Mali : les zones d’ombre de l’attentat de Gao

Cinq jours après l’attentat qui a causé, mercredi dernier, plus de 77 morts et 115 blessés à Gao, selon un bilan officiel, de nombreuses zones d’ombres entourent encore ce qui est considéré comme l’attaque terroriste la plus meurtrière de l’histoire du pays.

Le nuage de fumée provoqué par l’explosion de la voiture piégée, à Gao, mercredi 18 janvier. © Capture d’écran Youtube / France 24

Le nuage de fumée provoqué par l’explosion de la voiture piégée, à Gao, mercredi 18 janvier. © Capture d’écran Youtube / France 24

Publié le 23 janvier 2017 Lecture : 2 minutes.

À Gao, les victimes ont été rapidement enterrées, mais c’est toute l’agglomération qui était plongée lundi dans une journée ville-morte tandis que le reste du pays, encore sous le choc, sortait péniblement des trois jours de deuil national décrétés par le gouvernement. Les enquêteurs, eux, sont à pied d’oeuvre pour tenter d’éclaircir les zones d’ombre de l’attentat à partir des premiers indices retrouvés sur les lieux de l’explosion qui a fait au moins 77 morts, mercredi 18 janvier.

Première question, comment le véhicule a-t-il pu s’introduire dans le camp du mécanisme opérationnel de coordination (MOC), un dispositif de patrouilles mixtes découlant de l’accord de paix et devant faire collaborer l’armée et les groupes armés signataires ? Le « pick-up » piégé était neuf, selon les témoins, et contenait deux barriques d’essence. Paré des couleurs du MOC, il était stationné à quelques mètres du camp plusieurs minutes avant d’entamer sa trajectoire suicide. À l’entrée du camp, il a percuté deux personnes avant de foncer sur la foule et d’exploser près des quelque 600 combattants qui étaient en rassemblement ce matin là.

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La piste des complicités internes

« Le moment choisi et l’utilisation possible d’un véhicule du MOC laisse penser qu’il y a des complicités internes. Le camp était bien connu du conducteur », affirme une source proche de l’enquête. Cette piste va être sérieusement étudiée, selon la même source, d’autant que les combattants du MOC se promènent régulièrement en ville après les séances d’entraînement et que les occasions de faire fuiter des informations sensibles sont nombreuses. La constitution des listes des combattants a également suscité de vives tensions entre groupes armés, et la piste de la vengeance par terroristes interposés ne peut être écartée.

Quel bilan exact ?

Ensuite, combien de victimes a causé l’attentat et combien de terroristes étaient dans le véhicule ? Le gouvernement évoque cinq kamikazes et annonce un bilan officiel de 77 morts et 115 blessés. Mais des rescapés opposent un démenti catégorique : il n’y aurait eu qu’un kamikaze et le bilan de l’attentat revendiqué par le groupe de Mokhtar Belmokhtar serait supérieur à celui avancé par les autorités. « J’ai activement participé à la levée des corps et nous avons ramassé des restes humains à plusieurs mètres des lieux que nous avons mis dans seize sacs », affirme un jeune patrouilleur. Vendredi dernier, 52 corps ont pu être enterrés. Selon un témoin présent ce jour là, une revue des troupes a permis de confirmer la mort de 87 personnes. Et selon Ayouba Moussilim, chef d’état-major la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR I), 34 autres combattants manquaient à l’appel ce weekend.

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Quel impact sur le MOC ?

Enfin, quelle incidence aura l’attentat sur le MOC ? Le président Ibrahim Boubacar Keïta s’est montré attaché au démarrage des patrouilles mixtes qui doivent marquer le début du redéploiement de l’armée sur l’ensemble du territoire. Mais il faudra d’abord remplacer les combattants décédés, réhabiliter le camp et faire régner un climat de confiance entre les groupes. « Nous craignons aussi que les jeunes [qui constituent la plus grande partie des effectifs du MOC, NDLR] n’aient peur de réintégrer les rangs. Certains ont rejoint leur famille pour le moment », s’inquiète le responsable d’un groupe armé.

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