Zambie : Guy Scott en voit de toutes les couleurs
Le décès de Michael Sata l’a propulsé « premier président blanc d’un gouvernement africain démocratique ». Le chef de l’État zambien, Guy Scott, ne restera en fonction que trois mois. Mais, déjà, les esprits s’échauffent.
Il n’aura pas fallu longtemps pour que l’on reproche à Guy Scott sa couleur de peau. Ce Blanc de 70 ans, qui, en sa qualité de vice-président, a succédé au chef de l’État, Michael Sata, décédé à Londres le 28 octobre, est déjà accusé par certains manifestants d’avoir "insulté la culture" zambienne et de vouloir "ramener [le pays] à l’époque de la colonisation".
Devenu "premier président blanc d’un gouvernement démocratique d’Afrique subsaharienne" (l’expression est de lui), en vertu de la Constitution, Scott s’est, il est vrai, montré particulièrement maladroit. Le 4 novembre, en plein deuil national, il démet Edgar Lungu de son poste de secrétaire général du Front patriotique (PF), le parti au pouvoir… avant de faire machine arrière quelques heures plus tard pour calmer un début d’émeutes à Lusaka. David Mwila, que Guy Scott avait d’abord choisi, avait décliné son offre, arguant qu’il est contraire aux usages d’accepter toute nomination avant un enterrement.
Il ne doit rester au pouvoir que trois mois
Seulement Lungu, ministre de la Défense et de la Justice, est l’un des favoris pour la prochaine élection présidentielle, qui s’annonce mouvementée. Sata l’avait même choisi pour assurer l’intérim pendant son séjour à Londres, et il avait à ce titre présidé aux cérémonies du cinquantenaire de l’indépendance, le 24 octobre. Après le décès du chef de l’État, Lungu n’a accepté qu’à contrecoeur de céder le pouvoir à Scott. Mais, dans une Zambie qui a déjà connu deux alternances démocratiques, on ne badine pas avec la Constitution…
Jovial, prolixe au point de faire des gaffes, Guy Scott n’inquiète toutefois pas ses rivaux outre mesure. Il ne doit rester au pouvoir que trois mois, jusqu’à l’élection présidentielle anticipée. Un scrutin dont il est exclu, une disposition de la Constitution interdisant à tout candidat qui ne serait pas né de père et de mère zambiens de concourir.
Il parle de bemba
Or le père de Scott, écossais, émigra en 1927 dans ce qui était encore la Rhodésie du Nord. Ce géniteur atypique, anti-impérialiste convaincu, décida de rester en Zambie après l’indépendance – les Blancs n’y seraient plus que quelques dizaines de milliers aujourd’hui – et devint même député.
Diplômé de l’université britannique de Cambridge, Guy Scott a poursuivi l’oeuvre de son père, servant le gouvernement de son pays à plusieurs reprises et obtenant notamment de très bons résultats en tant que ministre de l’Agriculture. Marié à une Anglaise, cet homme "peut-être blanc à l’extérieur, mais noir de sang", comme il aime à se décrire, parle le bemba, la langue de l’ethnie majoritaire et celle du défunt président Sata. C’est d’ailleurs peut-être pour esquiver les accusations de tribalisme que Michael Sata avait fait de lui son vice-président après son élection, en 2011.
À ce poste, Scott s’était souvent exprimé dans les médias avec une liberté parfois déconcertante. Ainsi, dans une interview à bâtons rompus accordée au quotidien britannique The Guardian, en 2013, il avait exprimé son admiration pour Robert Mugabe ("comme tout bon nationaliste africain") et sévèrement critiqué les Sud-Africains, finement qualifiés d’"arriérés". "Je soupçonne les Noirs de prendre exemple sur les Blancs maintenant qu’ils sont au pouvoir", avait-il déclaré, avant de comparer Jacob Zuma à Frederik De Klerk, le dernier président de l’apartheid. On imagine l’ambiance, s’il était amené à le rencontrer dans les prochains mois.
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Pierre Boisselet
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