Maroc : combien de jours encore pour qu’Abdelilah Benkirane forme son gouvernement ?

Cela fait trois mois et quatre jours que les Marocains attendent de connaître le nom de leurs ministres. Combien de temps encore ? Une chose est sûre : jamais le Maroc n’a connu un accouchement aussi difficile.

Abdelilah Benkirane, ancien chef du gouvernement marocain. © Hassan Ouazzani/JA

Abdelilah Benkirane, ancien chef du gouvernement marocain. © Hassan Ouazzani/JA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 12 janvier 2017 Lecture : 4 minutes.

 » Alors, ce gouvernement ?  » La question est sur toutes les lèvres au Maroc. Aujourd’hui, jeudi 12 janvier, il s’est passé exactement 94 jours depuis la désignation du leader du Parti justice et développement (PJD) en tant que chef de gouvernement par le roi, soit trois mois et quatre jours, sans qu’on ne voit le bout du tunnel.

Jamais un gouvernement marocain n’avait pris autant de temps pour être formé, y compris lors de l’avènement du gouvernement de l’alternance en 1998, qui avait permis aux anciens opposants de Hassan II d’accéder, pour la première fois, au pouvoir. Souvenez-vous. 

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Abderrahman Youssoufi : 38 jours

Le 4 février 1998, l’ancien roi, au soir de sa vie, reçoit le secrétaire général de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), arrivé premier aux élections législatives du 14 novembre 1997 (57 sièges sur 325) et le nomme Premier ministre. Il lui demande de former un gouvernement de coalition qui va permettre la transition démocratique du pays tout en gardant son vizir, Driss Basri, aux commandes du Ministère de l’Intérieur.

Les tractations de Youssoufi avec ses amis de la Koutla (une alliance de gauche incluant l’Istiqlal et le PPS) ainsi qu’avec les libéraux de l’Union constitutionnelle (UC) du Rassemblement national des indépendants (RNI), arrivés respectivement 2e et 3e aux élections, vont durer 38 jours.

Le 14 mars 1998, il annonce un cabinet de 41 ministres, dans lequel l’USFP a onze portefeuilles et son allié l’Istiqlal, six. Le gouvernement compte aussi des technocrates et d’anciennes figures du régime. À cette époque, le PJD vient à peine d’être créé, suite à une fusion entre le Mouvement populaire démocratique et constitutionnel (MPDC) d’Abdelkrim El Khatib et le Mouvement Unité et réforme (MUR), noyau idéologique des islamistes.

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Le 6 septembre 2000, Abderrahmane Youssoufi est reconduit par Mohammed VI, intronisé un an avant, mais son gouvernement évolue afin de l’orienter vers la politique de grands travaux voulue par le souverain.

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Driss Jettou : 29 jours

L’urgence économique et les luttes de pouvoir entre l’USFP et son allié l’Istiqlal finissent par pousser le roi à lâcher Youssoufi et à choisir un Premier ministre technocrate. Le 7 novembre 2002, malgré des élections législatives ayant sacré encore une fois l’USFP première force politique du pays, Driss Jettou est nommé Premier ministre. Vingt neuf jours après, il présente au roi un cabinet de 38 ministres, dont 8 indépendants.

Le Maroc est alors engagé dans des réformes structurelles et la mission de Jettou est de gérer une équipe opérationnelle. Les ministres usfpéistes jugés efficaces, Fathallah Oualalou par exemple, sont maintenus dans des secteurs stratégiques comme les Finances.

Il y a un Jettou II, le 8 juin 2004. Les ministres socialistes en font toujours partie et arrivent à décrocher, pour la première fois de l’histoire du Maroc, un ministère de souveraineté, celui de la Justice, attribué à Mohamed Bouzoubaâ.

Abbas El Fassi : 38 jours

Suite aux élections législatives du 7 septembre 2007, la nomination d’un Premier ministre issu du parti arrivé vainqueur aux élections est devenu une règle. Abbas El Fassi, secrétaire général de l’Istiqlal qui a gagné ce scrutin, est reçu le 19 septembre par le roi.

Le 15 octobre, soit 38 jours après, il présente à ce dernier une liste de 33 ministres, à forte connotation politique mais comprenant toujours quelques technocrates rattachés au RNI, comme Aziz Akhannouch, nommé à la tête du ministère de l’Agriculture, et qui n’a pas quitté ce poste depuis.

Le gouvernement El Fassi subit deux remaniements en 2009 et en 2010, permettant aux hommes du Palais de reprendre certains ministères devenus névralgiques pour la monarchie. Mohamed Naciri, ancien avocat du Palais, reprend la Justice des mains de l’usfpéiste, Abdelouahed Radi, pour accélérer la réforme de ce ministère. Yassir Zenagui, ancien golden boy de la finance, rejoint le tourisme sous les couleurs du RNI afin de lancer la nouvelle vision touristique du Maroc.

Abdelilah Benkirane I : 35 jours

En 2011, le printemps arabe pousse le roi à réformer la Constitution et à décréter des élections législatives anticipées. Elles ont lieu le 25 novembre et le PJD en est le vainqueur. Quatre jours après, Abdelilah Benkirane est reçu par Mohammed VI qui le nomme Chef du gouvernement.

Mais le lendemain de sa nomination, il est confronté au défi de former une majorité puisqu’il n’a obtenu que 27% des sièges parlementaires. Ses tractations avec l’Istiqlal, le Mouvement Populaire et le PPS prennent 35 jours. Elles aboutissent le 3 janvier, date à laquelle il présente au roi une liste de 30 ministres, incluant 6 technocrates.

Le gouvernement Benkirane subit 3 remaniements pour diverses raisons : l’affaire des deux ministres polygames, la série d’impairs commis par l’ancien ministre des Sports, Mohammed Ouzzine, le décès d’Abdellah Baha, bras droit de Benkirane…. Le plus grand remaniement reste celui décrété après le retrait de l’Istiqlal du gouvernement, suite à un désaccord entre Benkirane et Hamid Chabat,  obligeant le chef du gouvernement à solliciter le RNI.

Abdelilah Benkirane II : (au moins) 94 jours 

Le temps consacré à la formation du gouvernement actuel s’inscrit dans les annales.

Même si Benkirane en demeure le premier responsable, cette crise politique a d’autres raisons sous-jacentes, qu’il faut prendre en considération.Une de ces raisons est la méfiance grandissante du pouvoir à l’égard des islamistes.

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