RD Congo – Félix Wazekwa : « Pourquoi j’ai créé fimbu », la danse des Léopards

Du CHAN 2016 au Rwanda à la CAN 2017 qui se joue en ce moment au Gabon, les joueurs de la sélection nationale de la RDC ne célèbrent leurs succès qu’avec le fimbu, une danse créée par Félix Wazekwa. Entretien avec l’homme qui fait danser les Léopards.

Félix Wazekwa, chanteur congolais et auteur de la danse Fimbu, le 25 janvier 2016 à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

Félix Wazekwa, chanteur congolais et auteur de la danse Fimbu, le 25 janvier 2016 à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

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Publié le 27 janvier 2017 Lecture : 5 minutes.

Il se définit comme un « penseur », mais c’est sur le terrain de la danse que Félix Wazekwa, 54 ans, se distingue ces dernières années. Leader du groupe Cultur’A Pays vie (« la culture africaine dans un pays qui vit », souffle-t-il), le chanteur et amateur du « verbe » fait même aujourd’hui danser les Léopards.

Tout est parti du single Fimbu. Traduisez « chicotte », du nom de ce fouet à lanières nouées fréquemment utilisé à l’époque de la colonisation belge au Congo. Le clip de la chanson est diffusé en août 2015, cinq mois avant le début de la quatrième édition du Championnat d’Afrique des nations (CHAN), au Rwanda. La RDC fait partie des seize sélections qualifiées.

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Très vite, la chorégraphie de la chanson cartonne dans les bars et boîtes de nuit de Kinshasa. Jusqu’à atteindre les terrains de football de la capitale congolaise et des autres villes du pays. Les supporters des clubs et les joueurs se l’approprient pour fêter la victoire. Au Rwanda, les Léopards « chicottent » aussi, lorsqu’ils marquent des buts. Fimbu devient ainsi leur danse fétiche. D’autant que la RDC remporte le trophée pour la deuxième fois après le premier sacre en 2009, en Côte d’Ivoire.

Félix Wazekwa s’empresse alors d’enregistrer la version longue du single, Léopards. Fimbu na fimbu. Celle-ci retrace cette fois-ci la campagne triomphante des Léopards au Rwanda. Le clip reprend des images des célébrations des buts et du sacre à Kinshasa (voir la vidéo ci-dessous). La danse s’exporte ensuite au Gabon où la RDC, qualifiée pour les quarts de finale, est en quête de sa troisième coupe continentale.

Jeune Afrique :  Pourquoi avez vous créé la danse fimbu ?

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Félix Wazekwa : Fimbu, c’est avant tout un plaidoyer en faveur de la lutte contre l’impunité. En lançant ce cri et cette danse, je voulais passer un message : dans divers domaines, ceux qui commettent des infractions méritent bien une chicotte. Voilà pourquoi j’ai créé fimbu.

Aujourd’hui ce sont des footballeurs, les Léopards en particulier, qui se sont approprié fimbu. Comment l’expliquez-vous ?

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Lorsque le clip a été diffusé à la télévision, les footballeurs ont apprécié la chorégraphie. En fait, ils ont vite compris que les pas de danse faisaient penser à une correction que l’on infligerait à quelqu’un qui a commis une entorse. Et que cela pouvait aussi bien s’appliquer au football. On chicotte désormais une défense qui encaisse des buts au cours d’un match.

https://youtu.be/8TGWmiPTT94?t=18s

« Chicotter » son adversaire n’est-il pas contraire au fair-play sportif ?

Non ! Fimbu est ludique. Il n’a rien à voir avec les gestes qui blessent les adversaire et créent des tensions dans un match. Fimbu se danse quand on a marqué un but. D’ailleurs, il encourage chaque équipe à bien jouer pour remporter le match afin d’être celle qui va « chicotter » l’autre. Mais ce n’est pas dans un esprit belliqueux, ça reste un jeu.

Les Léopards qui célèbrent leurs buts avec fimbu, Blaise Matuidi qui « chicotte » dans le vestiaire du PSG, Gradur et Noah Lunsi qui dansent fimbu, ceinture à la main, dans le studio de BeIN, le hashtag #Fimbu qui inonde les réseaux sociaux à chaque match de la RDC… Quel est votre sentiment lorsque vous observez cette consécration de votre oeuvre ?

https://twitter.com/vinesfoot/status/824024874859589633

C’est un sentiment de fierté et de reconnaissance pour avoir fait un bon travail. Souvent, en RD Congo, les artistes proposent des danses qui laissent à désirer. Fimbu est dansé par les parents, par les enfants. Même les personnes qui vont à l’église dansent fimbu.

Même dans les églises, on chasse Satan avec fimbu !

C’est en effet une danse qui transcende la démarcation existante chez nous entre la musique du monde et la musique religieuse. Aujourd’hui, même dans les églises, on chasse désormais Satan avec fimbu !

Mais c’est aussi un hommage aux Léopards…

Oui, en effet. Je suis très content de voir à quel point les Léopards font bon usage de ce cadeau que je leur ai offert. Une chanson entière dans laquelle je cite leurs noms, celui du sélectionneur [Florent Ibenge] et de son staff… Aujourd’hui, fimbu est devenu la danse des vainqueurs.

https://www.youtube.com/watch?v=hfIA1q0GiHs

Le succès unanime du fimbu dans la communauté congolaise n’est-il pas une opportunité pour réconcilier les artistes congolais et les opposants anti-Kabila qui interdissent vos concerts en Europe depuis plus de sept ans ?

Pour se marier, il faut être deux. On peut bien s’aimer soi-même, on ne pourra jamais se présenter seul devant l’officier de l’état-civil pour le mariage. Nous sommes déjà à la mairie et nous attendons nos frères qui boudent pour que nous puissions, enfin, nous réconcilier. D’autant que nous ne leur reprochons rien, les faits leur ont donné raison.

Ont-ils eu raison de vous empêcher de vous produire en Europe parce que vous avez chanté pour le président Kabila lors des dernières campagnes électorales en RDC ?

Certains nous reprochaient d’insérer des bêtises, des propos obscènes dans nos chansons, parce que leurs enfants les reprenaient à la maison. De ce point de vue, ils ont raison. Ils nous ont demandé de nous méfier des politiciens parce qu’ils ne tiennent pas toujours leurs promesses, et sur ce point ils ont également raison. Les faits le démontrent aujourd’hui, à l’instar du cas de Yahya Jammeh, en Gambie. Les gens en ont marre des politiciens qui ne réalisent pas leurs promesses. Ils se méfient de la politique. C’est pourquoi, aux États-Unis, nous avons assisté à l’avènement de Donald Trump. Et il y en aura d’autres…

Peut-on en déduire que vous ne chanterez plus pour des politiques ?

Nous allons continuer à chanter pour ceux qui nous inviterons, mais à condition que cela ne constitue pas une pierre d’achoppement pour nos frères [de la diaspora]. Dans mon cas par exemple, que me reproche-t-on ? J’ai à la fois chanté pour l’opposant Jean-Pierre Bemba et pour le président Joseph Kabila.

Et s’ils sanctionnent les artistes qui ont chanté pour le chef de l’État, pourquoi empêchent-ils Fally Ipupa, Ferré Gola, Ferré Gola et d’autres jeunes de se produire en Europe ? Eux n’ont pas chanté pour le Président.

En réalité [ceux qui interdisent ses concerts en Europe] ne veulent plus d’ambiance. Or, dans notre culture, quel que soit le problème, même lorsqu’une personne meurt, nous pleurons toujours avec la musique, nous enterrons nos morts avec la musique. Nos mères nous ont élevés avec la musique. Ils auraient dû nous demander de changer, pas de nous empêcher de jouer.

En attendant, jusqu’où iront les Léopards avec leur Fimbu à la CAN ?

C’est le fimbu de Google, il frappe tout le monde. Je souhaite que les Léopards aillent jusqu’au bout. Mais au final, que le meilleur gagne !

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