Mozambique : les oubliés de l’exploitation du charbon

Groupés autour de l’unique baobab du quartier 25-Septembre de Moatize, dans l’ouest du Mozambique, les hommes qui ont quitté il y a six ans leurs maisons et leurs terres pour faire place aux entreprises d’extraction du charbon ne décolèrent pas.

Image d’illustration : un fermier mozambicain le 15 février 2007 à Caia dans le nord du pays. © THEMBA HADEBE/AP/SIPA

Image d’illustration : un fermier mozambicain le 15 février 2007 à Caia dans le nord du pays. © THEMBA HADEBE/AP/SIPA

Publié le 25 janvier 2017 Lecture : 3 minutes.

« Ici, personne n’est content », annonce sans détour Arnaldo Chirimba, un ancien fermier qui a pris la tête d’une association de défense des familles déplacées. « Nous n’avons pas eu d’emploi, les maisons sont mal finies, l’eau ne sort pas des canalisations », déplore le quinquagénaire.

Serrés à ses côtés à l’ombre de l’arbre, les autres membres du comité approuvent son état des lieux.

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Tous font partie d’un groupe de 1 300 familles déplacées en 2010 pour permettre au géant minier brésilien Vale de construire la plus grande mine à ciel ouvert du pays, dans une région qui renferme une des plus grandes réserves de charbon d’Afrique.

L’entreprise avait promis aux habitants de les reloger dans « un quartier urbanisé ». Conformément à la loi mozambicaine, qui stipule que les déplacés doivent avoir une situation meilleure ou au moins égale à celle qu’ils quittent.

Ceux de Moatize jugent y avoir clairement perdu au change. Un petit tour du pâté de maisons suffit à Arnaldo Chirimba pour en convaincre ses visiteurs.

Dans chaque rue, il pointe du doigt des habitations certes coquettes mais sans fondations, les fissures aux murs ou les fuites d’eau, les lampadaires qui ne s’allument jamais, les pompes d’eau défectueuses, les routes sans asphalte.

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« Surtout, il n’y a ici rien à faire pour survivre », renchérit Fernando Elias, un ex-tisserand qui porte une chemisette trouée siglée Odebrecht, la grande compagnie de BTP brésilienne.

Le désastre s’est encore amplifié ces dernières années avec la chute des cours des matières premières.

Derrière lui, des gamins jouent pieds-nus à la balle sur un terrain rocailleux sur lequel rien ne pousse. « Avant, on avait nos champs, on pouvait pêcher, on avait des moutons, du charbon et de l’argent », se souvient Fernando, « c’est un désastre ».

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Le désastre s’est encore amplifié ces dernières années avec la chute des cours des matières premières qui a frappé l’ensemble du continent africain.

En 2014 et 2015, Vale a enregistré plus d’un milliard de dollars de pertes cumulées. Son concurrent, l’anglo-australien Rio Tinto, s’est lui brutalement retiré du pays il y a deux ans et demi, en bradant pour 50 millions de dollars des mines qu’il avait achetées 4 milliards trois ans plus tôt seulement.

L’année dernière, plus de 4 000 mineurs ont perdu leur emploi dans la seule province de Tete, dont le sous-sol abrite des réserves houillères estimées à 23 milliards de tonnes.

Depuis août dernier toutefois, le secteur connaît une embellie inattendue. Les cours sont repartis à la hausse, conséquence de la diminution de la production en Chine, et Vale a renoué avec les bénéfices. Une première depuis 2012.

Dans la province, les mines à l’arrêt redémarrent lentement leurs activités. Une reprise timide, qui ne devrait pas profiter aux populations locales, selon les ONG.

« On constate que les entreprises se sont mises à réembaucher, mais surtout des gens qui viennent de la capitale ou de pays voisins », explique Raul Pensado, de l’Association d’appui et d’assistance juridique aux communautés (AAAJC).

1% de contribution du secteur minier à l’emploi dans la province de Tete

En 2015, le centre de réflexion britannique Chatham House avait déjà évalué à moins de 1% la contribution du secteur minier à l’emploi dans la province de Tete.

« La remontée du prix du charbon est une bonne nouvelle, on aurait pu s’attendre à ce que le gouvernement en profite pour résoudre les multiples problèmes qui se posent », estime Fatima Mimbire, une chercheuse du Centre d’intégrité publique (CIP), un centre de réflexion établi dans la capitale Maputo.

« Mais l’administratrice locale de Moatize n’a jamais le temps de s’asseoir et de parler aux gens », accuse-t-elle.

Le ministère mozambicain de la Terre et de l’Environnement assure pour sa part « avoir conscience » de la situation.

« Nous n’avons une législation sur le relogement que depuis 2012, les entreprises ont dû avancer sans », plaide Arlindo Dgedge, son directeur de la planification territoriale. Avant d’ajouter prudemment que les « torts sont partagés » dans ce dossier.

« Nous allons cette année nous asseoir avec les entreprises, tout mettre en conformité avec la loi », promet-il.

Le processus pourrait prendre de long mois. En attendant, les habitants du quartier 25-Septembre continuent à vivre « à l’arrêt, comme l’eau d’un lac », résume avec poésie Arnaldo Chirimba.

Contactée à plusieurs reprises par l’AFP, l’entreprise n’a pas souhaité faire de commentaire.

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