Abderrahmane Benhamadi : « L’État algérien doit donner plus d’importance à l’entreprise »

S’il n’a pu concrétiser son partenariat avec Renault, Abderrahmane Benhamadi l’héritier du groupe familial algérien investit de nouveaux secteurs et sonde le marché subsaharien.

Troisième fils du fondateur, Abderrahmane Benhamadi a pris les rênes de l’entreprise. © Sidali Djenidi pour J.A.

Troisième fils du fondateur, Abderrahmane Benhamadi a pris les rênes de l’entreprise. © Sidali Djenidi pour J.A.

Publié le 23 janvier 2015 Lecture : 5 minutes.

Hôtellerie, métallurgie, énergies renouvelables… Le groupe algérien Benhamadi s’est montré actif sur de nouveaux fronts en 2014. Treize ans après avoir entamé sa diversification, la petite entreprise familiale spécialisée dans l’alimentaire et les transports est devenue un holding en plein essor, avec une dizaine de filiales dans divers secteurs et 10 000 employés. Mais le moteur de son développement reste sa filiale Condor Electronics.

Avec sa marque phare Condor, elle contrôle près de 40 % du marché électronique en Algérie. En trois ans, son chiffre d’affaires a doublé, passant de 21 milliards de dinars (213 millions d’euros) en 2011 à 44 milliards de dinars en 2013. Après avoir atteint un record de 46,6 milliards de dinars sur les six premiers mois de 2014, le groupe table sur 75 milliards de dinars d’ici deux à trois ans. Récemment, Condor Electronics a mis le cap sur l’ Afrique subsaharienne. Une stratégie pilotée par Abderrahmane Benhamadi, 57 ans, troisième fils du fondateur, diplômé de l’École supérieure de commerce d’Alger et aujourd’hui PDG du groupe.

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Propos recueillis par Chloé Rondeleux, à Alger

Jeune Afrique : L’année 2014 a été riche en événements pour votre groupe. Comment se profile 2015 ?

Abderrahmane Benhamadi : Contrairement aux apparences, 2014 a été une année difficile. L’été n’a pas été très chaud, et cela a eu des répercussions sur nos ventes de climatiseurs [30 % du chiffre d’affaires du groupe], qui ont baissé de 10 %. Par conséquent, l’activité traditionnelle de Condor, l’électronique et l’électroménager, n’a pas vraiment progressé. Alors que nous étions habitués à une croissance annuelle de 25 % à 30 %, voire 50 %, nous prévoyons pour 2014 une progression faible de 18 %. Ce ralentissement est cependant atténué par le lancement des smart devices, nos tablettes et smartphones.

Nous avons écoulé près de 800 000 pièces sur l’année, ce qui représente 15 % du marché national. En 2015, nous allons renforcer notre présence dans les produits TIC [technologies de l’information et de la communication] et nous planifions une croissance de 50 % par rapport à 2014 grâce à l’introduction de nouveaux modèles mais aussi à l’extension du réseau 3G.

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Vous étiez annoncés comme sous-traitant de Renault pour la fabrication du GPS de la Symbol made in Algeria, sortie d’usine en novembre. Mais cela ne s’est finalement pas fait. Que s’est-il passé ?

Nous avons travaillé avec Nomago, une société franco-algérienne, afin de produire des GPS pour Renault. Condor devait fabriquer les terminaux et Nomago installer le système dans le véhicule. Mais, visiblement, le constructeur français a changé de stratégie et a préféré opter pour un GPS intégré à la voiture. Toutefois, nous avons reçu la visite des responsables de la sous-traitance de Renault, qui se sont montrés intéressés par l’injection plastique, dont l’une de nos usines est spécialiste. À présent, nous attendons leur réponse.

En 2012, votre groupe avait annoncé son intention de se lancer dans la construction automobile. Depuis, plus rien. Ce projet était-il trop ambitieux ?

Étant déjà présents dans l’électronique, nous avons pensé que la fabrication de voitures électriques n’était pas très éloignée de notre coeur de métier et représenterait une niche. Nous avons été en contact avec une société sino-américaine mais elle n’a pas voulu nous laisser fabriquer en Algérie. Comme nous refusons d’importer des véhicules, nous continuons à explorer des possibilités avec d’autres fournisseurs.

En 2014, vous avez lancé la première usine de panneaux photovoltaïques en Algérie et démarré la production du plus grand complexe métallurgique d’Afrique du Nord. Quels sont vos objectifs ?

Dans le cas de l’énergie solaire, notre usine fonctionne pour l’instant à 30 % de ses capacités [de 50 MW]. Le vote de la loi sur le rachat de l’électricité, en avril 2014, va permettre de lancer des fermes solaires et de revendre l’électricité produite à la société nationale Sonelgaz avec une marge de 20 % à 25 %, à un des meilleurs prix au monde. Nous avons aussi un projet d’intégration verticale de fabrication de cellules photovoltaïques. Néanmoins, l’investissement étant de 55 millions de dollars [46 millions d’euros], nous voulons être sûrs que le plan de charges soit intéressant avant de sauter le pas.

Benhamadi JA2818Nous avons aussi investi dans la métallurgie, dont nous importions jusqu’à présent les produits. Pour la première année, nous avons un objectif de 8 000 tonnes de charpentes et nous comptons arriver à terme à 16 000 t. En 2015, nous nous lancerons également dans l’extrusion, la fabrication d’aluminium. Actuellement, tout est importé, et nous pensons pouvoir occuper une petite place sur ce marché.

Ces projets nécessitent des ressources importantes et disponibles rapidement… Allez-vous entrer en Bourse et ouvrir votre capital en 2015 ?

Pas pour le moment. D’une part, parce que le crédit d’investissement en Algérie n’est pas cher, avec un taux de 3,5 %, qui devrait descendre à 2,5 %. D’autre part, comme nous jouissons d’une bonne réputation auprès des banques, nous obtenons l’ensemble des crédits demandés. Nous envisageons éventuellement une levée de fonds sur le marché obligataire. Quant au capital du groupe, il reste entre les mains des sept associés Benhamadi.

L’économie algérienne, fortement subventionnée, va sans doute souffrir de la chute du cours des hydrocarbures. Cela vous inquiète-t-il ?

Cette baisse des prix peut paraître catastrophique mais à long terme, elle ne peut être que bénéfique pour l’Algérie. Il faut que l’État donne plus d’importance à l’entreprise car c’est elle qui crée les richesses, les emplois, encourage la recherche et permet de diversifier les ressources de la nation. Mais quand tout va bien, on a tendance à l’oublier.

Vous venez de signer un protocole d’accord de partenariat avec le groupe industriel public soudanais Giad. Comment envisagez-vous votre expansion en Afrique subsaharienne ?

Nous commencerons par des exportations vers le Soudan qui, avec le Tchad, la Centrafrique et les autres pays de la Cemac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale], représente un marché de 500 millions de consommateurs. Ce potentiel nous permet d’envisager la création d’un bureau de liaison et de chaînes de montage sur place.

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