Diplomatie : pourquoi et comment (presque) toute l’Afrique reconnaît l’État palestinien

La France doit-elle reconnaître pleinement l’État palestinien ? C’est la question qui est posée mardi aux députés français et à laquelle la quasi-totalité des États africains ont déjà répondu. Focus sur les relations entre la Palestine et l’Afrique.

Manifestation de soutien à la Palestine au Maroc. © AFP

Manifestation de soutien à la Palestine au Maroc. © AFP

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Publié le 1 décembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Mardi 2 décembre, l’Assemblée nationale française s’apprête à voter en faveur ou non d’une reconnaissance de l’État palestinien. Ce pas diplomatique,  beaucoup de pays africains l’ont déjà franchi.

Retour sur les relations entre le continent, la Palestine et, inévitablement, Israël.

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  • L’Afrique palestinienne

C’est à la fin des années 1960, que les pays africains commencent à s’intéresser à la question palestinienne. Auparavant, en dehors de l’Afrique du Sud de l’apartheid, ils semblaient quasi-unanimement considérer qu’elle ne représentait pas un enjeu politique majeur, tandis qu’Israël menait une grande offensive diplomatique sur le continent. Au milieu des années 1960, une trentaine de pays africains avaient noué des échanges avec Tel-Aviv, sous l’impulsion de la ministre des Affaires étrangères, Golda Meir.

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, le rapport de forces semble toutefois s’inverser. Jouant de la solidarité islamique, notamment via l’Organisation de la conférence islamique, les pays d’Afrique du Nord vont initier, avec le soutien du Gabon d’Omar Bongo, récemment converti à l’islam, un mouvement de rupture des relations diplomatiques avec Israël, au sein de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). "Je suis membre de la Conférence islamique et je ne peux pas moi-même être musulman et reconnaître Israël, au risque de renier ma religion […]", expliquait notamment le président gabonais en 1986.

Je ne peux pas moi-même être musulman et reconnaître Israël, au risque de renier ma religion.

Seuls quelques pays vont conserver des liens, agricoles ou universitaires notamment, avec l’État juif, dont le Zaïre, actuel RDC, de Mobutu Sese Seko, le Malawi, le Lesotho et le Swaziland. Ces trois derniers suivent en réalité l’Afrique du Sud de l’apartheid, à l’époque alliée d’Israël.

C’est dans cette lignée que la grande majorité des pays du continent vont reconnaître l’État de Palestine au moment de sa proclamation, en 1988. Malawi, Afrique du Sud et Swaziland attendront la décennie 1990 pour faire de même, à la faveur de la chute de l’apartheid, tandis que le Lesotho les imitera en 2011. La Côte d’Ivoire reconnaîtra également tardivement l’État de Palestine, en 2008, ayant entretenu d’étroites relations avec Israël pendant des décennies, et notamment depuis la visite de Félix Houphouët-Boigny en 1962 dans l’État hébreu.

La reconnaissance de l’État de Palestine en Afrique

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L’Afrique pragmatique

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Au-delà de la vague de reconnaissance de 1988-1990, les années 1980 furent également celles de la reprise formelle des relations diplomatiques entre Israël et un certain nombre de pays : la Côte d’Ivoire et le Cameroun en février et août 1980, le Zaïre en mai 1982, le Liberia en août 1983 ou encore le Togo en juin 1987.

Aux Palestiniens le soutien populaire, aux Israéliens celui des milieux d’affaires et politiques.

Si, comme le prononçait l’ancien président malien, Amadou Toumani Touré, en 2002, "chaque Africain porte en lui un peu de la Palestine", le pragmatisme prévaut : aux Palestiniens le soutien populaire, aux Israéliens celui des milieux d’affaires et politiques.

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>> Lire aussi : "Gabon : Ali Bongo, l’Unesco et la Palestine"

Pas une semaine ne passe sans l’annonce d’un nouveau contrat entre un pays d’Afrique et Israël, notamment, récemment, celui de la centrale thermique au gaz naturel de Songon-Dagbé, dans la banlieue d’Abidjan, construite par le groupe israélien Telemania pour 500 millions d’euros. Ce sont avant tout le Togo, la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou la RDC qui bénéficient des investissements israéliens. Leur point commun : ils ont tous renoué avec l’État hébreu dès les années 1980.

Israël représentent également un partenaire de poids sur le plan militaire et sécuritaire. Elle a vendu pour 223 millions de dollars d’armes aux pays africains en 2013, à comparer aux 107 millions en 2012 et aux 127 millions en 2011. Autant d’atouts dont ne disposent pas l’État palestinien. La quasi-totalité du continent a pourtant voté en faveur de l’adhésion palestinienne à l’Unesco en 2011 (aucun refus, 8 abstentions), malgré l’opposition manifeste des Israéliens et des Américains.

Cameroun et Érythrée : les soutiens indéfectibles d’Israël en Afrique

Deux pays africains n’ont toujours pas reconnu l’État palestinien : le Cameroun et l’Érythrée. Cette dernière est une alliée stratégique d’Israël dans la région depuis son indépendance en 1993, même si  l’État juif a pourtant soutenu son voisin, l’Éthiopie, dans un conflit fratricide. Dès 1993, le président Isaias Afewerki était accueilli en Israël pour des soins médicaux et des échanges militaires et de renseignements se sont poursuivis depuis entre les deux pays, Israël cherchant notamment à s’assurer un allié dans la zone du golfe d’Aden et du Yémen.

Deux pays africains n’ont toujours pas reconnu l’État palestinien : le Cameroun et l’Érythrée.

Côté camerounais, la raison de la non-reconnaissance de la Palestine revêt un caractère plus personnel. C’est en effet un officier du Mossad (le service de renseignement israélien) à la retraite, le colonel Meir Meyoukhas, qui supervise l’encadrement de la garde présidentielle de Paul Biya, tandis qu’un autre officier israélien, le colonel Abraham Avi Sivan, ancien attaché de défense à l’ambassade d’Israël au Cameroun, a créé le bataillon d’intervention rapide (BIR). Celui-ci est aujourd’hui commandé par un autre ancien colonel israélien, Maher Herez, considéré comme l’un des artisans de la libération des otages français du nord du Cameroun en 2013.

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Par Mathieu OLIVIER

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