Pierre Buyoya : « Comme beaucoup, j’ai été surpris par la manière de faire de François Hollande »

Le candidat burundais malheureux au poste de secrétaire général de l’OIF félicite sa rivale, la Canadienne Michaëlle Jean, pour sa nomination. Et regrette la division de l’Afrique ainsi que des déclarations « inappropriées » de François Hollande au sommet de Dakar, sur le respect des Constitutions par les présidents africains. Interview.

Pierre Buyoya en mars 2012, à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

Pierre Buyoya en mars 2012, à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

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Publié le 1 décembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Malgré son passé de putschiste récidiviste, il pouvait se prévaloir de plusieurs atouts pour succéder à Abdou Diouf en tant que secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie. Ancien chef d’État, devenu médiateur pour le compte de l’Union africaine et de l’OIF, de la Centrafrique au Mali, le Burundais Pierre Buyoya bénéficiait en outre du soutien de la quasi-totalité des pays d’Afrique centrale. Mais le refus du président Denis Sassou Nguesso de retirer la candidature de son candidat, Henri Lopes, qui s’était fait "voler" son élection en 2002, lorsque Jacques Chirac avait parachuté Abdou Diouf comme candidat, a sonné le glas de ses ambitions.

Pour Jeune Afrique, il revient sur une élection où sa division a coûté à l’Afrique un poste convoité qui lui semblait pourtant acquis.

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>> À lire : Michaëlle Jean à la tête de l’OIF, les heureux et les frustrés

Jeune Afrique : Pour la première fois depuis la création de cette fonction, en 1997, le secrétaire général de l’OIF n’est pas africain. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Pierre Buyoya : Je tiens d’abord à féliciter Michaëlle Jean et à lui souhaiter tout le succès possible pour porter l’OIF vers de nouveaux horizons. Pour revenir à votre question, c’est effectivement inédit de voir ce poste échappe à l’Afrique. La raison en est simple : les États africains ne sont pas parvenus à s’accorder sur une candidature unique. C’est une réalité qu’il nous faut bien assumer. Le consensus que nous ne sommes pas parvenus à atteindre s’est donc fait sur la seule candidature non africaine, celle de Mme Jean. Cela étant, la campagne a donné lieu à un débat passionnant entre les différents projets, ce qui a contribué à crédibiliser l’OIF.

Tous ont soutenu ma candidature, à l’exception du président congolais, qui n’a pas souhaité retirer son candidat.

En constatant ce bloquage persistant, avez-vous été tenté de retirer votre propre candidature ?

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Non, car la recherche d’un consensus s’est faite de façon méthodique. L’Afrique centrale totalisait trois candidats. Il y a donc eu des concertations préalables pour obtenir des désistements parmi nous. C’est ainsi que le président de la Guinée-Équatoriale a assuré à mon président qu’il était prêt à retirer son candidat. Le jour de l’ouverture du sommet, en marge du déjeuner, une réunion a eu lieu entre les chefs d’État de tous les pays d’Afrique centrale présents à Dakar. Tous ont soutenu ma candidature, à l’exception du président congolais, qui n’a pas souhaité retirer son candidat. Nous étions donc bloqués. Ayant reçu ce soutien, il était difficile à mon président de se désister. C’eût été un manque de respect vis-à-vis de ses pairs.

Étant un ancien chef d’État et ayant œuvré en tant que médiateur dans diverses crises africaines, on vous reconnaissait une stature de secrétaire général en puissance. Les circonstances de votre arrivée au pouvoir, en 1987 et 1996, ont-elles joué contre vous ?

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Cela n’a pas été un handicap. La preuve, c’est que les chefs d’État d’Afrique centrale, de même que d’autres en Afrique de l’Ouest ou ailleurs, m’ont soutenu. Si on était passé au vote, je pense que j’aurais bénéficié d’un large soutien parmi les présidents africains. Si j’ai le sentiment que ça n’a pas joué, c’est parce que personne parmi les États membres n’a fait de mon passé un critère rédhibitoire. Au moment de la prise de décision, cette affaire n’a jamais été mise en avant, contrairement à mon expérience. La seule condition posée par la France a été de demander aux États africains de s’entendre. Si tel avait été le cas, les conditions de mon arrivée au pouvoir n’auraient aucunement été un obstacle.

Plusieurs délégations africaines se sont offusquées, dans les coulisses du sommet, de la teneur du discours de François Hollande. Personnellement, qu’en avez-vous pensé ?

Concernant les principes énoncés, je n’ai pas vraiment de critiques à formuler. Mais sur la forme, ce discours m’a surpris. Ni le cadre ni la manière n’était approprié. Ça m’a donné l’impression que ce discours était adressé à une certaine opinion dans son pays, et non pas aux chefs d’État africains. Comme beaucoup, j’ai été surpris par sa manière de faire. De même j’ai été surpris par son interprétation des événements au Burkina Faso. Sans doute ces événements sont-ils arrivés parce qu’il y a eu des manquements, mais il faut se garder de généraliser à l’ensemble du continent. Prétendre que tous ceux qui modifieraient leur Constitution n’ont pas leur place dans l’espace francophone est exagéré. Chaque cas est spécifique.

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Propos recueillis à Dakar par Mehdi Ba

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