ? « C’est une mauvaise nouvelle. Cette valeur devait animer la cote. J’espère que ce n’est pas le début d’une concurrence entre la Bourse et les fonds de private equity », note Kamel Gana.

Le directeur général adjoint de la Bourse est néanmoins confiant pour 2015 : « Les perspectives sont bonnes. L’effet d’entraînement des introductions de ces deux dernières années est réel. » Adel Grar se réjouit quant à lui du retour des étrangers sur la place. Cette année, leur taux de participation a atteint 24,10 %, un niveau proche de celui d’avant la crise financière de 2008 (28 %). Et pour ce financier, « l’achèvement du processus électoral et le retour de la stabilité politique ne manqueront pas de donner un signal fort aux investisseurs locaux et étrangers ».

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Un moyen de remédier à la faible liquidité du marché et à son volume d’échanges décevant. « Ce dernier est actuellement de 6,5 millions de dinars par jour, alors qu’on pourrait atteindre le double. On devrait désormais pouvoir renouer avec des moyennes de volume plus classiques [en 2010, celui-ci était de 12 millions de dinars] », estime Adel Grar. Pour ce faire, il faudra réussir à diversifier le profil des investisseurs. « Le marché reste dominé par les particuliers au détriment des institutionnels, peu actifs, indique Kais Kriaa. Le risque est d’observer un effondrement des valeurs sur le marché secondaire. Les autorités devraient inciter les institutionnels tunisiens à s’orienter vers la Bourse, soit directement, soit à travers le développement de véhicules dédiés, comme les fonds de placement. »

Absents

Mais si la Bourse de Tunis a affiché une embellie en 2014, elle est encore loin derrière sa grande soeur marocaine. Bien plus dynamique, elle reste cependant nettement plus modeste que celle de Casablanca (le marché marocain représente plus de 50 % du PIB du pays contre près de 22 % à Tunis). De plus, alors qu’au Maroc tous les secteurs sont représentés, en Tunisie, certains pans de l’économie restent à l’écart de la place financière. Même si l’offre s’est diversifiée ces dernières années, l’énergie et l’hôtellerie sont les grands absents de la cote, reconnaît Kamel Gana. « Cela représente un potentiel de développement énorme », soutient-il.

Attendues en 2015, d’autres introductions de grands groupes et la mise sur le marché des parts de certaines entreprises confisquées par l’État tunisien au clan Ben Ali, gérées depuis 2011 par le holding Al Karama, devraient venir confirmer la tendance. On parle à nouveau d’une entrée en Bourse à hauteur de 10 % pour l’opérateur de télécoms Ooredo, ex-Tunisiana, si le marché est favorable.

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