RD Congo : Étienne Tshisekedi, l’irréductible opposant

Étienne Tshikedi, éternel opposant et figure politique majeure de la RDC est décédé ce mercredi en fin d’après-midi à Bruxelles, à l’âge de 84 ans. Voilà quarante ans que l’homme s’opposait aux régimes successifs.

Étienne Tshisekedi s’exprimant devant la foule après son retour à Kinshasa, le 31 juillet 2016. © John Bompengo/AP/Sipa

Étienne Tshisekedi s’exprimant devant la foule après son retour à Kinshasa, le 31 juillet 2016. © John Bompengo/AP/Sipa

Publié le 1 février 2017 Lecture : 3 minutes.

Le cercueil d’Étienne Tshisekedi, à Bruxelles, le 5 février 2017. © Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA
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RD Congo : Étienne Tshisekedi, l’irremplaçable opposant

Le « Vieux » s’en est allé le 1er février. Et, avec lui, c’est une page de l’Histoire qui s’est tournée. À 84 ans, au terme d’une carrière de plus de cinquante ans, le premier des opposants devait prendre la tête du Conseil national de suivi de l’accord. Avec sa disparition, l’avenir de la transition politique devient encore plus incertain.

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Né le 14 décembre 1932 à Kananga, au Kasaï, dans le centre de ce qui était alors le Congo belge, Étienne Tshisekedi wa Mulumba n’est encore qu’un étudiant en droit, en septembre 1960, lors du premier coup d’État de Mobutu, qui « neutralise » le président Joseph Kasa-Vubu et son Premier ministre Patrice Lumumba, en guerre ouverte l’un contre l’autre.

Premiers pas en politique

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Étienne Tshisekedi, alors âgé de 27 ans, entre dans le gouvernement en qualité de commissaire-adjoint à la Justice dans le gouvernement transitoire qui fait arrêter Lumumba, héros de l’indépendance. Ce dernier est assassiné le 17 janvier 1961.

Lorsque Mobutu effectue son deuxième coup d’État en 1965, Tshisekedi se voit attribuer de nouvelles responsabilités. Il enchaîne les portefeuilles, notamment celui du très stratégique ministère de l’Intérieur. C’est sous son autorité que se déroule, le 1er juin 1966, le sombre épisode des « martyrs de la Pentecôte », qui fait référence à la pendaison publique dans le grand stade de Kinshasa de quatre hauts fonctionnaires accusés de complot contre le chef de l’État.

Cet épisode instaure un climat de terreur dans le jeune État indépendant et permet de poser les fondations d’une dictature solide. Tshisekedi, lui, va continuer son ascension. En 1967, il fait parti des rédacteurs de la Constitution et du manifeste de la N’Sele, l’acte fondateur du parti unique, le Mouvement populaire de la révolution (MPR). En 1969, il est nommé ambassadeur au Maroc. Il tiendra à peine plus d’un an.

1980, la rupture

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La rupture avec Mobutu n’intervient qu’en 1980. Étienne Tshisekedi dénonce alors dans une lettre ouverte, qu’il signe avec douze autres parlementaires, les « dérives du régime kleptocratique et dictatorial » en place.

Deux ans plus tard, après un premier court séjour en prison, Tshisekedi participe à la création de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).

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À la faveur de l’ouverture démocratique consacrée à l’issue de la Conférence nationale souveraine, il est désigné Premier ministre en 1991. Il ne tiendra que quelques mois, car il refuse de se soumettre à son ancien ami Mobutu.

Quand Laurent-Désiré Kabila chasse Mobutu et prend Kinshasa par les armes en mai 1997, Tshisekedi revendique à nouveau le pouvoir, avant d’endosser le costume de chef de file de l’opposition. À l’issue de la deuxième guerre du Congo (1998-2003), Étienne Tshisekedi, qui a toujours prôné le combat politique non-violent, refuse de participer au gouvernement de transition et campe, depuis lors, dans le rôle de l’irréductible opposant.

2011 : le « président élu »

Tandis que les mouvements armés se multiplient, Tshisekedi se refuse à militariser son parti. En 2006, la première présidentielle multipartite de l’histoire de la RDC est enfin organisée, sous l’égide de la communauté internationale. L’opposant ne tente pas sa chance et appelle au boycott, convaincu que le choix des chancelleries occidentales est déjà fait et penche pour Joseph Kabila.

En 2007, peu après l’élection de Joseph Kabila, il quitte le pays à bord d’un avion médicalisé pour ne revenir que trois ans plus tard. Il change alors de stratégie pour le scrutin suivant, en 2011, et fait campagne à son retour de Bruxelles. Mais pendant son absence, le pouvoir a changé les règles du jeu : l’élection n’a qu’un tour. L’opposition est obligée de se rassembler si elle veut briguer la victoire. Elle n’y parvient pas.

Joseph Kabila est réélu à l’issue d’un scrutin controversé. Mais Tshisekedi refuse de reconnaître la légitimité de Joseph Kabila et appelle ses concitoyens à en faire de même. Il se proclame « président élu » et appelle les membres de son parti à ne pas siéger dans les institutions de la République, Assemblée nationale comprise.

En août 2014, il est à nouveau évacué vers la capitale belge. Sa santé dégradée soulève plusieurs questions. Son exil prend fin en juillet 2016 lorsqu’il est accueilli triomphalement par des centaines de milliers de personnes à Kinshasa.

Après l’échec de pré-négociations avec le camp de Kabila, Tshisekedi refuse de participer en septembre 2016 au dialogue national proposé par le président Kabila. Mais sous l’égide des évêques catholiques congolais, il accepte finalement de participer aux pourparlers directs avec le régime de Kinshasa.

Le 31 décembre, un compromis politique est conclu. Tshisekedi est désigné président du Conseil national de suivi de l’accord (CNSA), chargé notamment de surveiller le bon déroulement du processus électoral en cours, la présidentielle étant reporté à la fin de l’année. Le patriarche est mort sans avoir été investi dans sa fonction.

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