Burkina Faso : Kafando devient officiellement président intérimaire

Michel Kafando a été officiellement investi vendredi président intérimaire du Burkina Faso, trois semaines après la chute de Blaise Compaoré dont il a conspué le régime marqué par « l’injustice » et la « gabegie », promettant de « régler bientôt » des « comptes ».

Michel Kafando et le lieutenant-colonel Isaac Zida, le 19 novembre 2014 à Ouagadougou. © AFP

Michel Kafando et le lieutenant-colonel Isaac Zida, le 19 novembre 2014 à Ouagadougou. © AFP

Publié le 22 novembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Michel Kafando, vêtu d’un costume noir et le visage souvent fermé, a reçu le pouvoir des mains du lieutenant-colonel Isaac Zida, l’homme fort du pays depuis la chute de Compaoré, qui restera Premier ministre. M. Zida, treillis et béret rouge, a transmis le drapeau burkinabè à M. Kafando, qui l’a ensuite brièvement agité en direction de la foule réunie au Palais des sports de Ouagadougou, tendu aux couleurs verte, jaune et rouge du pays.

La solennité de l’instant, après 27 années de règne de Blaise Compaoré, contraint à la démission le 31 octobre par la rue, n’a cependant pas ecclipsé une question primordiale: de quelle marge de manoeuvre disposera ensuite M. Kafando avec un tel bras droit ?

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En attendant, le président de la transition, une période d’un an qui sera conclue par des élections présidentielle et législative en novembre 2015, s’est montré très ferme lors de son premier discours, fustigeant le régime de Blaise Compaoré. Il l’a pourtant représenté alors qu’il oeuvrait de 1998 à 2011 auprès des Nations unies en tant qu’ambassadeur du Burkina.

Dénoncant un régime gangréné par "l’injustice", la "gabegie", la "corruption", il a alors averti, s’attirant les vivas de la foule: "Avec ceux qui ont méprisé cette justice et qui pensent qu’ils peuvent dilapider impunément le denier public, nous réglerons bientôt les comptes".

"Sankarisme"

Michel Kafando, de nature plutôt réservée et au profil de technocrate, a envoyé un autre signal fort en annonçant des investigations pour identifier le corps du président Thomas Sankara, tué lors du putsch qui porta au pouvoir en 1987 Blaise Compaoré. Une mesure très populaire, de nombreux jeunes ayant contribué à chasser l’ex-président se revendiquent du "sankarisme".

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La famille Sankara demande depuis 1997 l’exhumation du corps de ce héros national, icône du panafricanisme qualifiée de "Che africain", pour vérifier que le corps enterré est bien le sien, ce que la justice burkinabè n’a jamais accepté.

Mise en garde

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Le chef d’Etat ghanéen, qui préside également la Cédéo (Union économique ouest-africaine), John Mahama Dramani, a salué "un beau jour qui marque la fin d’une période d’incertitude politique". Présent à la cérémonie, il a néanmoins souligné que la Cédéo demeurerait "en collaboration étroite" avec l’administration intérimaire, "pour s’assurer que les vues et intérêts exprimés durant le dialogue" entre civils et militaires, ayant abouti à cette transition seront "pris en compte par le gouvernement".

De son côté, Mohamed Ould Abdelaziz, chef de l’Etat mauritanien et président de l’Union africaine en exercice, a mis en garde contre "toute tentation susceptible de remettre en cause" la transition et de "constituer une quelconque entrave à son accomplissement".

Michel Kafando avait été nommé lundi après deux semaines de tractations au pas de charge, menées par une armée qui, sous pression internationale, avait affiché sa volonté de laisser le commandes aux civils. Mais la nomination mercredi d’Isaac Zida au poste de Premier ministre a cependant eu "un peu un goût" de "gueule de bois", d’après un diplomate, qui prédit: "Personne ne s’y trompe, c’est (Zida) qui va diriger le pays".

Dans les faits, le nouveau chef du gouvernement a déjà pris le pays en main: deux patrons d’entreprises publiques, proches de la famille Compaoré, ont été remerciés "pour sabotage", et les conseils municipaux et régionaux ont été suspendus.

La composition du gouvernement de M. Zida, promise d’ici samedi, sera révélatrice de l’état d’esprit du nouveau pouvoir et surtout de la marge de manoeuvre de M. Kafando, analyse un diplomate. A priori, "les hommes en treillis ou ceux qui travaillent pour eux" devraient occuper les postes de la Défense, de l’Economie et des Finances, des Affaires sociales, et des Mines, ce dernier portefeuille étant des plus rémunérateurs, poursuit-il.

Gnassingbé absent

Les chefs d’Etat du Mali, Niger, Bénin et Sénégal étaient également présents à la cérémonie. La Côte d’Ivoire, qui hébergeait Blaise Compaoré depuis sa démission jusqu’à son départ jeudi pour le Maroc, et le Nigeria avaient chacun envoyé leur ministre des Affaires étrangères.

Le Togo, dont le président Faure Gnassingbé était annoncé, était finalement représenté par son Premier ministre. Des milliers de Togolais, apparemment inspirés par l’exemple burkinabè, ont tenté vendredi de marcher vers l’Assemblée nationale à Lomé, avant d’être dispersés à coup de gaz lacrymogènes.

(AFP)

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