Kenya : la grève du sexe, remède contre l’abstention ?
À l’approche des élections générales en août prochain, une députée kényane a appelé les femmes à la grève du sexe tant que leurs compagnons ne se seront pas inscrits pas sur les listes électorales.
En politique, la fin justifie les moyens. Si Machiavel a théorisé l’adage, une députée kényane l’a repris à son compte six siècles plus tard. Alors que les élections générales se profilent en août prochain, Mishi Mboko, membre de l’opposition, compte attirer un maximum d’électeurs dans les bureaux de vote du pays pour emporter ce scrutin.
Pour elle, le calcul est simple : plus le taux de participation sera élevée, plus son parti aura de chances de l’emporter face à la formation de l’actuel président Uhuru Kenyatta. Alors tous les moyens sont bons pour s’assurer d’un maximum de civisme de la part de ses concitoyens.
La stratégie de l’abstinence
Mishi Mboko a lancé un appel aux femmes du pays, qu’elle espère efficace pour motiver les hommes à aller voter : « Femmes, si vos maris ne sont pas inscrits sur les listes électorales, vous leur dites non, vous leur dites d’aller s’enregistrer et ensuite de revenir s’amuser », a-t-elle lancé depuis la ville côtière de Mombasa lundi, à l’occasion du lancement d’une vaste opération d’enregistrement des électeurs en vue des élections générales.
Seul moyen pour les hommes d’obtenir la fin de cette grève du sexe, rapporter la preuve de leur inscription sur les listes, sous la forme d’une carte d’électeur valide.
La Commission électorale kényane, qui a lancé la campagne d’enregistrement, compte sur l’inscription de quatre à six millions d’électeurs supplémentaires d’ici à la date limite du 14 février, de quoi faire basculer une élection en faveur de celui qui parviendra à mobiliser ses partisans, dans un pays où le vote s’effectue traditionnellement sur des lignes ethniques. Les deux principaux camps exhortent leurs partisans à s’enregistrer en masse pour peser notamment sur la présidentielle.
Une technique vieille comme le monde
Ce n’est pas la première fois que des femmes organisent des grèves du sexe pour appeler au changement ou faire passer un message, même si l’efficacité de la méthode reste difficile à mesurer. En 2009 au Kenya, des femmes avaient déjà lancé une « semaine d’abstinence » pour inciter les hommes politiques à régler leurs différends et réformer le pays.
En 2002, la prix Nobel de la paix (2011) libérienne Leymah Gbowee avait, entre autres, entamé une grève du sexe pour demander la fin de la guerre civile. En pleine crise politique en Belgique en 2011, des femmes avaient elles aussi appelé à des grèves du sexe pour réclamer la formation d’un gouvernement, tandis qu’en 2006, des Colombiennes avaient mené des opérations « jambes croisées » pour faire cesser la guerre des gangs, puis en 2012 pour demander la construction d’une route.
Mais les femmes ne sont pas les seules à œuvrer pour plus de participation à la vie politique kényane. Ainsi, à Kisumu, ville portuaire de l’ouest du pays, les chauffeurs de motos-taxis, les « boda-boda », ont de leur côté décidé de refuser de prendre les passagers non-détenteurs de cartes électorales. « Pas de chauffeur pour ceux qui ne se sont pas enregistrés », a martelé le chef de l’association Kisumu Boda-Boda, Joseph Owiti.
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