Algérie : « Le harcèlement de rue n’est pas un compliment »
Deux jeunes Algériennes, membres d’un collectif de slam, ont réalisé un clip pour dénoncer le harcèlement de rue, qui perdure malgré une loi punissant ce type de comportement.
L’histoire est simple mais effroyablement banale. Une jeune femme sort de chez elle et retrouve un peu plus loin une amie.
Mais le chemin est semé d’embûches : un homme la prend par le bras, un autre tente d’asperger son visage de parfum, plusieurs autres lui jettent des regards obscènes ou des propos salaces.
Alors, la jeune femme presse le pas, fait demi-tour, accélère encore, tête baissée et bras croisés.
Pour son premier clip vidéo, Awal, un collectif de slam d’Oran, a voulu s’attaquer à ce malaise qui règne dans les rues de la plupart des villes d’Algérie.
Ras-le-bol
Le projet a été mené de bout en bout par deux membres du collectif : Zoulikha Tahar, alias Toute Fine, et Sam MB. Dans la vidéo, les deux amies slameuses se mettent en scène, tandis qu’une voix off déclame les textes qu’elles ont elles-mêmes rédigé. Un témoignage à cœur ouvert dans lequel elles dénoncent tour à tour les comportements déplacés, le sexisme, la pression sociale et un problème d’éducation.
Objectif : crier leur ras-le-bol et sensibiliser leurs congénères contre des paroles et des gestes abjectes. Le clip se termine d’ailleurs sur le slogan suivant : « Le harcèlement de rue n’est pas un compliment ».
La vidéo est une compilation de scènes vécues par le duo. « Comme toutes les Algériennes, on souffre de cette situation. Il m’arrive certains jours de ne pas vouloir sortir de chez moi juste pour éviter d’entendre des commentaires. La remarque sur mes lunettes, j’y ai droit chaque jour », déplore Zoulikha Tahar, qui raconte s’être inspirée de la web-série française Meufisme.
Mise en ligne le 12 janvier dernier, la vidéo a immédiatement suscité le buzz sur la toile algérienne. Les deux jeunes femmes ont, depuis, reçu des centaines de messages d’encouragement. Les internautes algériens saluent notamment leur courage pour avoir osé prendre la parole dans un pays où il est mal vu pour une femme de s’afficher
Loi contre le harcèlement de rue
Mais, le court-métrage n’a pas été du goût de tous. « Les commentaires contre notre initiative sont minoritaires mais très violents. On a reçu des menaces, des insultes. On nous reproche de parler français, de nous montrer, de porter des vêtements trop près du corps », s’étonne encore Zoulikha Tahar, qui porte le voile.
Le harcèlement de rue n’est pas un compliment.
Néanmoins, ces critiques virulentes ne dissuadent pas le collectif Awal de poursuivre son combat contre le harcèlement de rue, et plus généralement, pour l’égalité des sexes. L’équipe de slameuses est d’ailleurs repartie en tournage cette semaine pour produire un clip vidéo contre les violences conjugales.
Le projet du collectif Awal intervient quasiment une année après l’entrée en vigueur de la loi contre les violences conjugales et le harcèlement de rue. En janvier 2016, l’Algérie était effectivement le deuxième pays du Maghreb, après la Tunisie, à pénaliser le harcèlement de rue.
Mais une année après, le bilan est maigre. « C’est un acquis indéniable de la lutte des femmes algériennes. Cependant, il reste beaucoup à faire pour que cette loi puisse être effective : faire des campagnes de sensibilisation, éduquer dans les écoles, former les fonctionnaires des institutions concernées », estime Hassina Oussedik, directrice d’Amnesty Algérie.
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