La Côte d’Ivoire rattrapée par son passé

Même si les situations du Burkina Faso de 2O14 et de la Côte d’Ivoire de 2017 ne sont évidemment pas comparables, Blaise Compaoré pourrait être un conseiller avisé pour son ami le président Alassane Ouattara qui lui a permis de s’établir à Yamoussoukro.

Le président ivoirien Alassane Ouattara à Abidjan, le 12 avril 2011. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Le président ivoirien Alassane Ouattara à Abidjan, le 12 avril 2011. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

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  • Didier Niewiadowski

    Didier Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.

Publié le 24 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

Le précédent burkinabé

L’ancien locataire du palais de Kosyam connaît bien les causes de son éviction du pouvoir, le 31 octobre 2014. Il doit amèrement regretter de ne pas s’être séparé, plus tôt, de son entourage politico-militaire affairiste qui l’avait coupé des réalités de son pays. De même, le président Alassane Ouattara doit encore avoir à l’esprit les troubles agitant le Burkina Faso, peu avant son investiture, le 21 mai 2011.

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On se rappelle qu’au printemps de 2011, des militaires, pourtant proches de Blaise Compaoré, multipliaient les manifestations dans les rues afin d’obtenir le paiement de primes. Des échoppes de commerçants brûlaient dans les quartiers, les étudiants et leurs professeurs étaient en ébullition. Les revendications se multipliaient, l’insécurité faisait tâche d’huile dans les grandes villes. Face à cet état quasi insurrectionnel de 2011, Blaise Compaoré limogea le chef d’état-major des Armées et le commandant de la gendarmerie, muta des officiers et des policiers de haut rang, changea de Premier ministre et constitua un nouveau gouvernement avec quasiment les mêmes ministres de son clan présidentiel.

Tenant compte du précédent burkinabé, le président Ouattara devrait peut-être davantage s’attaquer aux véritables causes de la crise actuelle plutôt que d’en tirer les conséquences

Blaise Compaoré avait déclaré prendre en compte les revendications qui furent, par la suite, loin d’être satisfaites. Quelques années plus tard, son projet de nouvelle Constitution, pour éviter une alternance, mit le feu aux poudres. Tenant compte de ce précédent burkinabé, le président Ouattara devrait peut-être davantage s’attaquer aux véritables causes de la crise actuelle plutôt que d’en tirer les conséquences.

Le réveil brutal et tardif du président

Accorder 16 années de Smic à quelques 8 400 militaires, ayant appartenu aux ex-Forces nouvelles, peut être compris comme une simple régularisation d’une situation qui aurait dû être réglée depuis plusieurs années. Cette prise en compte de promesses anciennes intervient au moment où les bons chiffres de l’économie ivoirienne sont unanimement salués et confortent les investisseurs étrangers dans leur confiance au président Ouattara. En revanche, dans leur vie quotidienne, une grande majorité de citoyens ne voient pas de progrès et, pire, constatent une détérioration de leur pouvoir d’achat. La bonne santé de l’économie ouvre la voie pour réclamer un meilleur partage des richesses accumulées.

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La mauvaise gouvernance ne peut se cacher sous la bonne santé de l’économie

Dans de telles circonstances, certaines affaires de détournements de deniers publics, de corruption et de prévarication décuplent les revendications des laissés-pour-compte de la croissance économique. Ainsi, en cette période de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football, beaucoup d’Ivoiriens, notamment les joueurs sélectionnés, n’ont pas oublié la mauvaise gestion financière des primes des joueurs de la CAN 2015. De même, les mésaventures des milliers de militaires ayant financé l’achat de terrain à construire, sous la présidence de Laurent Gbagbo, donnent de l’ardeur aux militaires qui souhaitent récupérer leur financement.

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Le dernier Forum économique mondial de Davos n’a pas manqué de s’inquiéter des problèmes politiques nés de l’écart grandissant entre les élites mondialisées, de plus en plus riches, et la plus grande partie des citoyens, de plus en plus pauvres. Les « insurrections électorales » se multiplient au Royaume-Uni, aux États-Unis d’Amérique et dans l’Union européenne. En Afrique, les citoyens sont souvent moins patients pour attendre les échéances électorales. Le président Alassane Ouattara n’avait pas besoin d’être représenté à Davos pour s’en inquiéter et Blaise Compaoré pourrait lui confirmer que « cacher la poussière sous le tapis » ne peut que mal se terminer.

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