CAN 2017 : les TV publiques arrachent au groupe Lagardère une baisse des droits de diffusion
À quelques heures de l’ouverture de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) organisée au Gabon à partir du 14 janvier, Grégoire Ndjaka, directeur général de l’Union africaine de radiodiffusion (UAR) est encore sous pression. Dans l’urgence, il aide les dernières télévisions publiques qui n’ont pas encore acquis les droits de diffusion de la compétition à signer un contrat avec Sportfive, filiale du groupe Lagardère.
« Mercredi, j’ai travaillé jusqu’à minuit pour boucler le dossier burkinabé. Nous ne sommes pas en avance, mais lors de la dernière CAN, certaines avaient signé alors que le premier match était déjà commencé », se souvient-il.
Des réunions de dernière minute qui n’empêchent pas l’ancien DRH de la télévision camerounaise de tirer un bilan positif de son action. « Pour la première fois, grâce à l’accord-cadre arraché le 12 décembre par l’UAR, nos 46 membres ont obtenu une réduction des droits de retransmission des huit compétitions de la Confédération africaine de football (CAN, Chan, etc.) programmées en 2017 et 2018. Nous visions une baisse de 50%, mais nous sommes déjà très satisfaits d’avoir enregistré un recul des droits allant jusqu’à 30% », explique Grégoire Ndjaka.
Des négociations pour lesquelles l’UAR a pu compter sur l’implication du Président sénégalais Macky Sall.
Qui paye combien ?
Ce sont les télévisions nationales des pays qualifiées pour la CAN qui paieront le plus : environ 1,3 millions d’euros. La chaîne bissau-Guinéenne, compte tenu de la taille de son marché, a néanmoins vu sa facture ramenée à 300 000 euros.
À l’autre bout du spectre, un certain nombre de groupes audiovisuels de pays en difficulté ont obtenu de verser une sommes symbolique de 15 000 euros. C’est le cas de la Centrafrique, du Lesotho, des Comores, de l’Érythrée, de Sao Tomé et du Swaziland. Au total, Sportfive pourrait collecter jusqu’à 30 millions d’euros.
L’évolution des prix des droits ces dernières années est directement liée à la hausse des coûts pour l’ayant-droit. Lagardère, pour conserver ce contrat, a dû garantir en 2015 un minimum d’un milliard de dollars sur une période de douze ans à la Confédération africaine de football.
Larbi Chraïbi, consultant et ancien salarié de Sportfive, estime par ailleurs que la hausse des coûts de retransmission traduit aussi l’augmentation des investissements réalisés en matière de production TV, d’infrastructures, et de marketing pour assurer la promotion des compétitions.
Malgré la baisse historique des droits obtenu par l’UAR, plus d’une dizaine de pays principalement anglophones comme le Kenya, la Zambie, le Rwanda, le Liberia ou l’Éthiopie ont décidé de ne pas diffuser les compétitions, jugeant le coût de cette diffusion encore trop élevé. « C’est inquiétant, la CAN est en train de devenir une compétition francophone. Même l’Angola pourrait renoncer », constate Grégoire Ndjaka.
Des négociations qui traînent
Selon le patron de l’UAR, cette situation tient aussi à la signature très tardive de l’accord-cadre, qui ne permettra pas aux chaînes de rentabiliser leur investissement, notamment en optimisant la vente d’espaces de publicité.
« Nous avons débuté les négociations en mai. Selon moi, elles auraient pu aboutir en août, mais le groupe Lagardère les a fait traîner pour mettre la pression sur les chaînes de télévision. Le groupe sait que dans de nombreux pays, il est inenvisageable de ne pas diffuser la CAN. D’ailleurs dans un premier temps, nos interlocuteurs ne voulaient pas discuter avec l’UAR, mais directement avec les télévisions, comme ils le faisaient par le passé », relate Grégoire Ndjaka, qui espère pouvoir très rapidement, une fois la CAN passée, entamer des discussions pour la période 2019/2020.
La société Sportfive n’a pas réagi aux sollicitations de Jeune Afrique à l’heure où cet article est mis en ligne. « Il est très fréquent que les négociations traînent en longueur, estime pour sa part Larbi Chraïbi. Non seulement les montants sont importants , mais il y a d’autres questions à traiter, comme les garanties financières et techniques apportées par les TV ».
Pour le consultant, il n’est pas certain que les relations entre l’ayant-droit et les chaînes africaines se décrispent à court terme. « Sur le continent, tant que les championnats nationaux ne seront pas plus développés, la CAN restera le produit sportif qui a le plus de valeur ajoutée. Je ne vois pas quel pourrait être l’argument des TV publiques pour faire baisser [à nouveau] les tarifs », estime Larbi Chraïbi.
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