OIF : désignation du secrétaire général, le sommet de la cacophonie
Dimanche, à Dakar, pendant que les chefs d’État membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) désignent à huis clos le nouveau secrétaire générale, à l’extérieur les hypothèses sur son identité et ses potentiels soutiens vont bon train.
Quel que ce soit le candidat qui aura été désigné ce dimanche pour succéder au Sénégalais Abdou Diouf en tant que secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), son sort s’est probablement décidé au sein du triangle d’or hôtelier de la capitale sénégalaise : le Terrou Bi, le Radisson Blu et le King Fahd Palace, où étaient logées la grande majorité des délégations officielles. Dans les deux premiers, situés sur la corniche ouest, les délégations ministérielles ont commencé à prendre leurs quartiers dès le 25 novembre, à la veille de l’ouverture de la 30e session de la Conférence ministérielle de la Francophonie. Autour du bar cosy du Radisson, qui fait face à l’océan, des diplomates en tenue décontractée tiennent conciliabule ou échangent d’aimables accolades. Venus de l’Île Maurice, du Vietnam, d’Égypte, des Seychelles, du Rwanda, du Québec ou de Tunisie, ministres et ambassadeurs bavardent entre homologues avec l’espoir de relever le principal défi de ce 15e sommet : aboutir au consensus qui, traditionnellement, est le mode de désignation du Secrétaire général de la Francophonie.
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En 1997 (Boutros Boutros Ghali) comme en 2002 (Abdou Diouf), l’exercice n’avait pas posé de problème. En 2014, en revanche, il relève du casse-tête. Jusqu’à la dernière minute, une profusion de rumeurs contradictoires entouraient la décision tant attendue, et les spéculations allaient bon train sur la position de tel ou tel État. En dehors des quatre membres de l’océan Indien (Comores, Madagascar, Maurice, Seychelles), qui affichent leur solidarité régionale en faveur du Mauricien Jean-Claude de L’Estrac, des trois entités canadiennes (Canada, Nouveau-Brunswick et Québec), unies derrière Michaëlle Jean, et des pays dont sont originaires Pierre Buyoya (Burundi), Henri Lopes (Congo) et Augustin Nzé Nfumu (Guinée-Equatoriale), le mystère planait sur les préférences des 43 autres membres de plein droit. Principale inconnue : les 21 autres États africains de l’OIF parviendraient-ils à s’accorder sur une candidature commune ?
Les 26 et 27 novembre, ce n’est pas dans le cadre bucolique du Radisson, que se sont déroulés les pourparlers mais dans les coursives du Centre international de conférences de Diamniadio – qui vient d’être rebaptisé par Macky Sall du nom d’Abdou Diouf. Soucieux d’aboutir à un compromis de dernière minute avant l’ouverture officielle du sommet, plusieurs délégations africaines ont proposé qu’une rencontre de la dernière chance réunisse, le 28 au soir, les chefs d’État hôtes des deux derniers sommets, Macky Sall et Joseph Kabila, ainsi que leurs homologues des quatre pays du continent présentant un candidat. Une initiative visant à proposer un candidat unique mais qui allait faire long feu.
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Vendredi, après la session matinale clôturant la Conférence ministérielle, Dakar bruissait de rumeurs. Sur la petite corniche, au célèbre restaurant Le Lagon, l’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, déjeunait à la table du maire de Dakar, le socialiste Khalifa Sall, voisinant avec divers journalistes et diplomates. Le matin même, Mediapart avait publié un article affirmant que le Français serait le candidat de dernière minute de l’Elysée en cas de blocage. Soudain, trois hommes entourés de gardes du corps font leur entrée, provoquant l’effervescence dans le restaurant: "C’est Michel Sleiman", chuchotent en chœur plusieurs clients". Le nom de l’ancien président libanais est en effet cité depuis quelque semaines comme un recours possible pour débloquer la situation si nécessaire. Mais après vérification, il s’agissait en réalité d’un déjeuner entre le Premier ministre tunisien Mehdi Jomaa, son ministre des Affaires étrangères et le ministre desAffaires étrangères algérien.
Au Radisson, Jean-Claude de L’Estrac a passé le vendredi après-midi entre audiences et interviews, pendant qu’à quelques mètres de lui, la ministre québécoise des Affaires étrangères et de la Francophonie, Christine Saint-Pierre, abordait les délégués présents en compagnie de sa candidate. "Michaëlle Jean s’est présentée à eux, leur a parlé les yeux dans les yeux, très directement, et leur a expliqué pourquoi elle ferait une très bonne candidate pour le poste", raconte-t-elle à Jeune Afrique. Au même moment, à l’aéroport, les chefs d’État faisaient leur arrivée les uns après les autres, accueillis par Macky Sall, avant de gagner le King Fahd Palace, qui allait dès lors devenir l’épicentre des ultimes négociations.
Spéculations à la buvette
Samedi matin, à l’ouverture du sommet, 800 journalistes venus des quatre coins de l’espace francophone s’installent sous la tente prévue à leur intention. Contrariés de devoir suivre le sommet sur de petits écrans de télé, sans accès possible aux délégations officielles, certains préfèrent sécher les seize discours kilométriques inaugurant l’événement pour échanger des informations autour de la buvette, où les spéculations redoublent d’intensité. "L’Afrique soutient Henri Lopes", lance un journaliste proche de la présidence béninoise. "Je tiens de source élyséenne que Paris est derrière Michaëlle Jean", répond en écho un vieux routier de la presse panafricaine, tandis qu’un autre égrène la liste des pays d’Afrique qui auraient, selon ses sources, rallié la candidature canadienne : Sénégal, Mali, RDC, Bénin… "La Belgique soutiendrait Buyoya et la fédération Wallonie-Bruxelles rallierait le candidat africain en cas de consensus", croit savoir une journaliste belge. "Les candidats africains n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord", relativise un officiel de l’OIF qui passe par là.
De la salle de presse à la buvette, le sommet de la Francophonie vire à la cacophonie. Le huis clos strict des membres de plein droit, qui devait s’ouvrir ce dimanche à 10h30 GMT, avait la mission délicate de la convertir en consensus.
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