Crimes de guerre en RDC : dix ans de prison pour un ex-rebelle promu général
Un général congolais a été rattrapé par son passé de milicien vendredi à Kinshasa, où la justice l’a condamné à dix ans de prison ferme pour crimes de guerre.
Cette décision de la Haute cour militaire congolaise a été saluée comme une victoire dans la lutte contre l’impunité dont ont bénéficié jusque-là l’immense majorité des auteurs des innombrables atrocités commises pendant les conflits qui ont déchiré la République démocratique du Congo, et tout particulièrement sa partie orientale, depuis 1996.
Le tribunal a reconnu le général Jérôme Kakwavu coupable de viols répétés sur deux mineures, de deux meurtres et d’actes de tortures sur deux autres personnes.
La Haute Cour est allée au-delà des réquisitions du ministère public, qui avait demandé huit ans de servitude pénale contre ce général de brigade, alors que le viol est passible de vingt ans d’emprisonnement en RDC.
Les faits incriminés remontent à 2003-2004. Jérôme Kakwavu dirigeait alors les Forces armées populaires du Congo (FAPC), l’une des nombreuses milices qui se sont affrontées en Ituri de 1999 à 2007 sur des bases essentiellement ethniques pour le partage des richesses naturelles (l’or notamment) de ce district de l’Est.
Il est le premier général congolais condamné par la justice de son pays pour crimes de guerre depuis le début de la première guerre du Congo (1996-1997). Promu général à l’occasion du ralliement de sa milice au gouvernement en décembre 2004, il avait été arrêté début 2005, à la suite de pressions internationales.
Jérôme Kakwavu, qui avait plaidé non-coupable, est passé par une succession de groupes armés pendant la période noire qui a suivi la chute du dictateur congolais Mobutu Sese Seko en 1997.
Rabatteurs d’adolescentes
Il fonde les FAPC en 2003 après avoir quitté une autre milice combattant en Ituri: l’Union des patriotes congolais (UPC). Se taillant un territoire dans la région d’Aru, près de la frontière avec l’Ouganda, il y crée alors un mini-État.
Le tribunal a conclu qu’il avait fait de l’une des deux plaignantes violées son esclave sexuelle. Notant que l’ancien rebelle avait un "penchant pour les adolescentes" et qu’il avait embauché des rabatteurs pour lui en livrer, la Cour a regretté que "plusieurs autres victimes" n’aient pas osé porter plainte.
Me Charlène Yangazo, avocate du condamné, a indiqué qu’elle étudiait la possibilité d’un recours judiciaire. Avocat des parties civiles, Me Théodore Mukendi a déclaré à l’AFP que le verdict était à ses yeux un "motif de satisfaction pour les victimes".
La justice arrive néanmoins tardivement pour celles qui ont osé porter plainte, mais Dolly Ibefo, directeur exécutif de la Voix des sans-voix (VSV), la principale organisation de défense des droits de l’Homme en RDC, a salué la décision de la Cour.
"Il est vrai que dix ans de prison ne correspondent pas aux [crimes que Jérôme Kakwavu] a commis en Ituri mais nous considérons que c’est un début vers un État de droit", a-t-il dit à l’AFP.
Parlant sous couvert d’anonymat, un responsable de l’ONU à Kinshasa a salué aussi le verdict, y voyant "une victoire dans la lutte contre l’impunité", et exprimant l’"espoir" que cette décision soit "la première d’une série d’autres" qui permettront aux Congolais de "croire en la justice de leur pays".
L’ONU avait demandé en 2009 aux autorités congolaises de livrer le général Kakwavu à la justice. Son procès avait fini par s’ouvrir en 2011. Le conflit en Ituri a été marqué par des atrocités commises par toutes les parties en présence et a fait au moins 60.000 morts, selon diverses ONG.
En août, le chef d’une milice d’Ituri de moindre importance avait été condamné par un tribunal de l’Est à neuf ans de prison pour crimes de guerre. Jusqu’à ces procès, des condamnations pour les crimes commis dans cette zone étaient venus principalement de la Cour pénale internationale, qui a condamné à 12 et 14 ans de prison deux des principaux chefs de guerre ayant pris part au conflit.
La Cour juge actuellement un autre acteur du conflit, Mathieu Ngudjolo Chui, acquitté en première instance, et doit ouvrir en 2015 le procès de Bosco Ntaganda, ancien chef d’état-major de l’UPC.
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