Mali : un an après sa création, la région administrative de Taoudeni toujours sous le contrôle de la CMA et d’Aqmi
La plus grande région administrative, au nord du pays, échappe totalement au contrôle des autorités et des Casques bleus, au bénéfice de la CMA et d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Dans les locaux de la Minusma à Bamako, on a accroché aux murs des cartes situant, à l’aide de punaises de plusieurs couleurs, les positions des différents acteurs du conflit malien – y compris les groupes jihadistes. À Gao par exemple, il y a la punaise de la Minusma, celle de l’armée malienne et celle de l’opération Barkhane. Un peu plus au nord, à Kidal, on trouve les couleurs de la Minusma encore, de Barkhane aussi, et de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la coalition des groupes armés issus de la rébellion. Bien plus au nord, à Taoudeni, il n’y a que deux punaises : celle de la CMA et celle d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Ainsi, un an après avoir officiellement vu le jour, la région administrative de Taoudeni, la plus vaste du pays (323 000 km²), mais l’une des moins peuplées (environ 130 000 habitants), vit toujours à la marge de la légalité. On ne trouve tout là-haut aucun représentant de l’État ni aucun soldat de l’armée malienne. Il n’y a pas non plus de casques bleus.
Contrôle des routes essentielles aux trafics
« Deux groupes contrôlent cette région, indique un officier de la Minusma. Le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), membre de la CMA, en a pris le contrôle en février 2014. Un an plus tard, Aqmi est arrivé. Aujourd’hui, ces deux groupes sécurisent ensemble la zone et contrôlent les routes qui sont essentielles aux trafics ». La cohabitation n’est pas toujours simple, même si les frontières entre ces deux mouvements – l’un étant considéré comme terroriste, l’autre ayant signé l’accord de paix d’Alger – sont extrêmement poreuses.
Vieille revendication des Arabes bérabiches, l’autonomisation de cette région (qui était auparavant rattachée à Tombouctou) avait été votée sous Amadou Toumani Touré (ATT) peu avant sa chute. Elle est devenue réalité l’année dernière, lorsque le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a nommé un gouverneur, Abdoulaye Alkadi. Mais celui-ci n’a toujours pas posé ses valises dans la ville de l’extrême-nord. Il ne s’y est même pas rendu une seule fois…
Officiellement, le gouvernorat est basé à Tombouctou. Mais la plupart de ceux qui sont censés le faire fonctionner se trouvent encore à Bamako. Ainsi, le 10 janvier, c’est à son domicile situé dans la capitale, à 1 600 km de Taoudeni, que le directeur de cabinet du gouverneur de la nouvelle région a organisé une réunion avec ses collaborateurs. « Ce vaste territoire échappe au contrôle de l’État », reconnait Abdoulaye Alkadi, qui évoque « des querelles de leadership entre groupes armés » pour expliquer l’absence de l’administration et de l’armée. Un collaborateur d’IBK est plus direct : « Aujourd’hui, c’est Aqmi qui gouverne Taoudenni, comme ce fut le cas à Tombouctou, Kidal et Gao en 2012. »
Des jihadistes qui ne se cachent même plus
Un homme d’affaires originaire de cette région, qui effectue fréquemment des va-et-vient entre Taoudenni et Bamako, s’en inquiète. « Dans quatre ans, si la situation ne change pas, tout le monde deviendra Aqmi, et moi le premier », assène-t-il. Sur le terrain, il dit croiser régulièrement des combattants jihadistes : « Ils ne se cachent plus comme en 2013. Ils installent des check-points sur les routes ». Selon un rapport de la Minusma, Aqmi compterait 80 commandos prêts à l’action dans cette région. « Mais derrière ces 80 hommes, il y a toute une machine bien organisée qui va de l’informateur jusqu’au financier. C’est ce qui les rend incontournables dans la région », analyse un militaire malien.
Plusieurs témoins affirment qu’Aqmi y a d’ores et déjà instauré la stricte charia. En décembre dernier, deux nomades impliqués dans une affaire de vol à Tombouctou ont été relaxés par la justice malienne. Mais à leur retour dans leur campement, vers Taoudeni, ils ont été arrêtés par des éléments d’Aqmi. « Le jugement a été rendu début janvier, quelques jours avant le sommet Afrique-France, affirme une source locale. Les deux hommes ont été amputés d’une de leurs mains ».
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