Moi, Mayeso Gwanda, j’ai fait invalider une loi coloniale vieille de 192 ans qui terrorisait le Malawi

« Il faut maintenant débarrasser l’Afrique d’autres lois similaires. » Ce témoignage de Mayeso Gwanda, vendeur à Blantyre, au Malawi, a été recueilli par l’Open Society Foundations, un réseau de fondations créé en 1979 par le philanthrope et milliardaire américain George Soros.

Mayeso Gwanda, un marchand de rue de 36 ans, a été arrêté en mars 2015 sur le chemin du marché où il vend des sacs en plastique, et inculpé en vertu de la loi sur « les voyous et les vagabonds » en vigueur au Malawi, vieille de 192 ans. © Sven Torfinn/Panos, pour Open Society Foundations

Mayeso Gwanda, un marchand de rue de 36 ans, a été arrêté en mars 2015 sur le chemin du marché où il vend des sacs en plastique, et inculpé en vertu de la loi sur « les voyous et les vagabonds » en vigueur au Malawi, vieille de 192 ans. © Sven Torfinn/Panos, pour Open Society Foundations

Publié le 26 janvier 2017 Lecture : 2 minutes.

Je m’appelle Mayeso Gwanda, je gagne ma vie en vendant des sacs poubelle. Le 10 janvier dernier, j’ai réussi à faire invalider une loi vieille de 192 ans que l’Empire britannique avait imposée à mon pays, le Malawi.

Le marché de Blantyre en décembre 2016. © Sven Torfinn / Panos pour Open Society Foundations

Le marché de Blantyre en décembre 2016. © Sven Torfinn / Panos pour Open Society Foundations

En mars de l’année dernière, près de Blantyre, la police m’a arrêté sur le chemin du marché, en m’accusant d’être « un voyou et un vagabond ». Ce délit remontant à l’ère victorienne désigne le fait de se trouver au bord d’une route « aux fins de troubles à l’ordre public », il est puni d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 2 ans et demi, et il est utilisé par la police comme moyen de chantage contre la population locale.

La police arrête des piétons au hasard et les conduit au poste de police où ils ont le choix entre verser un pot-de-vin ou être inculpés en vertu de l'obsolète article 184(1)(c) du Code pénal : « Est considérée comme un voyou et un vagabond toute personne trouvée au sein ou à proximité des locaux d'un lieu public quelconque, ou sur une route ou une autoroute ou dans tout lieu adjacent, à une heure et dans des circonstances laissant à penser que cette personne s'y trouverait afin de commettre un acte illicite ou de créer un trouble à l'ordre public. » © Sven Torfinn / Panos pour Open Society Foundations

La police arrête des piétons au hasard et les conduit au poste de police où ils ont le choix entre verser un pot-de-vin ou être inculpés en vertu de l'obsolète article 184(1)(c) du Code pénal : « Est considérée comme un voyou et un vagabond toute personne trouvée au sein ou à proximité des locaux d'un lieu public quelconque, ou sur une route ou une autoroute ou dans tout lieu adjacent, à une heure et dans des circonstances laissant à penser que cette personne s'y trouverait afin de commettre un acte illicite ou de créer un trouble à l'ordre public. » © Sven Torfinn / Panos pour Open Society Foundations

Je me suis fait interroger par trois policiers. Ils m’ont frappé avec le plat d’un couteau et m’ont tailladé l’oreille. Ils m’ont demandé de l’argent. Je leur ai dit que je n’avais que 1 500 kwachas (1,90 euros), ils m’ont dit que ce n’était pas assez. Frustrés, ils ont décidé de me punir : ils ont fait venir une voiture de police et m’ont conduit au poste.

Un autre commerçant du marché de Blantyre, Alfred McJoe, 25 ans, et sa femme. Il a été agressé par un agent de police au commissariat local. Alfred vend des samoussas et a été arrêté puis libéré grâce à l'intervention du Centre for Human Rights Education Advice and Assistance (CHREAA). © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

Un autre commerçant du marché de Blantyre, Alfred McJoe, 25 ans, et sa femme. Il a été agressé par un agent de police au commissariat local. Alfred vend des samoussas et a été arrêté puis libéré grâce à l'intervention du Centre for Human Rights Education Advice and Assistance (CHREAA). © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

J’étais choqué, je ne savais pas ce qui allait m’arriver. Bien que ce fût ma première arrestation, ils auraient pu m’envoyer en prison. J’étais certain de ne pas pouvoir m’en sortir. J’aurais passé six mois en prison sans voir ma fille de six ans, Mawayi. Ma petite entreprise aurait fait faillite.

La prison de Blantyre en décembre 2016. © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

La prison de Blantyre en décembre 2016. © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

Heureusement, j’ai fait la rencontre de Mandala Mambalasa, un avocat qui m’a mis en contact avec le Centre d’assistance pour les droits humains et l’éducation for Human Rights Education Assistance. Nous avons décidé de contester la loi elle-même, en affirmant qu’elle allait contre mes libertés individuelles, dont la liberté de circulation. Au bout d’une bataille judiciaire qui a duré près d’un an, nous avons obtenu gain de cause. La Haute Cour du Malawi s’est prononcée en ma faveur.

Mayeso Gwanda (à gauche) et l'une de ses avocates, Violet Jumbe, qui l'a défendu en justice. © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

Mayeso Gwanda (à gauche) et l'une de ses avocates, Violet Jumbe, qui l'a défendu en justice. © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

Je suis fier de pouvoir me sentir libre aujourd’hui ; bientôt ce sera le cas pour le pays tout entier. Cependant, ces lois d’un autre âge sont toujours appliquées en Afrique, dans d’autres ex-colonies britanniques : au Ghana, au Sierra Leone, en Ouganda et au Kenya.

Poste de police à Blantyre. Dans cette cellule sont enfermés plusieurs jeunes arrêtés la nuit précédente par une patrouille de police ; ils vont être inculpés en vertu de lois obsolètes sur le vagabondage. © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

Poste de police à Blantyre. Dans cette cellule sont enfermés plusieurs jeunes arrêtés la nuit précédente par une patrouille de police ; ils vont être inculpés en vertu de lois obsolètes sur le vagabondage. © Sven Torfinn / Panos, pour Open Society Foundations

Maintenant, je vais reprendre mon travail, mais je vais aussi me joindre au mouvement visant à mettre fin à ces lois dans d’autres pays. Cette loi a été une torture pour mon peuple. Elle ne doit plus exister ailleurs.

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