Agapito Mba Mokuy : « L’Union africaine doit mieux gérer l’aide versée par les pays extérieurs »

À quelques jours de l’élection du ou de la successeur de Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA), l’Équato-guinéen Agapito Mba Mokuy détaille pour Jeune Afrique son programme et ses ambitions pour l’organisation panafricaine.

Agapito Mba Mokuy, ancien consultant pour le Pnud, il conseille le président équato-guinéen pour les affaires africaines depuis 2010. © DR

Agapito Mba Mokuy, ancien consultant pour le Pnud, il conseille le président équato-guinéen pour les affaires africaines depuis 2010. © DR

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Publié le 25 janvier 2017 Lecture : 4 minutes.

Déjà candidat lors du sommet de Kigali en juillet 2016, le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères de la Coopération internationale et de la Francophonie Agapito Mba Mokuy brigue de nouveau la présidence de la commission de l’Union africaine (UA).

À 51 ans, ce polyglotte qui a vécu en France, aux États-Unis et en Asie se dit d’abord préoccupé par la jeunesse et la gestion de l’organisation panafricaine. Entretien à Addis-Abeba, en marge du 30e Conseil exécutif qui rassemble les ministres des Affaires étrangères des pays membres

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Jeune Afrique : L’ancien président gambien, Yahya Jammeh, a été accueilli dans votre pays, la Guinée équatoriale, à la surprise générale…

Si les gens connaissaient mieux notre président [Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, ndlr], ils ne seraient pas surpris. Il est profondément attaché à la paix sur le continent. Il était déjà intervenu lors des crises libyenne − en appelant Mouammar Kadhafi pour lui demander de ne pas s’engager sur la voie de la guerre − et ivoirienne − auprès de l’ex-président Gbagbo −. Grâce à son intervention dans le dossier gambien, nous avons évité une guerre à laquelle se préparait Yahya Jammeh. Cela aurait eu des conséquences dramatiques pour la population locale, et c’est ce que nous devons retenir.

Vous êtes de nouveau candidat à la présidence de la Commission. Comment se passe votre campagne ?

Très bien. Notre message a été entendu, en particulier par les jeunes. Les débats ont été suivis avec beaucoup d’attention, c’est du jamais vu. Maintenant, on ne peut pas savoir quelle sera l’opinion des électeurs que sont les chefs d’État et de gouvernement. Mais du côté des jeunes, je sens que je suis soutenu, puisque je suis le seul à m’adresser à eux directement.

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Est-ce judicieux de faire campagne auprès d’une population qui n’a pas son mot à dire ?

L’avenir du continent, c’est le jeunesse, qui représente presque 70% de la population africaine. Or elle vit dans une précarité terrifiante, faute de travail. Plus de la moitié des diplômés d’universités n’ont pas d’emploi ! Cette pauvreté crée des troubles sociaux, certains jeunes se radicalisent et nourrissent les rangs des terroristes. Une majorité des jeunes femmes sont dans une situation de fragilité absolue. Elles sont trop souvent relayée au rang de citoyens de seconde zone. Les électeurs devraient comprendre que la situation est explosive et qu’il faut régler cette question en premier lieu pour la stabilité du continent.

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La candidature du Tchadien Moussa Faki Mahamat vous a-t-elle froissé ?

Sa candidature est une chose positive : la compétition est bonne dans un système démocratique.  Je n’ai pas peur qu’il y ait trop de candidats. Ce qui m’intéresse, c’est que l’Afrique puisse avoir le bon président.

Ne risque-t-elle pas de diviser l’Afrique centrale ?

Je ne suis pas le candidat de l’Afrique centrale, mais de tout un continent. Les pères fondateurs de l’OUA [l’organisation de l’unité africaine, devenue UA en 2002, ndlr] parlaient d’une Afrique unie !

Mais l’élection ne se joue-t-elle pas sur l’unité des blocs (Afrique centrale, Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est…) ?

Cela ne devrait pas fonctionner ainsi, cela nous divise et nous sépare. Si je suis élu, je travaillerai à ce que l’Afrique ne parle plus que d’une seule voix.

Des critiques sont aujourd’hui formulées sur la dépendance financière de l’UA vis-à-vis de l’extérieur et sur sa gestion. Que proposez-vous ?

Je pense qu’il faut que l’Union africaine améliore la gestion de l’aide versée par les pays extérieurs. Beaucoup d’argent est donné au continent, par les États-Unis, mais aussi la France et l’Union européenne. Comment est-il utilisé ?

Je ne suis pas contre cette assistance, comme certains ont pu le dire, mais il faut mieux l’utiliser. J’ai vécu en France, aux États-Unis,  en Asie : je sais que là bas il y a des personnes qui auraient besoin de cet argent, cela veut dire que les pays font beaucoup d’efforts pour nous aider. La moindre des choses serait qu’on soit plus sérieux.

Quand on sait que l’assistance représente jusqu’à 80% de ce que le continent dépense, même les donateurs devraient être insatisfaits ! C’est notre continent, nous devons donner plus.

Soutenez-vous la réforme liée au financement de l’UA, présentée en juillet à Kigali ?

Je défends depuis longtemps le fait que l’UA soit enfin autofinancée. Maintenant, on parle de taxer les importations à hauteur de 0,2%.  Avec cette taxe, les produits importés ne vont-ils pas subir une augmentation ? Cela ne risque-t-il pas de mettre à mal les recettes des entreprises africaines, ce qui conduirait à des licenciements, notamment des jeunes salariés ? Cela me fait peur. Créer une situation qui risquerait d’aggraver le chômage des jeunes est pour moi inconcevable.

Par ailleurs, sait-on combien représentera cette taxe pour l’organisation ? Des milliards de dollars certainement. L’UA a-t-elle besoin de tout cet argent ? Est-elle capable de le gérer, alors qu’elle n’arrive même pas à dépenser aujourd’hui ce qu’elle reçoit des donateurs ?

Enfin, les chefs d’État seront en charge d’assurer le transfert de cette taxe vers l’UA. Peut être pourraient-ils commencer par payer leur cotisation ?!

Avez-vous des échos des autres propositions de réforme qui seront faites d’ici le 31 janvier ?

Il y a eu beaucoup de propositions de réformes auparavant, du temps d’Obasanjo par exemple, mais elles n’ont jamais été mises en place. J’en conclus qu’il y a un problème au sein de la Commission de l’UA. Il doit y avoir une relation de confiance entre les chefs d’État et les membres de la Commission. Tant que ce n’est pas le cas, toutes les propositions faites seront en difficulté. Cette relation de confiance ne peut être obtenue tant que les membres ne seront pas à la hauteurs des enjeux de l’Afrique et des problèmes des Africains.

La présidente sortante Nkosazana Dlamini-Zuma a-t-elle été à la hauteur selon vous ?

Madame Zuma a fait du bon travail, on ne peut pas tout régler en si peu de temps. Il faut désormais regarder devant, analyser les problèmes qui se posent aujourd’hui et préparer l’avenir.

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